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Areva, une malédiction nigérienne.
Publié le mercredi 18 decembre 2013   |  actuniger


La
© Jeune Afrique
La mine d`Arlit, exploitée par Areva


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Une discrète visite privée du président nigérien, Mahamadou Issoufou, à Paris vient de s’achever sans que rien ne filtre dans la presse sur l’avancée des négociations entre le Niger et Areva. Le moment est fatidique, car les contrats d’extraction de l’uranium entre le leader du nucléaire français et l’un des pays les plus pauvres de la planète, jusque-là reconduits tacitement de décennie en décennie en près d’un demi-siècle d’exploitation, expirent le 31 décembre 2013.

Niamey a d’ores et déjà fait savoir son intention de «passer au peigne fin»un partenariat jugé trop déséquilibré. Selon un rapport d’Oxfam(1) publié le 22 novembre dernier, une ampoule sur trois en France serait éclairée grâce à de l’uranium nigérien, un pays où près de 90% de la population n’ont pas accès à l’électricité.

Areva au Niger, ce sont deux sociétés basées à Arlit, à 200 km au nord d’Agadez, en plein désert : la Somaïr (Société des mines de l’Aïr), créée en 1968, et la Cominak (Compagnie minière d’Akouta), créée en 1974. Le lieu passe pour être l’un des plus inaccessibles au monde. Ici, on n’aime pas trop les journalistes, et encore moins les caméras qui, à l’occasion de quelques tournages clandestins, ont pu attester du peu de cas que le géant du nucléaire français faisait des conditions de sécurité de ses employés autochtones.


Exposition aux puissants rayons gamma, manipulation de liquides radioactifs avec de simples gants en caoutchouc… Les mineurs sont souvent mal informés des risques qu’ils encourent. En effet, hormis environ 4000 emplois directs créés par la compagnie à Arlit, la présence d’Areva sur le sol nigérien n’a pas apporté grand-chose aux populations, si ce n’est un taux de radioactivité parmi les plus élevés de la planète.


La ville est le pôle minier le plus rentable au monde, mais pas pour ses 85000 habitants, qui vivent majoritairement dans la misère. Même le principal axe routier du pays, reliant Niamey à Agadez en passant par Tahoua, et baptisé «la route de l’uranium» par les Nigériens, est un véritable cauchemar pour les usagers. Sur 1 000 km, une vieille bande de goudron usée et dentelée sert de colonne vertébrale au développement du pays, alors que c’est par là même que transitent les barils de yellow cake(«gâteau jaune»), cette poudre d’uranate envoyée vers la France pour y être enrichie.


Pour en produire une tonne, l’exploitation uranifère génère 50 000 tonnes de stériles, des boues contaminées qu’Areva stocke en plein air. Déjà expropriées de leurs terres pour les besoins de la mine, les populations pastorales de la région, principalement des Touareg, voient leurs paysages défigurés par de gigantesques amas de boues radioactives qui obstruent l’horizon. Cette situation écologique inacceptable est notamment dénoncée par Aghir In Man (« bouclier de l’âme », en langue tamasheq), une ONG locale de protection de l’environnement, et la CRII-Rad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité).

Pathologies multiples

Basée dans la Drôme, la CRII-Rad mène depuis des années des recherches autour du site d’Arlit et dénonce une contamination des sols, de l’air et même des puits qui fournissent l’eau potable aux populations et aux troupeaux. Pour extraire le yellow cake, Areva a besoin de grandes quantités d’eau, en plein désert, et elle les puise dans les deux nappes phréatiques fossiles qui abreuvent la région. Quant aux déchets mécaniques, véhicules et autres engins irradiés passés d’utilisation, Areva ne prévoit rien pour les traiter. Ces tas de ferraille radioactive sont pillés par les habitants d’Arlit et servent souvent à construire des maisons, réparer des voitures, et même à faire des ustensiles de cuisine.
Pourtant, les responsables d’Areva continuent à soutenir qu’Arlit serait un paradis de santé publique. Les deux seuls hôpitaux de la ville appartiennent au groupe et sont réputés être les mieux équipés du pays. Toutefois, en des décennies d’exercice, ils n’ont jamais décelé la moindre maladie radio-induite, ni le moindre cas de cancer. Quelle ville au monde pourrait s’enorgueillir d’un tel bilan ? Si des centaines d’anciens mineurs nigériens d’Areva succombent aujourd’hui en silence à des affections inconnues, le cas d’un ancien chef mécanicien de la Cominak a fait beaucoup de bruit en France.


Serge Venel a servi Areva entre 1978 et 1985 et témoigne d’un temps où les employés travaillaient en short et chemisette, sans casque ni masque. Il est décédé en juillet 2009 à l’âge de 59 ans des suites d’un cancer du poumon. Selon son médecin, son cancer est dû à l’inhalation de poussières d’uranium. En novembre 2012, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (Tass) de Melun a condamné Areva à verser la totalité de son salaire à sa veuve, ainsi que 200 000 euros de dommages et intérêts.

La fille de la victime parle d’une victoire qui ouvrira la porte à d’autres familles qui avaient jusqu’ici peur de parler ou d’attaquer Areva. Le géant du nucléaire, lui, a déclaré au journal Le Monde ne pas comprendre un tel jugement et qu’aucun lien n’avait été établi entre la cause de la maladie et l’employeur. Feu S. Venel aurait probablement inhalé des poussières d’uranium à Melun…

Fleuron de la Françafrique

«L’indépendance énergétique», si chère à la France, s’est souvent faite au détriment de celle des pays africains. Depuis que la dernière mine d’uranium française a fermé ses portes en 2001, Areva importe 100 % du minerai. C’est d’abord au Gabon que le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), ancêtre d’Areva, pose ses valises en Afrique. La Comuf (Compagnie des mines d’uranium de Franceville) est créée en 1958 pour exploiter la mine de Mounana, dans le sud-est du pays. Entre 1961 et 1999, la France y a extrait des centaines de milliers de tonnes de minerai, laissant derrière elle un bilan sanitaire et écologique catastrophique.
L’ancienne puissance coloniale a également procédé à 17 essais nucléaires secrets dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 et consommé de l’uranium malgache entre 1953 et 1960. Selon un collectif d’associations qui luttent contre les méthodes d’Areva, la compagnie aurait obtenu en 2009 un mémo pour l’extraction du minerai jaune sur l’ensemble du territoire de la RDC.

Le Sénégal pourrait aussi accueillir les activités d’Areva, qui s’y est implanté fin 2007. En Centrafrique, où la France commence à envoyer des soldats, le minerai a été extrait jusque dans les années 1970. Areva y a acquis une mine en 2006, mais le projet est actuellement gelé. En 1961, la France a signé un partenariat avec le régime de l’apartheid et a contribué à son programme nucléaire civil et militaire en échange d’uranium en provenance de la Namibie, occupée par l’Afrique du Sud. D’ailleurs, la mine namibienne de Trekkopje, propriété d’Areva, dont l’exploitation est actuellement gelée, pourrait bien redevenir l’un des principaux fournisseurs de l’énergie « propre » hexagonale.

Zineb El Rhazoui

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