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Migration : adoptée sous l’égide de l’UE, la très contestée loi sur le trafic illicite des migrants abrogée

Publié le mercredi 29 novembre 2023  |  actuniger.com
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© Autre presse par DR
« Nous sommes devenus du bétail » : au Niger, les migrants jetés dans l’enfer d’Assamaka
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Les nouvelles autorités nigériennes ont abrogé, par ordonnance du président du président du CNSP et chef de l’Etat, le général de brigade Abdourahamane Tiani, la loi 2015-036 relative au trafic illicite des migrants. Selon le gouvernement, cette loi adoptée « sous l’influence de certaines puissances étrangères » a été prise en « contradiction flagrante » avec les règles communautaires et ne prenait pas en compte « les intérêts du Niger et de ses citoyens ». Des griefs déjà portés par des associations de la société civile locale ainsi que des acteurs de cette activité dont la loi a impacté négativement l’économie notamment dans la région d’Agadez, et qui militaient depuis des années en faveur de son abrogation. De l’avis de plusieurs observateurs cependant, cette décision constitue une sorte de mesure de rétorsion contre l’Union européenne (UE), qui a favorisé son adoption sous l’ancien régime de Mahamadou Issoufou, et qui continue de contester la légitimité du CNSP avec tout dernièrement, l’adoption d’une série de sanctions ciblées ciblant les nouvelles autorités et le vote par le parlement européen d’une résolution condamnant le coup d’état du 26 juillet 2023.

L’annonce de l’abrogation de la loi anti-trafic illicite des migrants de 2015 a été accueillie avec soulagement dans la région d’Agadez, dans le nord du pays, véritable carrefour de transit des migrants d’Afrique de l’ouest et centrale mais aussi de l’est, en route pour le Maghreb et surtout l’Europe. Cela fait des années que des associations et acteurs locaux militaient pour son abrogation ou tout au moins sa révision afin d’atténuer son impact sur l’économie locale d’autant que les mesures alternatives notamment le financement de projets de reconversion promis aux milliers d’acteurs de cette activité qui leur générait de substantiels revenus n’ont jamais été à la hauteur de leur attente. En tout cas loin de ce qui leur a été miroité par les autorités suite à son adoption en mai 2015, sous l’égide de l’Union européenne (UE) alors en proie à une vague sans précédent de migrants africains.

C’est désormais chose faite avec l’ordonnance signée le 25 novembre 2023 par le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le général Abdourahamane Tiani, et porte sur l’abrogation de la loi relative au trafic illicite de migrants à compter du 26 mai 2015 ainsi que « les condamnations prononcées en application de ladite loi ainsi que leurs effets sont effacés à compter du 26 mai 2015 ». Aussi, est-il indiqué dans l’ordonnance, « aucune réclamation, de quelque nature que ce soit sur la base de la présente ordonnance, n’est recevable ».

Dans un communiqué publié à la suite de cette décision, le gouvernement a rappelée que cette loi adoptée en 2015, « sous l’influence de certaines puissances étrangères, érigeait et incriminait en trafic illicite certaines activités par nature régulières », et a été prise «en contradiction flagrante avec nos règles communautaires et ne prenait pas en compte les intérêts du Niger et de ses citoyens ». Selon le gouvernement, « c’est en considération de tous les effets néfastes et du caractère attentatoire aux libertés publiques de cette loi que le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie a décidé de l’abroger ».

Une loi qui criminalise la migration selon ses détracteurs

Il convient de rappeler que cette loi en vigueur depuis huit (8) ans maintenant a été adoptée sous le régime de Mahamadou Issoufou, sous l’égide de l’Union européenne (UE). Dans son essence, elle visait à « prévenir et combattre le trafic illicite des migrants ; protéger les droits du migrant objet de trafic illicite » ainsi de « promouvoir et faciliter la coopération nationale et internationale en vue de prévenir et combattre ce trafic sous toutes ses formes ». En clair, il s’agissait de freiner « la migration irrégulière » en direction du vieux continent à travers une approche sécuritaire et pour ce faire, des financements ont été promis aux acteurs des différents réseaux qui tiraient profit de ce trafic. Les contrevenants s’exposaient par contre à des sanctions pénales et à al confiscation des moyens et autres biens tirés de cette activité. De l’avis de plusieurs associations locales de la société civile, cette loi, en plus de contrevenir aux règles communautaires notamment sur la libre-circulation des personnes dans l’espace communautaire de la Cédéao, a considérablement impacté l’économie locale avec des centaines d’acteurs de la filière poussés au chômage alors que les financements promis ne se sont jamais concrétisés. Par ailleurs, des milliers de migrants ont été bloqués et d’autres encore le sont toujours dans une sorte de piège infernal sans d’autres issues de secours que de recourir à des réseaux mafieux encore plus dangereux comme l’a relevé une récente étude sur la problématique dans le désert du Sahara nigérien.

Une décision sur fonds de tensions avec l’UE

Avec cette décision des nouvelles autorités, l’économie de la région va certainement retrouver un certain souffle du fait de l’importante contribution de la migration aux activités économiques et cela en dépit des risques notamment pour la traversée du désert et aussi les abus et exploitations par des réseaux dont certains sont, il faut l’avouer, de véritables réseaux criminels.

De l’avis aussi de plusieurs observateurs, si le plaidoyer des associations a pesé sur la décision du gouvernement, la situation actuelle que travers le pays depuis le coup du 26 juillet dernier ne sont pas étrangère à l’abrogation de cette loi contestée qui fait plus l’affaire de l’UE. Or, depuis l’avènement du CNSP, cette dernière s’est montrée fermement opposée au nouveau régime des militaires à qui elle dénie toute légitimité, dans le sillage de la position adoptée par la France, principal alliée du régime déchu. Après avoir suspendue sa coopération, exemptée l’appui humanitaire, l’UE a dernièrement adoptée une sérié de sanctions ciblant les nouvelles autorités nigériennes. La semaine dernière, c’est le Parlement européen qui a adopté une résolution condamnant le coup d’état de juillet dernier et appelant au rétablissement au pouvoir de l’ancien régime de Bazoum Mohamed, plus de 3 mois après son renversement. De quoi irriter les nouvelles autorités nigériennes qui ont visiblement décidé de prendre des mesures de rétorsion en mettant fin au rôle de « gendarme de l’Europe » que le Niger jouait jusque-là en matière de migration pour le Vieux continent. Pour le plus grand bonheur des migrants en quête d’eldorado et aussi de l’économie locale…

A.Y.Barma (actuniger.com)
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