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De la question de la souveraineté monétaire (des pays de l’AES), réponse aux professeurs Baïdari et Gouadain

Publié le mardi 16 avril 2024  |  Nigerdiaspora
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© Autre presse par DR
AES : à Niamey, le Niger, le Burkina et le Mali posent les jalons d’une Force conjointe anti-terroriste
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Alors que, pour le citoyen lambda, l’affirmation de notre souveraineté monétaire par la création imminente d’une monnaie commune des Etats de l’AES est déjà actée depuis le retrait du Burkina, du Mali et du Niger de la CEDEAO, d’éminents professeurs d’universités tergiversent encore sur cette question. Les Professeurs Boubacar Baïdari et Daniel Gouadain l’appréhendent sous forme de « dilemme monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel » (texte Rédigé le 18 Mars 2024. Publié dans Economie) et d’autres, l’examinent sous l’angle d’interminables précautions à prendre, comme s’il s’agirait de domestiquer un monstre redoutable.

«Le dilemme monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel » ( ?)

Ayant reçu cet article sur WhatsApp, je me suis précipité pour le lire, fort intrigué par son intitulé : «Le dilemme monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel ». En effet, je voulais savoir en quoi sortir de la zone CFA, puisque c’est de cela qu’il s’agit, constitue-t-il un dilemme pour ces deux éminents professeurs d’université. J’avoue que je suis resté plus perplexe après l’avoir lu, car il n’y apparait aucune analyse critique à travers laquelle se dessineraient les termes d’un dilemme, se contentant de simples affirmations. Rappelons que le dilemme c’est l’obligation de choisir entre deux solutions aussi mauvaises l’une que l’autre, en somme choisir entre la peste et le choléra comme on a coutume de le dire.

Du reste, il ne saurait être autrement dans la mesure où les deux auteurs se sont d’emblée engagés sur une mauvaise prémisse, une mauvaise piste, en s’interdisant « d’entrer dans les arguments politiques avancés par les Autorités de l’AES », comme si la monnaie est un animal, un crapaud dont on peut observer l’évolution au laboratoire, de têtard à l’âge adulte.

C’est cela la démarche de nos deux professeurs qui présentent les contraintes ou principes de l’appartenance à l’union économique et monétaire comme atouts qui mériteraient le maintien du statu quo et la sortie de l’union, illustrée par les échecs de la Guinée, le Mali et la Mauritanie, comme une aventure hasardeuse. En somme le dilemme de l’esclave qui doit accepter son statut d’esclave ou la délinquance, à défaut de savoir gérer son nouveau statut d’homme libre. Voilà comme se présente en gros leur réflexion dont je m’en vais vous présenter quelques aspects, assortis de mes critiques.

la croissance de leurs PIB avec la moyenne de l’Afrique subsaharienne, comme résultantes de l’appartenance à la zone CFA, ce qui est archifaux car un des problèmes majeurs que pose la servitude monétaire de cette zone à la France est que la politique monétaire est complètement déconnectée des préoccupations économiques de ces pays.

Une analyse sérieuse permettrait de déterminer les facteurs déterminants de l’évolution des PIB, exogènes à coup sûr à l’appartenance à la zone. En ce qui concerne le Niger, l’évolution au cours de la période 2011 -2023 est liée dans une large mesure à la mise en service de la raffinerie de pétrole et le bond de 11% prévu pour 2024 est tiré des estimations d’exportation de pétrole brut.

Seul le taux d’inflation limité semble être une résultante des contraintes imposées par la zone car c’est sa seule préoccupation. Le taux d’inflation dans notre zone est imposé par ailleurs. Pour les autres c’est voulu et c’est cela toute la différence. C’est à ce niveau que j’ai des problèmes et que je ne comprends pas que d’éminents professeurs d’économie s’interdisent de donner leurs opinions sur les conséquences de la servitude monétaire de la zone franc qui prive des états dits indépendants d’un instrument de politique de développement économique aussi important que la politique monétaire.

Le Taux d’intérêt, le taux de change et le taux d’inflation sont des variables clés de politique économique mais dont la mise en œuvre relève exclusivement de la politique monétaire. Alors, comment comprendre que des économistes d’un si haut niveau se contentent, parlant de la zone UMEOA et de la Zone franc en général, d’exposer ses principes dans leur évolution sans aucune analyse critique.

convertible en aucune autre monnaie pas même en son homonyme de la zone CEMAC. S’il en était le cas, on retrouverait des FCFA dans la panoplie de réserves de change de tous les pays de la zone EURO qui seraient la résultante des règlements en FCFA faits par des opérateurs de l’UEMOA à des fournisseurs européens. Ce qui n’est pas le cas.

Par contre, et pour contrer les pessimistes qui affirment que la sortie des Etats membres de l’AES de la CEDEAO et de l’UEMOA va perturber les relations des populations, en change manuel, il y a, fort heureusement, une convertibilité illimitée entre la NAIRA et le FCFA. Il en est de même entre le FCFA et le CEDI du Ghana et très certainement avec les autres monnaies le long des frontières.

Le change manuel étant très actif, en l’occurrence le long des frontières du Niger et du Nigéria et l’autre côté avec le Bénin, il n’est pas prouvé comme l’affirment les professeurs, que les opérateurs hors zone adoptent le FCFA comme monnaie refuge, puisque les taux de change sur ces marchés fluctuent au jour le jour en fonction de l’évolution de certains paramètres économiques de part et d’autre des frontières. C’est une situation que maitrisent parfaitement les professionnels qui vivent des transactions de ces marchés de change, sans rien attendre des experts de la Banque Mondiale et du FMI. D’ailleurs, la fixation des prix en NAIRA sur certains marchés nigériens le long de la frontière semble indiquer au contraire une prééminence de la NAIRA sur le FCFA et exprime à coup sûr la domination de l’économie du Nigéria sur la nôtre.
pays de l’AES. Une exploitation rationnelle qui ne serait possible que par la rupture sans tergiversations de liens coloniaux dont le plus pernicieux est la servitude monétaire. Ainsi, se penchent-ils franchement pour le statu quo, c’est à dire l’immobilisme.

Le tout sécuritaire : la tare du nègre francophone

Les professeurs Baïdari et Gouadain, à travers leur analyse, proposent en réalité aux pays de l’AES une posture d’esclave qui, ne sachant pas quoi faire de sa liberté retrouvée, reprend ses chaînes pour se mettre à la merci de son maître. Aboutissant aux mêmes conclusions, des souverainistes tétanisés par l’idée de l’échec, posent la question de la sortie de la zone UMEOA en termes d’interminables précautions préalables à prendre, préalables qui conduisent à l’immobilisme c’est-à-dire au maintien du statu quo.

Dans cette dernière catégorie on trouve d’éminents universitaires et hommes politiques comme le professeur Mamadou Coulibaly, ancien ministre des finances du président Gbagbo, qui est l’un des premiers économistes à dénoncer la servitude de UMEOA et de la zone franc en général, à travers des analyses pertinentes d’un intellectuel et praticien qui maîtrise bien le sujet dans tous ses aspects.

Cependant, en parfait intellectuel francophone, comme d’autres professeurs d’universités au Niger ou d’ailleurs dans l’UEMOA, le ministre Coulibaly se met à tergiverser en évoquant des précautions préalables à prendre lorsqu’on lui a posé sur un plateau de télévision la question de la création de monnaie par les Etats de l’AES. Soulignons que ces pays ont été déjà poussés à la porte de l’UEMOA par les sanctions illégales et inhumaines de la CEDEAO à l’égard du Niger et du Mali. Brillant en analyse théorique de situation comme la plupart des intellectuels francophones noirs africains, il ne se retrouve plus dès il s’agit de passer à l’action, tétanisé qu’il est par la peur de l’échec.

Ainsi, le ministre Coulibaly insiste abondamment sur les précautions préalables à prendre car disait-il « on ne se lance pas dans la création d’une monnaie comme ça », comme si nos dirigeants sont des primesautiers. Parmi ces mesures, il y a l’or malien à rapatrier pour garantir la monnaie. Aussi, disons-nous que non seulement le Mali n’a aucun kg d’or à l’étranger mais aussi et surtout, quand bien même le Mali aurait des montagnes d’or, elles ne suffiraient pas pour garantir sa monnaie. Je répète encore une fois et avec conviction que la seule garantie d’une monnaie est la solidité de l’économie du pays, la pertinence de sa politique monétaire et la rigueur de sa mise en œuvre.

D’autres enseignants chercheurs posent le problème de risque de falsification des signes monétaires dans leurs exposés des préalables. A ceux-là je dirais que pour qu’une monnaie soit falsifiée, il faut qu’elle soit désirée et c’est déjà un succès. En effet, le dollar USA, malgré toutes les technologies avancées qui entourent sa production, reste la monnaie la plus contrefaite au monde, parce qu’elle est la plus désirée.

Toutes les monnaies du monde sont plus ou moins exposées au risque de falsification et chaque pays développe des intelligences pour protéger la pureté de sa monnaie, au fur et à mesure des menaces, sans jamais effleurer l’idée d’abandonner leur souveraineté monétaire.

Le besoin de tutorat pour agir, ce poison inoculé aux colonisés par la France, reste encore très actif chez le noir africain, alors qu’il a disparu chez les arabes du Maghreb et les Asiatiques. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur mais d’un simple constat, car seuls les pays francophones de l’Afrique noire sont sous la servitude monétaire et s’y agrippent par crainte, la liberté s’apparentant à de l’aventure pour eux. Tous les pays francophones maghrébins gèrent leurs monnaies, sans que cela soit pour eux une OVNI comme le présentent les professeurs Baïdari et Gouadin quand il s’agit de l’AES.

Entièrement incrustée dans le Sénégal 17 fois plus grand et 6 fois plus peuplé, la Gambie gère allégrement sa monnaie. Mais dès qu’il s’agit d’envisager la création de monnaie pour le Sénégal, des voix s’élèvent de partout pour évoquer une prudence assortie d’une litanie de précautions préalables, alors même que ce pays a certainement le plus grand nombre de professeurs agrégés en économie par habitant en Afrique. En d’autres termes, ce pays abonde de cadres qui, sans nul doute, ont toutes les compétences requises pour objectivement gérer et administrer une monnaie nationale, mais dont les mentalités sont plombées par la peur de l’échec. Incapables de prendre des initiatives, nous attendons tout du tuteur français, cependant, nous sommes prompts à exécuter ses ordres quelles qu’en soient la forme et les conséquences, comme les sanctions illégales et inhumaines contre le Niger.

Une des tares les plus pernicieuses de la servitude monétaire de l’UEMOA est l’absence, dans le fait tout au moins, de politique de change et de gestion rationnelle des devises, ce qui est la conséquence de la pratique de confiscation de ses réserves de change par le Trésor français et l’illusion d’une convertibilité illimitée du FCFA en franc français d’abord, puis en EURO.

Je m’en vais illustrer cette situation par le fait qu’un expert en douane m’a fait part du fait qu’il a été contacté par un opérateur économique qui l’informa qu’il fait transiter ses marchandises à destination du Nigéria par le Niger. L’expert en douane lui demandait s’il n’avait pas de problèmes avec la douane nigérienne, maintenant qu’il y achemine directement ses marchandises au Nigeria sans passer par le Niger, tout en conservant la domiciliation bancaire du règlement de ses fournisseurs à Niamey. Je lui ai alors dis que ce monsieur ne peut pas avoir des problèmes avec la douane nigérienne qui ignore tout de son activité, les marchandises ne passant pas par les frontières du Niger, mais il a, dans l’un ou l’autre cas, des problèmes avec les autorités de change du Niger.

Le contrôle des changes, à savoir la maîtrise des mouvements de devises et leur utilisation optimale, fait partie des instruments majeurs de la politique monétaire, même si les professeurs Baïdari et Bouadain n’en parlent pas. Ils n’en parlent pas parce que la souveraineté monétaire n’est pas dans leur viseur !
l’éternel recommencement.

Je pense ici à toutes les banques de développement de l’UEMOA et tant d’autres entreprises publiques comme l’UNCC et la COPRO au NIGER, qui ont été liquidées sans qu’on ait eu à capitaliser leurs expériences et à mettre quelque chose à leur place. En comparaison, aujourd’hui le réseau des caisses de crédit agricole, chapeauté par la CNCA France, assure correctement le financement de la ruralité et s’avère un des plus grands pourvoyeurs de fonds sur le marché monétaire français, alors que l’Etat a dû intervenir plusieurs fois pour la redresser financièrement pour causes de mauvaise gestion et même de malversations.

Ne pensons pas que nous allons trouver un schéma parfait de gestion monétaire car toute décision comporte des insuffisances, mais elle ne se révèle qu’au cours de la mise en œuvre. Alors on l’assume et on la corrige quand on est souverain. N’oublions pas que la politique monétaire qui encadre la monnaie n’est qu’un instrument, important certes, de la politique économique et sociale du pays parmi tant d’autres. Elle n’est donc pas figée et doit en permanence s’adapter à l’évolution des variables économiques et des objectifs qui leurs sont assignés.

Pour illustrer cette idée, il me plait souvent de rappeler la pertinence d’une réforme monétaire intervenue en France au lendemain de la seconde guerre mondiale. Malgré le plan Marchal d’aide américaine à la reconstruction, la France avait d’énormes besoins financiers pour la remise en état de son tissu industriel, des besoins que ne pouvaient combler les banques d’affaires spécialisées dans le financement des investissements à long et moyen terme des entreprises.

Pendant ce temps, on a constaté que les banques commerciales, spécialisées dans le financement à court terme des entreprises, avaient une masse croissante de ressources constituées par le seuil des dépôts à vue jamais affecté par de retraits et qui s’apparente de ce fait à des fonds permanents, des ressources stables.

moyennes entreprises à hauteur d’un montant (20 millions à l’époque) couvrant largement les besoins du paysan nigérien, les prêts pour la construction du premier logement à hauteur également d’un montant déterminé, l’acquisition par des nationaux d’actifs appartenant à des étrangers et surtout, en hors plafonds, les crédits de commercialisation de produits agricoles avec la possibilité de refinancement sans limite de la banque centrale, parce qu’il ne s’agit pas dans ce cas de créer de la monnaie vide, mais de monétisation d’un bien réel, notamment le produit agricole qui existe déjà.

La reprise des campagnes de commercialisation en faveur du Riz du Niger résoudra en partie le paradoxe de ce pays qui importe massivement du riz et exporte du paddy, par manque de financement adéquat de sa ruralité. En effet, à la récolte, aussi bien dans la région de Diffa que dans les régions du fleuve, le paddy prend la direction du Nigéria et non exclusivement celle du Riz du Niger, parce que des commerçants Nigérians, suppléant la défaillance de la banque agricole, font des avances aux producteurs leur permettant d’acquérir des intrants et régler des problèmes sociaux. Nous reviendrons sur le cas spécifique du crédit agricole au Niger, s’il plait à Allah dans un autre débat, mais retenons d’ores et déjà qu’il y a un problème crucial que la politique monétaire doit rapidement cerner et résoudre.

Les nouvelles autorités en charge de la monnaie doivent surtout renforcer le contrôle de change, là où l’UEMOA a été très laxiste parce que dépossédée du pouvoir de gestion de devises. En attendant donc la création d’une institution financière spécialisée comme la Libyan Arab Foreign Bank ou autres Eximbank d’ailleurs, on doit s’assurer que toute exportation de minerais, de gaz ou de pétrole se fasse sur la base d’un contrat de vente dont le règlement est domicilié dans une banque de la place d’une part, et d’autre part, que la Banque Centrale des Etats de l’AES veille au rapatriement effectif des devises y afférentes, afin d’éviter qu’elles ne deviennent sources de spéculation pour les banques domiciliataires.

Dépossédée du pouvoir de gérer des devises, l’UEMOA a été incapable de développer des compétences nationales pour mener effacement une politique de change. Aussi, les pays de l’AES doivent-ils penser au renforcement de la capacité des cadres des ministères concernés par des stages pratiques dans des pays amis.

Pour conclure nous disons que l’AES n’est pas devant un dilemme, encore moins dans la posture de l’esclave qui ne sachant quoi faire de sa liberté, se voit proposer le maintien de ses chaines comme « un prudent pis-aller », selon les termes des éminents professeurs Baïdari et Gouadain.

Les pays de l’AES ont décidé d’assumer pleinement leur souveraineté en brisant toutes leurs chaines de servitude, la plus pernicieuse étant celle de la monnaie. Ils sont toutefois confrontés aux effets pervers de la mentalité de leurs intellectuels à qui la colonisation française a inoculé le virus de la perfection ou la crainte de l’échec.

Or, convaincus qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite, les autorités de ces pays ont décidé de prendre toute leur responsabilité en se mettant au-devant de l’action afin d’apprendre aux intellectuels francophones à surmonter leurs peurs. Elles ont décidé d’assumer les erreurs et les insuffisances qui ne manqueront pas d’apparaitre en cours de route, de les corriger et d’avancer

C’est cela l’unique voie du progrès !

Publié ce 15 avril 2024

Elhadj Abdou Issaka Kadogo dit Sakou, monétariste de formation, banquier à la retraite.
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