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Lettre au chef de l’État Mon Général, sauf à vouloir soustraire Issoufou Mahamadou à la justice, comme lui-même l’a fait en faveur de ses proches impliqués dans de graves malversations financières, vous ne pouvez pas ignorer que si Bazoum est un serpent à

Publié le mercredi 24 avril 2024  |  nigerdiaspora
Cour
© Autre presse par DR
Cour de Justice de la CEDEAO
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Lettre au chef de l’État Mon Général, Sauf à vouloir soustraire Issoufou Mahamadou à la justice, comme lui-même l’a fait en faveur de ses proches impliqués dans de graves malversations financières, vous ne pouvez pas ignorer que si Bazoum est un serpent à sonnettes, Issoufou est certainement un mamba noir ou un taïpan du désert

Quoi qu’allusifs, les propos tenus par les colonelsIbro Ayouba et Sidi Mohamed, le samedi 13 avril 2024, lors de la manifestation de la synergie des organisations de la société civile, ne sont pas assez sibyllins pour que vos compatriotes n’en comprennent pas le sens et la portée. C’est bien dommage que le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) s’écarte ainsi des rivages à partir desquels il a acquis ses galons et construit son paravent. C’est bien dommage que ces propos ainsi que la mise en orbite de nouvelles organisations de la société civile confirment en fin de compte les lourds péchés dont on accuse le Cnsp. MaikoulZodi, Bana Ibrahim et Annas Djibrilla, sont des patriotes sincères qui croient en ce pays, qui ont payé de leur liberté pour le défendre face aux impérialistes et à leurs suppôts et valets locaux ; de valeureux fils du Niger qui n’ont jamais varié dans leurs principes et dont l’unique préoccupation, l’unique combat, est de voir émerger une nouvelle gouvernance plus vertueuse où l’intérêt général primera sur tout autre chose. Leur souci, c’est de voir ce pays mieux gouverné et ses ressources mises à l’abri de la prédation qu’on a connue sous Issoufou et Bazoum.

Le tort de ces trois mousquetaires, si tort il y a, c’est d’aimer leur pays et de croire en la possibilité d’une gouvernance démocratique plus vertueuse où le gouvernant ne pourra pas abuser des biens et deniers publics sans risque de se retrouver en prison. Cette gouvernance faite de redevabilité et de reddition des comptes est bien possible, n’en déplaise à ceux qui, opportunistes et laudateurs hors pair, veulent soutenir le contraire, exactement comme l’a toujours fait le colon, dans son complexe de supériorité et son mépris pour nous.

Sous cette transition que Dieu, dans sa miséricorde infinie, vous a donné la chance inouïe de conduire, j’ai osé croire que vous ne saurez ne pas saisir cette opportunité divine de servir votre peuple au-delà de toute espérance. J’ai osé croire que vous ne perdrez pas de vue cette bénédiction divine et que vous ne raterez pas le coche, tant vous avez dû comprendre que la mobilisation sociale spontanée et jamais égalée dans l’histoire de ce pays est la résultante de l’espoir de vos compatriotes de vous voir donner toute sa plénitude à la question de la justice. J’ai osé croire et ce n’est pas un tort, que vous respecterez votre serment de ne protéger personne et qu’à partir de vous, la justice retrouvera ses lettres de noblesse. Hélas, je suis au regret de vous dire je suis au bord de la déception totale.

Mon Général,

Je ne comprends pas ce qui vous arrive ou plutôt comment vous concevez votre loyauté vis-à-vis du peuple nigérien dont vous avez solennellement juré de ne jamais trahir les aspirations. J’avoue que c’est plus fort que moi et qu’il est inutile de vous avouer que j’ai le tournis, rien que d’y penser. Les aspirations de votre peuple, si jamais vous ne l’avez pas encore compris, c’est de vous voir enfiler votre robe de premier magistrat de ce pays et de vous acquitter honorablement de votre serment.

Votre serment, vous vous en souvenez ? Vous avez juré que si vous trahissez les aspirations de vos compatriotes, que Dieu vous le fasse payer cash.

Vous êtes le procureur en chef du Niger et c’est à vous, en principe, d’ouvrir la voie en poursuivant, au nom des intérêts du Niger et de son peuple, Issoufou Mahamadou pour tous les délits et crimes commis dans l’exercice de ses fonctions. Outre le détournement des deniers publics au titre desquels je vous rappelle, en guise d’exemples, le prêt de 1000 milliards d’Eximbank de Chine et l’achat de l’avion présidentiel qui sont des cas de flagrant délit pour l’intéressé, Issoufou Mahamadou, vous le savez mieux que quiconque, a également posé des actes de haute trahison, notamment dans le cas de l’installation des bases militaires occidentales, françaises et américaines en particulier. Pourquoi doit-il échapper au sort qui frappe Bazoum Mohamed ?

Mon Général,

Issoufou Mahamadou a fait trop de mal au Niger et à son peuple pour ne pas le jeter en prison pour les années qui lui restent à vivre. C’est l’homme qui a ruiné le Niger et constater que vous ne vous décidez pas encore de le faire inculper ne peut que vous porter un grave préjudice en termes de crédibilité et d’intégrité. Car, disentils, c’est d’abord à vous de le faire inculper et pas quelqu’un d’autre. Votre devoir et votre serment vous le commandent.

Les images insolites de la présentation des voeux au chef de l’État que vous êtes, à l’occasion de l’Aïd El-fitr, le mardi 9 avril 2024, vous montrant serrer la main de l’intéressé avec un large sourire constituent de mon point de vue une signature de la nature des rapports qui vous lient. Ça n’a absolument rien à voir avec l’extrême sévérité avec laquelle Bazoum Mohamed est traité. Pourtant, sauf à vouloir soustraire Issoufou Mahamadou à la justice, comme lui-même l’a fait en faveur de ses proches impliqués dans de graves malversations financières, vous ne pouvez pas ignorer que si Bazoum est un serpent à sonnettes, Issoufou est certainement un mamba noir ou un taïpan du désert.

Mon Général

Soyez lucide pour comprendre qu’il n’y a pas à tergiverser entre choisir de servir son peuple ou préférer servir un individu ou un clan. Il faut vous dire que vous ne pouvez pas, c’est impossible, concilier la position du peuple nigérien, profondément attaché à voir la justice s’imposer par rapport aux graves affaires dont Issoufou Mahamadou en particulier s’est rendu coupable et celle d’un clan qui a spolié le peuple nigérien de ses ressources. En un mot, le Cnsp que vous dirigez ne peut pas garantir l’impunité à des individus qui, au-delà des milliers de milliards qu’ils ont détournés à leurs profits personnels et à ceux de leurs parents et amis occidentaux outrageusement enrichis au détriment du peuple nigérien, ont également une responsabilité avérée dans la propagation du terrorisme dans notre pays.

Personnellement, je n’arrive pas à comprendre que vous ne soyez pas assez jaloux pour tous ces hommes habillés massacrés par faute d’armements et de munitions adéquats, parce que, simplement, des individus, hommes d’affaires et officiers de l’armée, ont fait de ce fléau un business lucratif au bout duquel ils ont amassé les milliards au prorata des milliers de victimes, civiles et militaires.

Je n’arrive pas à comprendre que vous ayez fait un coup d’Etat à un régime et que vous entendiez apparemment si bien avec le parrain, en l’occurrence Issoufou Mahamadou qui a tenu, après la prière de l’Aïd El-fitr, à vous présenter ses voeux de key yessi– barka da sallah. Selon toute vraisemblance, Issoufou Mahamadou ne vous en veut pas, loin s’en faut. C’est tout de même surprenant de vous voir en si bons termes avec une de vos victimes alors que l’autre est dans un trou, accusé de haute trahison.

Mon Général,

Vous n’avez pas, je vous prie de le comprendre et de l’admettre, meilleure chose à faire pour combler le fossé qui se creuse entre vous et le peuple nigérien que de livrer Issoufou Mahamadou à la justice.

Mallami Boucar (Le Monde d’ Aujourd’hui)
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