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Incinération des déchets ménagers et des pneus à Niamey : En l’absence de mesures d’application de la loi, des citoyens s’organisent pour veiller à leur propre protection

Publié le jeudi 11 janvier 2024  |  Le Sahel
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© Autre presse par DR
Une forte mobilisation au lancement des activités de salubrité
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Malgré l’adoption de plusieurs lois et des prises d’arrêtés ministériels, l’application des règles de protection de l’environnement dépend du plein engagement de l’ensemble des acteurs du secteur. Pour faire face à une situation dont les effets néfastes sont amplifiés par une urbanisation galopante dans les villes du pays, les habitants de certains quartiers s’organisent pour se protéger, notamment contre les décharges sauvages et l’incinération des pneus de véhicules. Pour ce dernier cas, les personnes brûlent les pneus pour récupérer les fils de fer qu’ils contiennent pour le besoin de leur business. C’est sans compter sur la vigilance des populations qui entendent préserver leur santé.
L’article 66 contenu dans la Loi cadre de 1998 relative à la gestion de l’environnement stipule clairement que « l’incinération en plein air des déchets combustibles pouvant engendrer des nuisances est interdite ». Pourtant, dans les quartiers périphériques de la ville, ou même en plein centre-ville quelques rares fois, il se remarque très souvent des nuages de fumée qui recouvrent une zone avant de disparaitre un moment après. L’incinération des déchets ménagers le jour, et des pneus de véhicules la nuit, se fait sans grande peur des sanctions légales que pourraient subir les contrevenants.
La prise de conscience collective des populations des zones impactées et la réduction drastique du nombre de décharges anarchiques dans les zones d’habitation du fait de l’urbanisation, permet de réduire par la même occasion le nombre de cas d’incinération des déchets ménagers qui se fait à l’air libre. Cette pratique décriée par tous, se produit encore dans les zones de bas-fond, les collectes des eaux de ruissellement et les conduits non-couverts d’évacuation des eaux usées. Elle permet, reconnaissent volontiers plusieurs commerçants qui la pratiquent devant leurs boutiques ou juste à côté, d’économiser sur le budget d’assainissement. « La réduction du volume des déchets par l’incinération permet d’organiser la collecte seulement deux à trois fois par semaine, au lieu de le faire quotidiennement », révèlent-ils.
Economiser le moindre franc possible, y compris aux préjudices de l’environnement et de la santé des riverains, est aussi le principal motif qui poussent des propriétaires terriens à remblayer leurs parcelles avec des déchets ménagers. La plupart d’entre eux demandent à l’entourage de verser les déchets collectés dans leurs parcelles. De temps en temps, ils balaient l’endroit et mettent le feu aux matières solides et aux sachets plastiques restés à la surface. A cette procédure qui prend plusieurs années de patience, certains propriétaires font appel à des tracteurs ou des camions qui transportent de grandes quantités de déchets, issus le plus souvent du curage des caniveaux ou de la fermeture d’une décharge anarchique. Quelques jours après, ils mettent le feu au tas et indisposent pour plusieurs heures, voire des jours, l’ensemble du voisinage.
S’organiser pour mettre fin à l’incinération anarchique des pneus dans les quartiers périphériques
M. Hamidou Djibo est un retraité des Forces Armées Nigériennes qui s’est installé dans le quartier Seno, dans le 5ème Arrondissement Communal de la ville de Niamey. Cet artilleur pensait, après avoir sillonné les différents fronts actifs du pays et avoir servi comme soldat de la paix à l’extérieur, trouver un repos mérité dans sa maison construite non loin du flanc de la colline. Ce qui lui conférait une vue imprenable sur la ville et sur ses anciennes bases d’attache à Niamey. Il appréciait ainsi son temps libre et la pureté de l’air dans le quartier pendant les premières années de son déménagement. « Ça a commencé en début 2018. Au tout début, ils transportaient les vieux pneus dans des charrettes asines et maintenant ils utilisent les motos tricycles pour les amener en haut, sur le plateau », rappelle-t-il amèrement. Un soir, alors qu’il s’est mis au lit plutôt que d’habitude, l’ancien militaire est réveillé de son sommeil par une sensation de brûlure aux narines et à la gorge, suivie de suffocation. A son réveil, une épaisse fumée noire recouvre une grande partie du quartier situé en contre-bas de la colline. Elle provenait de l’incinération de pneus usagers sur le plateau, sur le site de la cité des enseignants chercheurs. M. Hamidou Djibo explique que l’incinération des pneus a de multiples conséquences sur les habitants et sur leur santé. Par expérience, il cite la pollution de l’air, des odeurs insupportables, ainsi qu’une fumée qui « rend mal à l’aise et qui dégage une odeur âcre et étouffante, surtout au milieu de la nuit ». Il s’est donc transporté sur le lieu de l’incinération pour sensibiliser les auteurs sur le tort causé illégalement à la population. Depuis cette première sortie en solo, c’est tout le quartier Seno qui se mobilise. « Dès qu’ils commencent à faire l’incinération, les habitants du quartier se mobilisent pour les empêcher et parfois faire en sorte qu’ils partent loin du quartier », se réjoui-t-il, tout en précisant que les descentes se font de manière pacifique et courtoise. Mais, concède cet habitant fortement impliqué dans les actions sociales de son quartier, les populations ne doivent pas être les seules au-devant de la lutte contre l’incinération clandestine des pneus, surtout que cela fait vivre des familles entières. Pour remédier à cette pratique « illégale et néfaste », soutient-il, les autorités communales et régionales doivent élaborer un plan de riposte adéquat. Il leur propose de trouver des endroits hors des villes, s’il le faut les aménager en plein brousse, pour que ces individus continuent à pratiquer l’incinération de manière saine et faire vivre leurs familles. Un programme de formation pourrait, dans ce cas précis, venir à terme au bout de l’incinération comme pratique de récupération du fil de fer contenu dans les pneus.
M. Hamidou Djibo conseille vivement aux populations riveraines « d’empêcher à toute personne de faire cette pratique illégale qui est l’incinération des pneus » en usant de tous les moyens légaux mis à leurs dispositions par la République du Niger. Il les interpelle également sur leur rôle de sensibilisation de la société afin de contribuer à « arrêter cette mauvaise pratique qui pollue la nature et qui pourrait provoquer de multiples problèmes de santé ». Un souhait qui a encore du chemin à parcourir au vue des manquements constatés dans la mise en œuvre de la Loi cadre de 1998 relative à la gestion de l’environnement au Niger.


Souleymane Yahaya
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