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Moussa Hassane, enseignant de brousse multicartes (Par Mahamane Sabo Bachir)

Publié le mardi 30 aout 2022  |  Agence Nigerienne de Presse
Moussa
© Autre presse par DR
Moussa Hassane, enseignant de brousse multicartes (Par Mahamane Sabo Bachir)
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Moussa Hassane dit Bounga, cet enseignant natif de Niamey a abandonné le confort et les facilités de la ville pour la dureté et les précarités de la vie rurale pour dit-il être au service des enfants des plus pauvres.

Au cours de la dernière année scolaire, il a servi à Kassa, un village du département de Ouallam, situé à 155 kilomètres, Nord-Ouest de Niamey dans la Région de Tillabéri.

Cette dernière vit depuis 2018 sous l’état d’urgence sécuritaire décrété par le Gouvernement nigérien pour contrer les attaques terroristes récurrentes dans cette entité de la zone des 3 frontières (Niger, Mali, Burkina Faso).

Kassa, le poste de Bounga est à une vingtaine de kilomètres du marché le plus proche à Dingazi Banda où l’on peut s’approvisionner en denrées. Une fois par semaine. Ici, il n'y a ni électricité comme la plupart des villages Nigériens. Même la circulation à moto et à pied est réduite du fait de l’état d’urgence.

Moussa Hassane dit Bounga, est à ce poste comme enseignant contractuel et directeur de l’école du village. A ce titre, il tient la classe de CM2, la dernière année du cycle primaire. Pour l’année scolaire 2021-2022 qui vient de s’achever, l’école du village compte environ 200 élèves.

A son arrivée dans le village en 2020, Bounga a trouvé que l’école manquait des tables-bancs pour les élèves, comme dans les autres villages où il avait servi.

Moussa est passé par plusieurs écoles de la vie. Il met son ingéniosité et sa créativité en œuvre pour trouver une solution.

« Quand je suis arrivé dans l’école, j’ai trouvé que les élèves qui étaient plus de cent (100) s’asseyaient à même le sol pour étudier. J’ai donc eu l’idée de leur construire des tables-bancs en argile pétrie avec du ciment. Et le problème des tables-bancs est résolu », raconte l’enseignant.

C’est dans le village de Touramaïzé Koira, son précédent poste, que Bounga a fait cette expérience pour la première fois. Dans cette localité, dont il est le premier directeur de l’école, Bounga n’avait reçu aucune dotation en tables-bancs, encore moins un bureau pour lui-même.

Il a alors créé ces meubles dont lui et ses élèves avaient nécessairement besoin avec des tiges d’herbus. Et l’année qui suivait, il a changé ces tables en bois au profit des meubles en argile et du ciment.

« Avec 260 briques en argile et un sac de ciment, j’ai fabriqué des tables-bancs. C’est plus solide, plus durable et plus protecteur de l’environnement. Car avec les tiges, on détruit beaucoup d’arbres », se réjouit-il, tout en ajoutant que « cela a permis aux élèves de travailler et d’écrire dans des conditions plus confortables qu’avant ».

Très attaché à l’écologie, durant son séjour à Touramaïzé Koira, il avait planté 72 arbres. Mieux, à Kassa, son actuel poste, il en a planté 192 dans son école et aux alentours.

Un Héro pour les villageois

Pour Moussa, enseigner n’est pas qu’une manière de gagner son pain, mieux, c’est de la passion associée au patriotisme et à l’altruisme.

A son arrivée en 2016 à Touramaïzé Koira, il y a trouvé les conditions d’enseignement très difficiles. Car, outre le manque des tables-bancs, les classes étaient aussi en paillotes. Et les filles venaient en retard car elles devaient parcourir chaque matin près de 800 m pour aller chercher de l’eau au puits du village voisin avant de venir à l’école.

Pire, certains parents étaient réticents d’envoyer leurs enfants à l’école.

A tous ces problèmes, l’enseignant-administrateur a décidé de trouver des solutions. Et il l’a fait sans frapper à la porte de son inspection, ni à celle d’une quelconque ONG, car il est déterminé à éduquer et à donner à ces enfants villageois la chance de réussir.

Le manque de puits à proximité obligeait les élèves filles à venir en retard en classe. Moussa n’a pas les moyens de construire un puits pour les villageois, il a donc mené un plaidoyer auprès des bonnes volontés, et c’est ainsi qu’une entreprise privée basée à Niamey a eu les échos et s’est engagée à construire ce puits pour le village.

L’entreprise a investi la somme d’environ 400.000 francs CFA, soit à peu près 610 euros pour doter le village de Touramaïzé Koira du puits dont il avait besoin. Aujourd’hui, même les populations des villages environnants s’approvisionnent au niveau de cette source.

« Nous avons voulu, à travers cette action, contribuer à l’épanouissement des élèves et mieux, à celui de tout le village », a indiqué Ibrahim Diop le directeur général de l’entreprise donatrice.

« Heureux étaient les hommes du village de Touramaïzé Koira qui ont vu leur village doté d’un puits par cette société privée. Et ça a été un jour de fête pour les femmes dudit village qui dansaient et coulaient de larmes de joie », témoigne Moussa Hassane.

Pour les villageois la création de l’école et surtout l’arrivée de cet enseignant, aussi combatif qu’innovateur, a positivement changé leur vie.

L’importance de l’école dans un village n’est plus à démonter, pensent-ils. C’est d’ailleurs ce qui a changé le regard des parents qui ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l’école.

Pour comprendre à quel point Moussa dit Bounga est combatif et altruiste, il faut connaitre son passé, c’est-à-dire sa vie avant qu’il n’embrasse le métier d’enseignant.

Moussa est natif Gamkalé, un des vieux quartiers de Niamey. Avant 2010, l’année où il a commencé l’enseignement, il était artiste rappeur et animateur musical dans une radio de la capitale. Bounga, c’est son nom d’artiste. Il a plus d'une corde à son arc. Outre ces métiers, il était aussi moniteur (encadreur dans une auto-école).

Moussa menait une vie stable. Il est aujourd’hui marié et père de trois (3) enfants. Il a préféré abandonner tout au profit de l’éducation des enfants des mieux défavorisés pour un salaire de moins de cent mille (100.000) francs cfa, soit moins de 160 euros.

La femme et les enfants de Bounga vivent à Niamey. Il leur rend visite à la fin de chaque mois et durant les vacances.

«Nous nous sommes mariés en 2012. Je vous garantis que moi personnellement, j’ai appris à m’habituer à son absence. Par contre les enfants se plaignent chaque fois qu’il met beaucoup de temps avant de passer nous voir », déclare l’épouse de l’enseignant.

Bounga a refusé plusieurs propositions d’affectation à Niamey, chose qui lui permettrait d’être proche de sa famille.

« Je préfère continuer à servir en brousse, car je m’y sens plus utile », a fait-il savoir.

«Si tous les enseignants ne veulent pas rester dans la brousse pour enseigner, que deviendront les enfants de ces pauvres citoyens ? », s’interroge l’ancien rappeur.

Les efforts du directeur de l’école de Kassa sont reconnus non seulement par les villageois mais aussi par ses supérieurs hiérarchiques.

Selon Hamidou Tawey, inspecteur de l’enseignement primaire pour la commune, Moussa « est un enseignant ingénieux (…). Il donne satisfaction dans toutes ses tâches administratives et d’enseignement ».

A Kassa comme Touramaïzé Koira, Bounga est vu comme un héros. Un héros qui transmet des connaissances aux enfants et qui leur apprend les bonnes manières, un héros qui a évité aux élèves filles de venir désormais en retard en classe à cause de l’eau, un héros surtout parce qu’il a amené de l’eau au village à Touramaïzé Koira. Et l’eau, c’est la vie, a-t-on coutume de dire dans ce pays au 2/3 désertique.

MSB/CA/ANP 0122 Août 2022.
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