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Sahel : de l’importance stratégique de partenariats avec les Etats pour une meilleure coopération militaire contre les groupes armés terroristes (Par Ismaël Djibo)

Publié le mardi 21 fevrier 2023  |  actuniger.com
Remise
© Autre presse par DR
Remise des infrastructures et matériels au 71ème bataillon spécial d’intervention (71ème BSI)
Le Général de Brigade 𝐈𝐁𝐑𝐀 𝐁𝐎𝐔𝐋𝐀𝐌𝐀 𝐈𝐒𝐒𝐀, Chef d’Etat-major des Armées Adjoint a présidé, ce mercredi 15 février 2023 au Camp Agaly de Dosso, la cérémonie de réception des infrastructures et du matériel destinés au 71ème Bataillon Spécial d’Intervention.
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Alors qu'on prête aux autorités burkinabés, l'intention de faire recours aux mercenaires de la société privée russe de sécurité militaire "Wagner", le cas malien se relève assez illustratif des risques que comporte pour les Etats du Sahel, l'attribution de fonctions militaires traditionnelles à une milice privée dans la conduite des opérations militaires. Sur le terrain, en effet, les résultats en matière de lutte contre le terrorisme sont loin du compte comme en témoignent les nombreux témoignages sur les exactions commises par les éléments de Wagner au sein des populations civiles alors que les groupes armés terroristes (GAT) continuent de gagner du terrain.

Pour avoir dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas le 27 janvier 2023 devant le Conseil de sécurité de l'ONU, la militante malienne des droits de l'homme Aminata Cheick Dicko, est depuis dans le collimateur de la junte de Bamako ainsi que de ses affidés qui l'accusent de "Diffamation'' et même de "haute trahison". La vice-présidente de l'observatoire Kisal, une organisation de défense des droits humains pour les communautés pastorales au Sahel, n'a pourtant fait que rapporter, avec des témoignages des victimes à l’appui, des violences des groupes jihadistes mais aussi de celles de l'armée malienne et de ses supplétifs russes employés par Wagner, notamment contre la communauté peule.

En échos aux déclarations de l'activiste malienne, des experts indépendants de l’ONU ont appelé, quelques jours plus tard, à une enquête indépendante sur des violations flagrantes des droits humains et "d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité" commis depuis 2021 au Mali par les forces gouvernementales et la société paramilitaire russe, Wagner. "Nous sommes particulièrement préoccupés par des informations crédibles selon lesquelles, au cours de plusieurs jours fin mars 2022, les forces armées maliennes accompagnées de militaires soupçonnés d’appartenir au groupe Wagner, ont exécuté plusieurs centaines de personnes, qui avaient été rassemblées à Moura, un village dans le centre du Mali", ont fait valoir les experts onusiens qui ont indiqué avoir directement fait part de leurs préoccupations aux autorités maliennes. Depuis 2021, en effet, ces experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, ont souligné avoir reçu des « récits persistants et alarmants d’exécutions horribles, de charniers, d’actes de torture, de viols et de violences sexuelles ». Selon les experts, les rapports font état aussi « de pillages, de détentions arbitraires et de disparitions forcées perpétrés par les forces armées maliennes et leurs alliés dans la région de Mopti et ailleurs, dans le contexte des hostilités en cours ».

"Nous sommes troublés par l’augmentation apparente d’attribution de fonctions militaires traditionnelles au groupe Wagner dans diverses opérations militaires" se sont alarmés les experts de l'ONU qui confortent ainsi, et de manière crédible, que Wagner n'est pas la solution dans le cadre de la réponse aux menaces sécuritaires au Sahel. En République centrafricaine déjà, la réputation de ces "barbouzes" sans foi i loi puisque n'obéissant particulièrement à aucune règle conventionnelle en matière de conflits, a laissé de mauvais souvenirs. Leurs pratiques au Mali vient encore confirmer, si besoin est, cette thèse que certains illusionnistes tentent de manipuler, malgré les preuves et les faibles résultats sur le terrain.

Nouvelle donne au Sahel

Depuis quelques mois, on assiste à une nouvelle donne géopolitique dans les relations entre la France et plusieurs de ses alliés sahéliens pourtant engagés ensemble dans la lutte contre le terrorisme qui plombe les efforts de développement de leurs dirigeants. Poussés par l'amplification de la dégradation de la situation sécuritaire qui s'accompagne de plusieurs autres facteurs d'instabilité sociale comme la mal-gouvernance, des militaires ont saisi la brèche pour renverser des régimes démocratiquement élu, considérés comme les seuls responsables de cette situation alors que le terrorisme, malgré certaines spécifiés locales, est une menace mondiale qui appelle donc une réponse d'ensemble et globale. C'était le cas au Mali d'abord, puis au Burkina Faso, deux pays sahéliens qui ont connu en l'espace de quelques mois, deux coups de force. Face à la réalité du terrain, les nouvelles juntes au pouvoir avaient tout intérêt à trouver la parade puisqu'à l'épreuve des faits et du temps, les régimes kakis n'ont visiblement pas la recette miracle ou la baguette magique pour contenir les menaces sécuritaires qui ne cessent de prendre de l'ampleur.

Populisme et propagande aidant, les nouvelles autorités n'ont trouvé comme parade qu'un bouc émissaire à savoir les partenaires étrangers occidentaux en particulier la France qui a été pourtant la première, comme c'est le cas au Mali, à se porter au secours des Etats et armés de la sous-région face aux assauts de l'hydre djihadistes. Comme un véritable opium, cela a fait exploser un certain populisme souverainiste qui a vite pris les devants sur les véritables enjeux politiques ainsi que la réponse aux défis de l'heure auxquels font face ces pays et dont la persistance menace notamment leur intégrité territoriale ou même pour certains leur existence en tant qu'état. Si les colonels de Bamako font dans le déni en occultant l'absence de contrôle de l'Etat sur les 2/3 de son territoire, le capitaine Ibrahim Traoré a été lui des plus réalistes, en reconnaissant dès sa prise de pouvoir, la gravité de la situation et les risques qu'elle comporte sur la survie même de l'Etat, quasi-absent dans plusieurs zones importantes et stratégiques du pays.

C'est sûr dans ce contexte et poussées par des considérations politiques, les nouvelles autorités burkinabés ont estimé nécessaire de reconsidérer leurs relations avec la France dans le cadre de ce qu'ils appellent, "la diversification des partenaires". C'est ce qu’explique l’analyste et spécialiste du Sahel Antoine Glaser pour qui, "sans doute, sur cette base souverainiste, nationaliste, les jeunes demandent le départ des soldats français et comme les militaires au pouvoir n'ont pas vraiment de succès contre les djihadistes, ils renforcent d'une façon leur soutien populaire en disant : il faut que la France quitte le Burkina Faso".

Cette stratégie de "diversification de partenaires" estampillée de "fibre patriotique" sonne pourtant creux puisque non seulement les partenaires notamment occidentaux n'ont jamais été pris en défaut dans le cadre du soutien que réclament ces pays tant en matière de développement, de gestion de crise d'urgence ou humanitaire ou de coopération en matière de sécurité et de défense. On peut certes jaser encore sur certains aspects ou même échecs qu'il est nécessaire de corriger mais nier l'importance et l'appui certain de cette coopération, c'est vouloir jeter le bébé et l'eau du bain...

D'autant que pour beaucoup de personnes dont certains manipulés à dessein par des forces opportunistes, cette "diversification de partenaires" se réduit simplement à rompre des relations historiques et fécondes sur plusieurs plans avec la France, un Etat et un pays qui fait partie des puissances mondiales et connus pour son attachement aux droits humains, pour s'offrir à l'entreprise privée russe "Wagner", qui n'est en réalité qu'une "milice privée" à la solde d'intérêts tout autant privés et pour dire les choses en toute franchise, les soldats ne sont qu'une bande de mercenaires qui se paient sur la bête, à savoir les ressources des pays où ils sont installés. Ce sont ces soldats qui font fi de tout respect des droits humains même pour les populations qu'elles sont sensées protégés, puisqu'officiellement n'ayant aucun lien avec l'Etat, qui obnubilent certains jeunes sous l'emprise de l’abus des jeux vidéo ou la narration autour des super héros que les communicateurs de Wagner savent sciemment abuser à profusion.

Les nouvelles autorités burkinabés tentées par "Wagner » ?

Aujourd'hui encore, c'est cette voie empruntée par la junte malienne qui tentent les autorités burkinabés sous la pression de "patriotes souverainistes" abreuvés par des vendeurs d'illusions dont le véritable intérêt est désormais connu de tous ! Ce qui est assez paradoxal car un pays en quête de souveraineté comme ils le disent peut-il se lier avec une milice privée pour assurer la sécurité de son territoire ? D'autant qu'une simple évaluation objective de la présence de "Wagner" dans les pays africains où la société a pu s'installer est édifiante sur le fait que ce n'est nullement la solution. En République de Centrafrique, la sécurité est loin d'être acquises et les mercenaires de Wagner ne sont parvenus qu’à protéger le pouvoir du Président Faustin Archange Touadéara au prix de graves violations de droits de l'homme et surtout de pillage de ressources naturelles du pays. Au Mali, c'est aussi la même chose car malgré la présence de ces soldats privés recrutés sans aucun critère d'une véritable armée et certains dans des prisons, l'insécurité n'a pas point reculer et au contraire, elle s'est davantage amplifiée avec les groupes terroristes armés (GAT) qui continuent d'endeuiller les populations et la menace qui s'approche de Bamako. Et ce n'est pas les discours laudateurs sur une "prétendue montée en puissance des FAMA" qui va masquer cette réalité, les multiples attaques enregistrées presque quotidiennement dans plusieurs zones et localités du pays sont des preuves irréfutables de l'inefficacité de "ces instructeurs russes " comme l'aiment à le dire, les colonels de Bamako. Ce qui n'empêche pas "Wagner" de se payer à travers l'exploitation des mines d'or car le budget malien ne peut pas supporter leurs charges. Au Mali aussi comme en RCA, les mercenaires de "Wagner" se comportent comme partout où ils ont laissé leurs empreintes avec des violations de droits humains et des massacres des populations comme cela a été rapporté et documenté par plusieurs sources locales. C'est du reste ce qui a poussé les experts indépendants de l'ONU sur les droits de l'homme a demandé, en ce début février, une enquête indépendante sur les exactions supposées commises par les mercenaires de la société privée russe et des FAMAs avec la découverte de plusieurs charniers dans leurs zones d'actions ainsi que les plaintes des populations livrées à leur sort. Et pendant tout ce temps, malgré cette présence, ni le chef de la junte et ni l'armée malienne n'ont encore repris pieds dans certaines grandes villes du pays notamment dans le centre et surtout pas le nord à Kidal par exemple.

"Wagner", une milice privée constituée de mercenaires n'est pas la solution

Au regard de l'ampleur des sévices rapportés par certaines victimes, il ne serait pas osé de ses demander si vraiment les membres de cette milice privée prennent-ils les Maliens pour des êtres humains ? A travers ces exactions sur les populations qu'ils sont sensés protéger et dont on ne saurait véritablement décrire l'ampleur de la cruauté, les mercenaires de "Wagner" les déshumanisent et semble vouloir leur rappeler des heures sombres où ils étaient considérés comme une sous race, voire inhumains. Ce qui est même une métaphore si on se confère à la thèse défendue par l’historien russe Goumilev qui développa la « théorie de l’ethnogenèse » contenant en elle les notions de « peuples mauvais » et de « relations interethniques non-complémentaires ». Chez Wagner, en effet, beaucoup de recrus partagent cette thèse qui n'est que du racisme assumé avec l'idéologie nationaliste selon laquelle il ne saurait y avoir de complémentarité entre russes et noirs.

Les nouvelles autorités de transition burkinabés sont en tout cas averties et les faits sont là pour le leur rappeler : "Wagner" n'est pas et ne saurait pas être une solution car un état souverain qui se respecte ne saurait sous-traiter avec une milice privée, un groupe de mercenaires qui n'ont aucun compte à rendre à aucune institution ! C'est pourquoi, malgré la pression des vendeurs d'illusions dont le slogan ne se résume, en substances qu'à pourfendre la France et provoquer la rupture avec Paris pour que Wagner s'installe, le capitaine IB et son gouvernement feraient mieux de se rappeler le bilan de cette milice privée et de ses agissements au Mali voisin, en RCA et ailleurs. L'histoire, en tout cas, est là pour juger et pour le cas du Burkina, la junte militaire ne pourra pas par la suite prétendre qu'elle n'a pas été avertie des risques et conséquences d'une voie sans issue que celle de s'allier non pas avec une armée d'Etat dans le cadre d'une coopération militaire avec des partenaires étatiques sérieux mais avec une société privée de mercenaires commandée par un régime qui vient de trouver en Afrique, un nouveau terrain d'influence géopolitique en profitant de la fragilité de certains pays pour davantage les exploiter!

(Par Ismaël Djibo)
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