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Le Colonel Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix : ’’Cette année, la fête de la Concorde nationale est très significative, car les Nigériens voient concrètement les avantages de la paix quand ils regardent
Publié le vendredi 26 avril 2013   |  Le Sahel


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© Autre presse par DR
Le Colonel Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix


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Le Niger a célébré, le 24 avril dernier, la fête de la concorde. Dites-nous mon Colonel dans quel état d’esprit cette célébration s’est déroulée ?
C’est une fête de concorde, d’unité nationale; nous voulons que les Nigériens réalisent l’importance de la paix et de la quiétude et l’apprécient surtout en ce moment où, dans notre voisinage immédiat, règnent la peur et la désolation. C’est une occasion de voir le chemin parcouru depuis les évènements qui ont conduit aux accords de paix, évènements qui ont endeuillé de nombreuses familles et qui ont retardé le développement dans les zones Nord et Est de notre pays, du fait de l’insécurité. Et vous savez que ce sont les populations locales qui souffrent le plus des situations d’insécurité.

Cette année, la fête de la concorde nationale est très significative, car les Nigériens voient concrètement les avantages de la paix quand ils regardent au-delà de nos frontières. On apprécie vraiment la tranquillité dont nous bénéficions.

Parlez-nous de votre mission de maintien de la paix au vu des menaces dans notre voisinage immédiat ?

Notre institution n’est qu’un acteur parmi d’autres dans le maintien de la paix. Elle joue son rôle de veille et de prévention en relation avec les autres démembrements de l’Etat qui ont la mission régalienne de maintenir la sécurité et de permettre au Nigériens de vaquer à leurs occupations. Vous savez que des efforts énormes ont été consentis pour équiper et renforcer nos Forces de Défense et de Sécurité, et le Président de la République l’a dit : pour la première fois, notre armée dispose d’une capacité aérienne conséquente qui, compte tenu de la taille géographique de notre pays, s’avère déterminante pour nous éviter le sort de notre voisin. Les FDS sont donc la première sentinelle de notre sécurité.
Mon Colonel, quelle est la contribution de la Haute Autorité dans tout cela ?
J’y arrive. Donc, en soutien aux FDS dans leur travail de prévention et de dissuasion, nous jouons notre partition : au niveau de la HACP, nous avons une présence dans chaque campement, dans chaque village de notre zone d’intérêt : nous avons des chargés de mission et des délégués régionaux dont le rôle est d’informer à temps sur les risques et menaces, de sensibiliser les populations, de les encadrer, de recueillir leurs doléances, de servir de relais à l’action des pouvoirs publics en ce qui concerne la paix. Nous avons également organisé, un peu partout dans le pays, des cérémonies de remises d’armes et de désarmement volontaires. Car il était clair pour nous que tous ceux qui sont rentrés de Libye avec des armes devaient les rendre et bénéficier d’un soutien à la réinsertion. Comme vous le savez peut-être, nous avons également initié la création et conduit à bon port la formation de 225 policiers municipaux pour les 15 communes de la région d’Agadez. Ces policiers municipaux sont aujourd’hui des auxiliaires fort appréciés des Forces de Défense et de Sécurité. Ce projet de Police Municipale est conduit avec l’appui de l’Union Européenne, et devant le succès de cette opération, il peut être envisagé de l’étaler à d’autres communes. En ce qui concerne la Police Municipale, il faut savoir qu’elle a été recrutée sur des critères très clairs. Ce sont des jeunes Nigériens âgés de 18 ans, ce n’est donc pas une opération d’intégration d’anciens rebelles comme certains l’ont pensé. La plupart n’était pas né au moment des rebellions des années 1990, et ils avaient moins de 12 ans au moment du MNJ.
Y a-t-il d’autres aspects de votre mission de maintien de la paix et de la sécurité ?
Bien sûr ! La sécurité c’est un tout, et il n’est pas possible, ni même souhaitable, d’avoir recours à la force dans tous les cas de figure. Il faut maintenir une capacité pour montrer ses muscles, dissuader, faire savoir à ceux qui ont de mauvaises intentions ce qu’il leur en couterait de s’attaquer à notre pays. Mais nous avons au Niger une arme encore plus redoutable. C’est la démocratie, c’est le dialogue politique. C’est le fait que les canaux de communication sont ouverts avec toutes les composantes de notre pays. Comme vous le savez, à la HACP, nous avons commencé notre travail par prendre la température des régions réputées instables, là où dans le passé, il y a eu des rebellions: Tchintabaraden, l’Aïr, le Manga. Nous y avons organisé de grands fora pour donner la parole aux populations. Pour souligner l’importance de ces fora, il faut signaler que c’est le Président de la République en personne qui les a ouverts et c’est le Premier ministre qui en a dirigé les travaux. Ces fora ne sont que la partie visible de l’iceberg, puisqu’en réalité le dialogue a continué sous des formes variées : caravanes de la paix, forum communautaire, rencontre foraine et festivals, etc.

Justement à quoi ont servi ces fora ?
Ils ont servi, comme je vous le disais, à installer le dialogue politique et j’ai personnellement tiré la conclusion à partir de ces fora que pour toucher les populations, il faut travailler avec les collectivités locales, à travers les maires, les conseils municipaux. Mais pour revenir aux fora, nous avons passé en revue les problèmes qui se posent dans ces zones d’insécurité. On a constaté, mais ceci n’est pas une surprise, que les problèmes de ces zones ont pour noms chômage des jeunes, pauvreté, besoins de soins de santé, d’éducation, bref besoin de développement comme dans le reste du pays. Il est vrai que la nature désertique de ces zones rend les stratégies alternatives de survie plus difficiles, mais les problèmes sont vraiment les mêmes partout. Ces fora ont été suivis d’autres rencontres plus ciblées au niveau local et qui ont débouché sur l’élaboration de projets d’intervention.
Nous avons également commandité une étude de vulnérabilité sécuritaire. Et cette étude nous a permis de délimiter une zone d’insécurité et de vulnérabilité qui correspond à un croissant lunaire allant du Nord Tillabéry à Diffa, en passant par le Nord Doutchi, Nord Tahoua, Agadez, le Nord de Maradi et le Nord de Zinder. Pour le moment, c’est 63 communes qui ont été concernées par notre action. L’étude nous a également permis de réaliser que les problèmes d’insécurité ne sont pas l’apanage d’une ethnie. Comme on a pu le voir au Nord du Mali, dès que l’Etat est absent, ou qu’il s’affaiblit, tous les groupes ethniques peuvent être tentés par l’aventure. Vous savez que le MUJAO a recruté chez tout le monde et nous suivons avec beaucoup de vigilance certains de nos compatriotes qui, à un moment, se sont égarés mais qui sont de retour maintenant. Là aussi, comme dans le cas des retournés de Libye, la consigne est claire : les désarmer et les aider en vue de leur réinsertion.
Nous en venons maintenant à cette réinsertion. Le principe est simple : tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont été tentés par l’aventure, que ce soit la rébellion, le djihadisme ou le banditisme résiduel, doivent accepter de s’amender et rentrer dans les rangs. Un appui leur sera apporté au sein de leurs communes d’origine. Pour cela, nous finançons sur fonds nationaux, des projets de relèvement. A la différence des autres actions conduites par les différents ministères, notamment dans le cadre des programmes d’urgence sectoriels, notre action vise spécifiquement à s’attaquer aux groupes vulnérables du point de vue sécuritaire : Les ex-combattants, surtout de plus en plus les jeunes, mais également les femmes qui, à travers leurs coopératives, jouent un rôle de stabilisation important. Comme vous le savez, les jeunes sont susceptibles d’être tentés par l’aventure, car les tentations sont grandes autour de nous : Boko Haram, Libye, Mali, trafic de la drogue, banditisme larvé.... Alors nos projets, c’est ce que dans le jargon des opérations de relèvement post-conflit les anglophones appellent des QUIP (Quick Impact Projects) autrement dit, les projets à impact immédiat. Il faut faire en sorte qu’un projet puisse avoir des retombées immédiates et sensibles. Nous ne sommes pas dans le développement, qui est un processus de long terme, nous sommes dans l’urgence. Nous avons bénéficié en 2012-2013 de l’appui de l’Instrument de Stabilité de l’Union Européenne (IdS). Cet IdS, malgré certaines lenteurs, nous a beaucoup aidés car les moyens de l’Etat ne sont pas suffisants. Notre objectif est de faire en sorte qu’à tout moment, dans chacune de nos communes cibles, quelque chose se passe. S’il n’y a pas une activité génératrice de revenus pour les femmes, il faut qu’il y ait des travaux à haute intensité de main d’œuvre pour les jeunes ou des ateliers de formation pour les jeunes filles ou une activité quelconque. Vous savez, quand vous injectez 10 millions de FCFA dans une commune rurale, c’est beaucoup de gens que vous touchez. C’est cela le but de nos projets de relèvement : occuper les gens, car l’oisiveté, comme on dit, est la mère de tous les vices.

Mon Colonel, cela veut dire que vous excluez toute possibilité de rébellion dans notre pays ?
Vous savez, nous avons connu une rébellion à la sortie de la conférence nationale au tout début de la démocratisation. Moi je lie cette rébellion à la sortie de l’Etat d’exception, à l’effet de la marmite comprimée. Et sans doute aussi à la gestion essentiellement sécuritaire du différend que le gouvernement du Niger avait avec la Libye du Colonel Kaddafi. Je profite d’ailleurs pour souligner que toutes les rébellions au Niger remontent d’une manière ou d’une autre à la Libye. Nos rébellions n’ont jamais eu des causes endogènes. Donc, sur le long terme, si la Libye devient un pays normal, nous gagnons en stabilité. Pour en revenir à votre question, sous la troisième République, il y avait de la bonne volonté de part et d’autre, pour, la démocratie aidant, résoudre les problèmes. C’est le sens des accords de paix de 1994 et subséquents. Ces accords étaient de bons accords, ils ont permis d’accélérer la décentralisation, permis l’intégration de nombreux compatriotes nomades dans les FDS, dans les administrations publiques et dans les sociétés d’Etat. Il est également indéniable qu’ils ont modifié le visage de notre classe politique : Rhissa Boula, Issa Lamine, Zen Goukkouni, Mohamed Anacko sont aujourd’hui des hommes politiques d’envergure nationale. La rébellion du MNJ par contre n’avait aucune raison d’avoir eu lieu. Notre pays était en démocratie, il était possible de faire connaitre son opinion par les canaux normaux de l’opposition. Mais je constate qu’elle est apparue au moment où explosait le trafic de drogue dans le Nord de notre pays, alors est-ce l’annonce de ce qui s’est passé au Mali quelques années plus tard? C’est-à-dire la collusion entre rebelles, islamistes et trafiquants. Toujours est-il qu’au Niger, cette rébellion n’a pas bénéficié du soutien de la communauté Touareg dont elle se réclamait et je constate qu’elle s’est arrêtée net le jour où Kaddafi lui a retiré son soutien financier. Donc, c’est une rébellion artificielle qui n’était fondée sur aucune revendication légitime.
D’ailleurs, quand je regarde les rébellions un peu partout en Afrique, je ne peux m’empêcher de constater qu’elles sont souvent des entreprises corporatistes, les rebelles visant toujours des postes, des positions et que les populations dont elles se réclament en sont les victimes. C’est pour cela qu’il faut arrêter ces dérives, y mettre fin de manière définitive, car c’est une distraction inacceptable par rapport à notre objectif de développement. Pour le Niger, notre tissu social est fondamentalement à l’épreuve des dissensions, et vous ne pouvez pas aisément tirer des frontières entre les composantes de ce pays. Toute tentative de revendication identitaire est donc vouée à l’échec. Or, sans le soutien des populations, les rebelles sont nus et deviennent une simple affaire de police : donc ma réponse à votre question : je ne crois plus à une rébellion au Niger. Si des aventuriers s’y engagent, ils représenteront uniquement leurs personnes et seront traités conformément aux textes et lois en vigueur.

Quel est votre mot de la fin mon Colonel?
Mon mot de la fin, je voudrais le réserver à tous ceux qui nous ont envoyé des requêtes en provenance de nos 63 communes cibles, les ONG et coopératives des jeunes, les retournés et autres désarmés pour leur demander de patienter. La deuxième phase de l’instrument de stabilité et le collectif budgétaire envisagé doivent nous permettre de satisfaire les requêtes que nous n’avons pas pu honorer pour les deux premiers trimestres 2013.

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