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Niger/Rumeurs de coup d’état : Par Moussa Tchangari

Publié le dimanche 19 fevrier 2023  |  nigerdiaspora
Moussa
© Autre presse par DR
Moussa Tchangari
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Au cours de la journée d’hier, de Bamako, Ouagadougou et autres contrées lointaines, plusieurs personnes, surtout des camarades de longue date, alertées par des rumeurs de coup d’état au Niger nous ont appelé ; elles voulaient toutes savoir si ces rumeurs, appuyées même par des vidéos d’événements anciens, étaient fondées, mais aussi prendre de nos nouvelles et savoir comment nous nous positionnons par rapport à l’événement annoncé. Leurs voix étaient toutes hésitantes ; et leurs questions étaient presque les mêmes : qu’est-ce qui se passe à Niamey ? Est-ce vrai qu’il y a un coup d’état en cours ? qu’est-ce que vous en pensez ?
A chaque camarade, il a fallu expliquer qu’il ne se passe rien à Niamey, en tout cas à notre connaissance ; mais, comme chacun semblait sûr d’avoir la bonne information, le doute s’est installé aussi dans notre esprit. Comme dans les autres pays de la région (Mali, Burkina Faso, Guinée, Tchad), un coup d’état militaire est bien sûr possible au Niger aussi ; il peut s’y produire aussi, comme le souhaitent d’ailleurs vivement de nombreux citoyens, y compris d’éminents esprits éclairés, qui espèrent que d’une des casernes des alentours de Niamey sorte enfin le messie en treillis qui viendrait rendre au peuple sa dignité et au pays sa souveraineté.

En Afrique, c’est bien connu de tous, les moments de grandes crises ont toujours été propices à des tels accès de fièvre messianique ; et en ce qui concerne le Niger, il faut dire que ce n’est pas la première fois qu’une partie notoire de son élite a été gagnée par cette fièvre. Le 27 janvier 1996, à peine trois (3) ans après les premières élections démocratiques de l’histoire du pays, un coup d’état militaire, vivement souhaité par beaucoup, y compris dans certains cercles du pouvoir, est intervenu en plein jour ; mais, ceux qui l’ont salué ont été les premiers à déchanter, lorsque son auteur a décidé, avec le soutien de Paris, de dérouler un agenda dans lequel ils ne devraient tenir aucun des rôles prestigieux auxquels ils aspiraient.

Trois (3) années durant, ceux qui ont salué ce coup d’état, tout comme ceux qui l’ont condamné dès le début, en ont fait les frais, certains dans leur chair et dans leur dignité ; mais, comme en janvier 1996, beaucoup se sont remis, après tant de désillusions, à prier pour qu’un autre militaire surgisse de quelque part pour refermer la parenthèse et rétablir la situation antérieure. Le 9 avril 1999, de façon tout à fait prévisible, l’homme du 27 janvier 1996 a été sauvagement assassiné, avec quelques compagnons, sur le tarmac de l’aéroport international de Niamey. Cette tragédie n’a servi de leçon ni aux politiques, pour pacifier l’espace public, ni aux militaires, pour rester à l’écart des luttes de pouvoir.

En tout cas, dix (10) ans après cette tragédie, le 18 février 2010, un autre coup d’état militaire s’est encore produit au Niger, à la grande satisfaction de certains acteurs politiques et sociaux ; révélant en même temps que dans les cercles politiques et sociaux, tout comme dans les casernes militaires, les déconvenues du passé ne constituent point des obstacles pour des aventures nouvelles. Ceux et celles qui, aujourd’hui encore, souhaitent un coup d’état militaire au Niger, ne pensent, certains, qu’au plaisir qu’ils sentiraient de voir chuter un régime qu’ils n’aiment pas pour des bonnes et des mauvaises raisons, et d’autres qu’aux opportunités qui peuvent s’offrir à eux ; mais, il est certain que beaucoup perdent de vue que dans le contexte actuel, un coup d’état militaire peut coûter à tous bien plus que ce que les précédents nous ont coûté.

A Bamako et à Ouagadougou, mais aussi à Conakry, les professionnels de la politique, ceux qui ont été renversés par les coups d’état, tout comme ceux qui les ont souhaité et facilité, sont aujourd’hui malheureux pour la plupart ; ils ne savent vraiment plus à quel saint se vouer, vivent certains en exil, et redoutent presque tous qu’il ne soit même plus possible pour eux de faire la politique. Les figures historiques des luttes démocratiques, celles qui, pendant des décennies, se sont dressées fermement sur les barricades pour dénoncer les dérives autoritaires et les politiques dictées de l’extérieur, sont également réduites au silence et dessaisies de leurs discours anti-impérialistes. Certaines se sont senties obligées de s’aligner derrière les nouveaux maîtres des pays ; mais, elles ne sont plus que des pales copies d’elles-mêmes.

Aujourd’hui, il est de notoriété publique que les régimes militaires de ces trois (3) pays sont allés encore plus loin que les régimes civils qu’ils ont renversés, en matière de restriction des libertés publiques ; ils s’appuient non plus seulement sur l’appareil répressif de l’État, mais aussi sur des escouades de partisans chauffés à blanc et prêts à faire taire n’importe quelle voix dissidente par tous les moyens. Les sbires de ces régimes militaires, qui s’érigent en censeurs, n’hésitent point à menacer ouvertement ceux qui critiquent leurs dérives ; mais, le plus grave c’est que la gestion de la crise sécuritaire, surtout au Burkina Faso où elle est marquée par un renforcement du rôle des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), tend désormais à s’ancrer dans la stigmatisation de certaines communautés.
Aussi, tenant compte de tous ces éléments factuels, et même s’il est de bon ton de se féliciter de la volonté affichée des régimes militaires de ces pays de défendre leur souveraineté, en refusant notamment d’abriter chez eux des forces françaises, on ne peut souhaiter un coup d’état militaire au Niger ; car, le désir de souveraineté nationale, qui est tout à fait légitime, ainsi que la lutte nécessaire contre les divers groupes armés, doivent pouvoir se réaliser autrement que par une remise en cause des acquis des luttes démocratiques. Certes, ces acquis sont aujourd’hui en péril également sous des régimes civils ici et ailleurs ; mais, on ne peut perdre de vue qu’ils le sont et le seront davantage sous des régimes militaires.

Par Moussa Tchangari
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