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M. Ibrahim Oumarou, Directeur Général de l’Agence Judiciaire de l’Etat : « Depuis l’installation de l’AJE, il y a 5 ans, en termes de recouvrement, c’est près de 20 milliards FCFA que notre institution a permis à l’Etat de recouvrer »

Publié le vendredi 12 novembre 2021  |  Le Sahel
M.
© Autre presse par DR
M. Ibrahim Oumarou, Directeur Général de l’Agence Judiciaire de l’Etat
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Monsieur le Directeur, présentez-nous votre Institution qu’est l’Agence Judiciaire de l’Etat (AJE)?

Je remercie l’ONEP pour l’intérêt qu’il porte à notre Institution. Certes, l’Agence Juridique de l’Etat (AJE) est une nouvelle Institution dans le paysage des Institutions nationales, en réalité, je dois dire que notre agence était l’ancienne Direction des Contentieux de l’Etat, qui était logée au Secrétariat Général du Gouvernement. Au vu du nombre important de contentieux auquel l’Etat fait face, les autorités ont jugé utile de créer une agence, qui sera dédiée uniquement au traitement et à la prise en charge de ces contentieux. C’est donc de cette idée qu’est née l’AJE et cela depuis 2017. Depuis cette date nous avons accompli beaucoup de travail et traité de nombreux dossiers.

Quelles sont les missions et attributions de votre Agence ?

Les textes qui régissent l’AJE lui ont donné comme missions principales : de prendre en charge et de régler toutes les affaires contentieuses dans lesquelles l’Etat est partie, devant les Instances judiciaires ou arbitrales, tant nationales qu’internationales. Ainsi, dès que l’Etat est convoqué devant les juridictions, c’est l’AJE qui doit se présenter pour le représenter. Donc en tout lieu du territoire national, l’Etat doit se donner les moyens d’être présent devant le tribunal d’instance de la localité où il est convoqué. En effet, Il a été constaté que l’Etat perd des procès parce qu’il ne s’y est pas présenté. Il est régulièrement cité mais est absent, donc il perd le procès. Donc le défi majeur de l’AJE est de représenter l’Etat partout et à toutes les audiences où il est cité.

Je dois cependant précisé qu’il ne s’agit pas uniquement des juridictions nationales. L’Etat a des dossiers au niveau de la Cour de la CEDEAO (Abuja), il a aussi des dossiers devant le cour de justice et d’arbitrage de l’OHADA (Abidjan), il est aussi devant le tribunal de Ouagadougou, donc partout le Niger est judiciairement attaqué. C’est que l’AJE doit être présente au niveau de toutes ces instances de justice.

L’AJE a été créée en avril 2017. Combien de dossiers avez-vous eu à gérer et quels en sont les résultats ?

Pour faire face à toutes ces sollicitations, nous avons mis en place une organisation. C’est ainsi que nous avons des organes de gestion et de direction. L’AJE est dirigée par un Conseil d’Administration, qui définit la démarche à suivre par l’Institution. Il y a aussi des organes exécutifs dont la Direction générale, dirigée selon les textes par un magistrat professionnel rompu à la pratique judiciaire. Cette direction comprend cinq départements qui prennent en charge toutes les questions où l’Etat a des intérêts. Il s’agit des départements des Affaires Civiles, qui depuis l’installation de l’AJE, a géré à ce jour 1.630 dossiers. Ces dossiers relèvent des affaires fiscales, pénales, de détournements des deniers publics, des marchés publics, des affaires en précontentieux, ainsi que diverses autres affaires (titres fonciers, accidents de circulation, etc.). Il faut préciser que devant la cour de la CEDEAO, nous avons 7 dossiers.

Nous avons aussi des dossiers devant les juridictions arbitrales, dont celui de la Chambre de Commerce de Paris, relatifs aux litiges que le Niger a avec certains partenaires et investisseurs. Mais au niveau de l’AJE nous sommes en train de travailler pour ramener le règlement de tous ces contentieux au Niger. Car nous avons une chambre de Commerce qui a mis en place un centre de médiation et d’arbitrage très performant avec toutes les ressources humaines nécessaires. Nous avons aussi le département du contentieux administratif. Il faut dire que de l’installation de l’AJE à ce jour, nous avons 232 dossiers à l’actif de ce département. La plupart de ces dossiers concernent, en réalité, les problèmes des chefferies traditionnelles, leurs mises en places ou encore les élections. Nous avons aussi des recours face à certains actes administratifs, par exemple certaines décisions prises par les gouvernants et qui sont attaquées judiciairement. Il y a aussi un département des accidents de circulations.

A ce niveau, l’Etat du Niger est le plus grand propriétaire du parc automobile (camions, véhicules de l’armée et des FDS, de l’administration et de ses démembrements). Il y a aussi des brigades fluviales avec leurs pirogues, des motos, bref la gestion de tout ce parc induit des accidents, qui mettent en cause la responsabilité de l’Etat. Sur ce plan, à ce jour, nous avons eu 2.455 dossiers d’accidents de circulation en tout genre. C’est d’ailleurs le plus gros contentieux que nous gérons actuellement. Nous avons aussi un département de poursuites et recouvrement. Il s’agit à ce niveau des affaires en provenance de la cour des comptes, qui après des audits dans certaines entreprises, sociétés ou municipalités, elle établit des rapports ou des arrêts de condamnation dont nous sommes chargés de l’exécution. Nous avons en plus des rapports d’inspection, que nous traitons. Ce département a, en instance, 43 dossiers. A titre d’exemple, l’AJE a recouvré, du 1er janvier à la date du 31 juillet 2021, la somme de 1.461.497.174 FCFA. Enfin, nous avons le département des Affaires financières et de ressources humaines.

En somme, l’Etat gagne-t-il les contentieux contre les particuliers ou bien c’est l’inverse ?

Cette question est intéressante. Lorsqu’on fait un procès contre l’Etat, l’AJE souhaiterait bien le gagné. Il se trouve qu’effectivement, compte tenu des décisions antérieures, qui ont été prises dans certains dossiers, l’Etat se trouve être condamné. Cependant, l’Etat remporte et gagne aussi des procès. En fait nous gagnons beaucoup plus de procès que nous en perdons. Les dossiers perdus ont plus d’échos et de bruits que ceux gagnés par l’Etat. Ils bénéficient beaucoup plus d’effet publicitaires et de visibilités que ceux qu’ils ont remportés. Par exemple, dans certains procès, il est réclamé à l’Etat au cours de cette année 2021, par rapport aux procès pour accidents de circulation un total de 11.235.800 FCFA. Mais après vérifications, l’Etat n’a eu à payer que 4.047.800 FCFA. C’est qui a fait que l’Etat a eu un gain de plus de 7.000.000 FCFA. Ainsi, l’Etat a payé beaucoup moins que ce qui était demandé. Dans certains procès relatifs aux chefferies traditionnelles, lorsque le Ministère de l’Intérieur ou les Autorités régionales (gouverneurs, préfets), prennent de décisions de convocation de corps électoral, elles sont souvent attaquées, que cela va jusqu’au procès, la plupart de temps c’est l’Etat qui les gagne. Même si le gain est immatériel, le recours qui a été intenté a permis à l’Etat de remporter le procès. Depuis l’installation de l’AJE, il y a 5 ans, en termes de recouvrement, c’est près de 20 milliards FCFA que notre institution a permis à l’Etat de recouvrir. Donc, c’est en moyenne 4 milliards FCFA par an qui sont recouvrés par l’Etat.

Dans le cadre de notre activité, l’AJE essaye de soigner l’image de l’Etat et pour défendre cette image, il faut très rapidement régler le dommage auxquels ont droit les victimes. La plupart de temps, dans les dossiers, nous sommes dans un contexte de crise sécuritaire, toutes les attaques qui entrainent des morts de nos soldats sur le terrain c’est l’AJE qui prend en charge le règlement du capital décès pour les familles de ces militaires, pour les veuves et les orphelins. Donc, très rapidement, nous traitons ces dossiers pour au moins fournir ce réconfort. Moralement on essaye d’assister ces familles et très rapidement le dossier concernant le capital décès des veuves et des orphelins ça c’est le rôle de l’AJE. Le capital décès est fixé en fonction du nombre des veuves et des orphelins. Normalement ça tourne autour de 7 millions FCFA par ménage. A chaque attaque s’il y a des morts l’Etat doit prendre en charge les veuves et les orphelins. Il faut souligner ici, que le temps de la justice n’est pas le temps que nous l’on voudrait car la victime a toujours tendance à faire des calculs et est pressée. Mais le chronomètre de la victime n’est pas celui de la procédure administrative. La procédure peut prendre 2 ans, 3 ans ou même 4 ans. En plus, une décision rendue en première instance peut être frappée d’appel. Ensuite il peut avoir un pourvoi en cassation. Donc tout ce processus peut aller jusqu’à 5 ans minimum. Heureusement, selon les textes, l’AJE peut faire les transactions avant, pendant et après le procès. Ça rentre dans le cadre de nos compétences pour garder une bonne image de l’Etat. Donc nous pouvons engager des discussions pour faire des protocoles d’accords avec les victimes à tout moment. Mais lorsque les victimes font le choix de la procédure judiciaire, nous ne pouvons qu’à nous tenir à ces procédures judiciaires, et attendre le temps qu’il faut. Lorsqu’un dossier arrive à l’AJE nous essayons de faire le plus rapidement possible pour le faire avancer. Par exemple, pour le dossier de capital décès, ici, en une semaine nous réglons le dossier pour essayer de le transmettre au niveau des finances. Souvent, pour les dossiers qui sont à l’AJE, quand il s’agit des dossiers des militaires décédés sur le théâtre des opérations, à l’AJE on traite le dossier avec diligence et on les transfère au ministère des finances.

Effectivement, au ministère des finances il y a la gestion des stocks de toutes les dépenses qui peut rallonger le délai du traitement. Il est plus facile de privilégier la transaction. Maintenant, si la transaction doit se faire dans un esprit de compromis de chaque côté ce n’est pas parce qu’on est Etat qu’on va s’engager à payer des montants fabuleux. Il faut que ça soit supportable par les finances publiques. Les gens pensent que nous trainons, non, nous aimerons bien évacuer tous les dossiers. Par exemple, dans le dossier d’accidents de circulation routière aussi, effectivement il faut qu’on établisse la responsabilité des uns et des autres. Ce n’est ne pas parce que un véhicule de l’Etat est impliqué dans un accident que l’Etat doit nécessairement payer et d’ailleurs, on a des conducteurs de véhicule de l’Etat qui commettent des accidents, on va de plus en plus vérifier. On va voir s’il n’y a pas faute personnelle du chauffeur du véhicule au moment de l’accident. Si cette faute personnelle est établie, l’AJE a droit d’exercer des actions récursoires contre cette personne, pour faire rentrer l’Etat dans ses droits. Donc, de plus en plus on va aussi initier cette action pour que l’Etat engage des actions contres ces proposés par la faute desquels l’Etat a été condamné, quand il s’agit des fautes personnelles.

Quel sort réservez-vous aux enquêtes administratives diligentées par l’Inspection Générale d’Etat, qui vous sont d’office destinées ?

Effectivement, lorsque nous recevons nos enquêtes administratives, par le canal de l’inspection régionale de l’Etat, nous au niveau de l’AJE, on privilégie d’abord le remboursement lorsque des irrégularités sont établies contre des personnes dénommées, on convoque ces personnes pour leur signifier les irrégularités relevées par l’inspection contre elles ou tout autre organe de contrôle parce que nous sommes destinataire de tous les rapports établis par les organes de contrôles. Donc l’AJE prend en charge ces dossiers et la première préoccupation d’abord avant même d’engager les poursuites pénales, c’est le remboursement s’ils reconnaissent les faits. Donc on peut faire des mises en demeure pour que les irrégularités soient réglées à l’amiable lorsque les personnes reconnaissent.

On a eu des dossiers qui ont été libérés de cette manière ou le recouvrement, dont je parlais, rentre dans ce cadre. Donc après ce recouvrement évidement il revient à l’AJE de voir est ce qu’il est important de poursuivre le procès pénal, parce qu’il y a l’acte pénal qui est là, c’est laissé à l’appréciation de l’agent judiciaire de l’Etat. Mais lorsque les faits établis par l’inspection ne sont pas reconnus, évidemment nous transmettons les dossiers au parquet d’instance compétent pour engager les poursuites. Et lorsque le dossier est devant le juge, l’AJE poursuit pour obtenir une condamnation qu’on va exécuter. De plus en plus il y a des personnes qui sont condamnées à payer des dommages et des intérêts à l’Etat ou des amandes mais rien n’est fait. L’AJE aussi prend en charge l’exécution des décisions de condamnation.

Selon vous, que faut-il faire pour améliorer les techniques de prévention du contentieux ?

Aujourd’hui, on doit dépasser ce stade de sensibilisation parce que lorsque vous prenez fonction vous avez un cahier de charges, vous avez tout ce qui est répréhensible. Aujourd’hui ce qu’on doit faire, c’est ce travail de contrôle et de prévention en amont. C’est le défi principal, pour éviter les tractations des ressources destinées à l’Etat. L’AJE doit faire ce travail de vulgarisation des textes et à mon avis, il faudrait aussi imposer des contrôles périodiques aux agents chargés de gérer les ressources publiques de l’Etat. On doit instaurer des contrôles périodiques. La notion de contrôle permettra d’amoindrir la captation des ressources publiques. Lorsque nous recevons les rapports d’inspection, nous préparons des lettres en l’intention de ministres concernés, pour transmettre des recommandations issues de ces rapports, pour corriger les imperfections et les irrégularités relevées.

Réalisée par Mahamadou Diallo(onep)
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