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Culture africaine / Bachir Gentil : « Le slam est en train de devenir l’art majeur au Niger (...) »

Publié le mardi 23 mai 2023  |  aNiamey.com
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© Autre presse par dr
Culture africaine / Bachir Gentil : « Le slam est en train de devenir l’art majeur au Niger (...) »
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Le tenant du deuxième titre du Slam d’Or du Fespaco 2023 demeure extrêmement optimiste quant à la position du slam au sein de la scène artistique. Malgré une victoire peu médiatisée, son optimisme reste intact, car il considère que la pratique du slam ne fait pas obstacle à la culture et aux coutumes du Niger, mais est plutôt un moyen de renouer avec les traditions ancestrales qui risquent de disparaître. Dans un entretien exclusif sur aNiamey il se livre.


Journaliste-Comment avez-vous découvert le slam et qu’est-ce qui vous a incité à commencer à slamer ?

Bachir Gentil : J’ai découvert le slam autrement. Je suis Haoussa, et dans ma société, l’art griotique est très développé. Au collège j’avais l’habitude d’écrire des textes. Mes amis me demandaient d’écrire des poésies à leurs copines à l’occasion de leurs anniversaires puisque à cette époque il n’y avait pas de téléphone. j’étais payé 50 F ou 100 F. Je ne percevais pas cela comme un gagne pain, je le faisais par plaisir. Après mon BAC, j’ai été reçu à l’université. Là bas j’ai croisé un collectif avec lequel je me suis lancé et je suis devenu coordinateur du collectif dénommé plume Sahel. C’est à partir de là que j’ai vraiment embrassé le slam.

Alors c’est qui m’a incité à slamer, c’est que j’avais tellement de vérités à crier au monde mais, je n’avais pas la parole. J’ai donc acheté un bloc note et j’ai essayé de tout écrire. C’est ainsi que j’ai commencé le slam. Après c’est devenu ma vie. Pour nous qui sommes d’un pays qui est majoritairement musulman, le slam est le canal idéal d’expression du fait qu’il soit accessible à tous. Jeunes comme vieux. Il faut aussi dire que je suis dans une recherche identitaire. Je voudrais éveiller le monde sur les connaissances africaines. Ce sont toutes ces choses combinées qui m’ont incité à slamer.



Journaliste-Pouvez-vous revenir sur votre expérience au Fespaco et ce que vous avez ressenti en remportant la deuxième place du ‘’Slam d’or’’?

Avant d’y aller il y a eu une présélection ici pour le slam d’or manche Niger que j’ai remporté. Je suis parti faire cette compétition avec tout le sérieux que je pouvais y mettre. On a montré à la face du monde ce qu’est le slam nigérien. Bien que j’ai eu la deuxième place en titre, j’avais selon le jury et le public présent le meilleur texte de la soirée. Pour moi la compétition c’est l’épanouissement. Oui je me suis épanoui, oui j’ai gagné des cœurs et c’est ça le plus important, j’ai représenté dignement le Niger. Tellement de choses s’y sont passées mais cela relève de l’organisation

Journaliste-Il n’y a pas eu de relai médiatique sur votre victoire au Fespaco. Cela n’affecte-t-il pas la reconnaissance et la visibilité du slam au Niger ?

Ça affecte la visibilité du slam au Niger. Le nom Bachir Gentil est toujours associé au nom du pays, niger. On dit Bachir Gentil du Niger mais est-ce que le gouvernement nigérien a mis tout ce qu’il faut en place pour que cette visibilité soit établie et élargie ? ça c’est encore une autre question.


Journaliste-Pensez-vous que le slam est important pour la société nigérienne ? Si oui, comment ?

Le slam est plus qu’important pour la société nigérienne. Déjà pour moi le slam n’est pas un art qui a été créé c’est un art qui s’est réadapté, il y avait d’abord l’art griotique, après la poésie, après le slam. Ce sont des déclinaisons. Pour moi, le slam tire sa force de la poésie et la poésie tire sa force de l’art griotique et quand vous enlevez l’art griotique dans la vie du nigerien, elle n’aura pas toute sa valeur et tout son sens. Le slam est en train de devenir l’art majeur au Niger et d’ailleurs partout en Afrique parce que c’est l’art principal qui regroupe l’écriture et l’art scénique.

Aujourd’hui la jeunesse nigérienne est entrain de se réapproprier le slam pour en faire une arme de construction massive. C’est pratiquement le seul art accessible à tous et qui peut être perçu par tout type de public sans aucun amalgame.


Journaliste-Est-ce que la pratique du slam ne se heurte pas à la culture et aux habitudes au Niger ?

La pratique du slam ne se heurte pas à la culture et aux habitudes de la société nigérienne. Il faut dire que si on fait le lien avec l’art griotique, on dira que le slam a toute sa place L’Afrique a toujours résolu les problèmes verbalement. Ça a toujours été le fort de l’Afrique. Le slam c’est l’art majeur aujourd’hui qui permet de renouer avec toutes ces habitudes ancestrales qui sont aujourd’hui en voie de disparition.


Journaliste-Quels sont les thèmes que vous abordez dans vos poèmes et comment les choisissez-vous ?

Les thèmes de société, notamment la corruption, rapports sociaux entre humains. Également la politique. Mais ma thématique principale d’écriture c’est l’Afrique. Quand je dois écrire un texte pour la femme, je priorise toujours la femme africaine. Pour un texte sur la violence basée sur le genre, j’essaie de faire en fonction de la réalité africaine. J’écris l’Afrique pour que le monde puisse percevoir sa beauté.

Je suis en train de faire un travail de recherche, à travers une filiale que j’appelle “enracinement”. C’est en fait une entité qui me permet d’écrire certaines traditions africaines qui n’existe plus aujourd’hui et ou d’écrire comment est-ce que jadis la société africaine éduquait. J’essaie de faire des écrits sur la civilisation africaine et de partager avec le monde. J’ai fait ce choix parce que je trouve que la jeunesse africaine a besoin de repères. Et si on ne comprend pas d’où on vient, on ne peut jamais se tracer un avenir et savoir où on va.


Journaliste-Comment le public réagit-il généralement à vos performances de slam au Niger ?

Le public nigérien réagit très positivement à mes performances. En solo sur Niamey, j’ai pratiquement 3 concerts à mon actif qui ont fait guichet fermé. Le 14 mai 2022 j’ai fait un événement à la galerie au centre culturel galerie Toledo. Le 17 octobre j’ai fait un événement à l’université Abdou-Moumouni il y avait plus de 3000 personnes. Le 16 février j’ai fait un événement aussi c’était un guichet fermé. Si le public se déplace pour venir suivre le spectacle et qu’il n’y a plus de place, cela confirme que ce qu’on fait est vraiment perçu positivement.


Journaliste-Le slam peut-il être un outil de sensibilisation et de changement social au Niger ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?

Oui. Le slam peut être un outil de sensibilisation et de changement social au Niger. C’est même le rôle de l’art d’apporter un changement positif dans la société.

Dernièrement j’ai fait un spectacle qui s’intitule “Thomas Sankara n’est pas mort un 30 octobre” . J’ai mis en scène les discours de Thomas Sankara.

Pratiquement tous les étudiants qui étaient présents quand ils essaient de faire des discours ou bien de faire des publications il y a toujours une partie du discours de Thomas Sankara qui est mis en avant. Cela prouve qu’il y a un intérêt que les gens portent au slam.

Récemment j’ai lancé un son qui s’intitule “briseur de coeur” j’y ai décrit la façon dont certains hommes abusent de la confiance de certaines femmes pour les mettre dans la détresse. Ce qui m’avait impressionné c’est que les gens le mettent à des “grins” des rassemblements de jeunes. Ils écoutent ce son et font des débats autour. C’est extraordinaire.

Les textes du projet “lire” ont été repris par des élèves et étudiants dans des écoles. Ce sont des textes qui parlent de la place de la lecture de la vie d’un être humain. Il y a une multitude de preuves qui nous donnent raison de croire que le slam est un outil de changement social.


Journaliste-Quels sont vos projets en tant que slameur et comment vous envisagez de contribuer à l’essor du slam au Niger ?

J’ai pour projet de donner vie à toutes les réflexions positives africaines. J’ai commencé par mettre en scène les discours de Thomas Sankara. Je travaille sur mon recueil de slam “Enracinement” qui sortira bientôt. J’ai créé l’association “art et racines” qui donnera du 5 au 10 Juin la 1ere édition du festival International Slam Écolo qui me permet également de répondre à l’urgence de l’environnement par le slam.

Actuellement nous sommes en partenariat avec l’université de Niamey, plus précisément la filière art et culture, nous formons une vingtaine de jeunes depuis plusieurs semaines. Il y a aussi des séances de formation prévues à l’intérieur du pays.


Journaliste-Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes du Niger qui cherchent à se lancer dans le slam et à l’art oratoire en général ?

Je leur dirait de s’outiller de leur connaissance (de l’Afrique : ndlr) d’abord avant de s’outiller de la connaissance du monde. Parce que quand on se connait c’est plus facile de s’ouvrir au monde et de connaître le monde.

Interview réalisée par L.L
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