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Lettre au président Mohamed Bazoum : Monsieur le Président Les prélèvements de taxes sur nos compatriotes, les vols systématiques de bétail, les actes d’extorsion, les assassinats ciblés, les rapts assortis de demandes de paiement de rançons, sont le lot

Publié le samedi 28 janvier 2023  |  nigerdiaspora.net
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© Présidence par DR
Le Conseil des Ministres s’est réuni ce jeudi 26 Janvier 2023, sous la Présidence de S.E.M Mohamed Bazoum, Président de la République, Chef de l’Etat
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Lettre au président Mohamed Bazoum : Monsieur le Président, Les prélèvements de taxes sur nos compatriotes, les vols systématiques de bétail, les actes
d’extorsion, les assassinats ciblés, les rapts assortis de demandes de paiement de rançons, sont le lot quotidien des Nigériens bien avant votre arrivée au pouvoir. Cela ne date pas d’aujourd’hui et ne saurait être inscrit au titre de victoires remportées sur les terroristes.

Quelle mouche vous a-t-elle piqué au point de parler à nouveau de justice dans ce pays ? Qu’est-ce qui vous a poussé à demander aux magistrats qu’ils fassent leur travail convenablement car, disiez-vous, leur rôle est déterminant dans ce combat contre l’impunité. « Ils doivent surtout, n’est-ce pas, se garder de protéger ceux des leurs lorsque le comportement de ceux-ci n’honore pas leur noble fonction de juge ». Vous avez certainement pris connaissance de la réaction vigoureuse des magistrats qui n’entendent pas se laisser faire. Ils vous ont lancé un défi et je ne pense pas que vous puissiez le relever. Pour l’Histoire, voici le défi que les magistrats vous lancent :

1.L’adoption sans délai de la nouvelle loi sur le Conseil supérieur de la magistrature dans le sens d’extirper de sa composition les représentants des pouvoirs exécutif et législatif ;

2. L’adoption d’un plan de carrière des magistrats définissant des critères objectifs et transparents de nomination, d’affectation et de promotion des magistrats.

3. La réforme du statut des magistrats du parquet pour qu’ils soient plus indépendants vis-àvis de l’exécutif dans l’exercice de leur fonction.

4. La transmission sans délai aux juridictions compétentes des différents rapports de la Cour des comptes, de la Halcia, des inspections d’Etat et des finances faisant cas de diverses malversations financières et de détournement de deniers publics.

5. La levée de tous les obstacles juridiques et judiciaires liés à la poursuite contre les parlementaires et membres du gouvernement.

Monsieur le “Président” J’ignore vos motivations et les raisons qui vous ont poussé à provoquer les magistrats mais je constate que celles-ci sont douloureuses puisqu’elles vous obligent à vous auto-flageller de la pire façon. Car, de tout ce que je sais, il y a deux sujets, voire trois, sur lesquels vous devez éviter tout débat, tout discours, je dirais, toute allusion. Il s’agit de la corruption, de la sécurité et de la justice. Sur ces trois questions, ce que vous avez de mieux à faire, pour vous-même et pour le Niger, c’est d’agir conformément aux aspirations et aux attentes de vos compatriotes, pas de continuer à papoter comme diraient nos frères ivoiriens. C’est, donc, avec amertume que j’ai pris connaissance de votre propos sur la justice à l’occasion des voeux de nouvel an. « J’ai toujours fait part de mon engagement à lutter contre la corruption et l’impunité », aviez-vous déclaré, non sans avoir lancé le défi à ceux qui semblent douter de la sincérité de votre engagement en la matière que le curseur va bientôt bouger. Ah, j’en suis à me demander comment peut-on se mettre ainsi la corde au cou ?

Je suis si gêné par vos propos sur le nombre de cadres en détention pour faits de corruption et de détournements de deniers publics dans la mesure où vous ne semblez pas réaliser que c’est précisément parce la corruption a atteint des sommets incroyables sous votre régime. Laissezmoi vous le rappeler, jamais, dans l’histoire du Niger, des gouvernants n’ont fait main basse autant sur les deniers publics, encouragé la corruption et les détournements de deniers publics et protégé les auteurs des crimes économiques. De toutes ces affaires que vous citez, notamment l’affaire dite Ibou Karadjé, celles de la Sopamin, de Taanadi, de la CNTPS, de la BAGRI, notamment, qui sont ces personnes qui croupissent en prison et qui sont celles qui ont été protégées et qui ont pourtant plus de responsabilité dans ces scandales ? En poursuivant les seconds couteaux pour épargner les commanditaires et grands bénéficiaires de ces saignées financières sur l’Etat, vous commettez une double injustice : d’une part, vous ne créez pas les conditions d’une justice équitable et d’autre part, certains paient pour d’autres.

Monsieur le “Président”

« La HALCIA, aviez-vous souligné, vient de boucler de nombreux dossiers d’enquête qu’elle a transmis au procureur de la République et vous auriez ordonné à ce dernier de leur faire suite avec diligence ». N’est-ce pas hilarant de constater que le président de la République et président du Conseil supérieur de la magistrature que vous êtes est réduit à chercher des arguments pour convaincre en dehors de l’action, neutre et impartiale qu’exige la justice ? Lorsque je vous ai écouté dire que ceux qui sont sourds à vos appels demandant de proscrire certaines pratiques dans notre administration en seront pour leur frais, j’ai presque pleuré de dépit. « Le tigre, a dit Wolé Sowinka, le célèbre écrivain nigérian, ne proclame pas sa “tigritude”, il se lance sur sa proie et la dévore ». Avez-vous besoin de hurler si fort pour vous faire entendre ? Vous avez fait vousmême le constat, vous n’êtes pas encore pris au sérieux dans la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics et c’est parfaitement compréhensible. Comment un président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature peut-il se réduire à demander à des auteurs de malversations, récidivistes par ailleurs, de proscrire les actes par lesquels eux et ceux qui les protègent se sont impunément enrichis aux dépens de l’État ?

Monsieur le “Président”

Sauf votre respect, je voudrais également vous parler de l’insécurité qui sévit au Niger, dans plusieurs régions et que vous avez du mal à endiguer. J’ai sincèrement rigolé en vous entendant dire que c’est du fait du rapport de force militaire que vous avez imposé à l’ennemi que les groupes terroristes ont fini par se criminaliser et se convertir au banditisme qui consiste à prélever des taxes sur les paysans, à se livrer à des vols systématiques de bétail, des actes d’extorsion, des assassinats ciblés, des rapts assortis de demandes de paiement de rançons partout où ils évoluent.

Je ne voudrais pas vous dire que c’est totalement faux mais je suis au regret de vous faire observer que les prélèvements de taxes sur nos compatriotes – je ne parlerais pas de paysans, un terme qui me paraît péjoratif – les vols systématiques de bétail, les actes d’extorsion, les assassinats ciblés, les rapts assortis de demandes de paiement de rançons, sont le lot quotidien des Nigériens bien avant votre arrivée au pouvoir. Vous en savez plus que moi puisque vous étiez ministre de l’Intérieur. Cela ne date pas d’aujourd’hui et ne saurait être inscrit au titre de victoires remportées sur les terroristes.

Le jour où vous remporterez la victoire que les Nigériens attendent sur les véritables auteurs de ces massacres, de ces vols, de ces rapts et de ces taxes, vous n’aurez pas, croyez-moi, de revendiquer quoi que ce soit. Ce sera à vos compatriotes de le chanter et de vous en remercier. Encore une fois, « le tigre ne proclame pas sa “tigritude”, il se lance sur sa proie et la dévore ».

Mallami Boucar
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