Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Mali    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article





  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Entre débauchage et défection politiques : Quel avenir pour la démocratie nigérienne?
Publié le jeudi 13 fevrier 2014   |  tamtaminfo




 Vos outils




C’est désormais un phénomène sociopolitique récurent au Niger. A chaque fois que le pouvoir change de main ou de pole, les partis politiques qui ne siègent pas à la table où se partage « le gâteau national », sont « victimes » d’une maladie invalidante bien connue qui se traduit par la « fuite des militants ». Débauchage ou défection ? Qu’importe ! C’est une hémorragie politique qui affaiblit et appauvrit considérablement les partis de l’opposition, mais surtout, provoque dans le pays tout entier, une volatilité politique et une fièvre électoraliste qui iront sans doute crescendo, jusqu’aux prochaines joutes annoncées de 2016.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer cette « frénésie collective » qui accompagne chaque fois un changement de régime dans notre pays ? Volontarisme ou opportunisme politique ? Les avis divergent. Réflexions autour d’un phénomène qui emballe tous les nigériens.
« C’est pour apporter notre soutien … »
Tel est l’argument de tous ceux qui viennent picorer dans cour du système en place. Ils quittent leurs partis ou désobéissent aux directives de ceux-ci, pour rejoindre le pouvoir, prétendant vouloir de bonne foi, apporter leur soutien au Président de la République dans la mission, à lui confiée, par l’ensemble des citoyens. Et justement, pour prouver leur bonne foi, ils organisent un théâtre médiatique, pour lire devant des micros et des caméras, une déclaration dite de soutien ou d’adhésion. Souvenez-vous, le phénomène de « défection politique » (voire transhumance ou nomadisme politique) est apparu dans toute sa splendeur sous l’ère Baré, quand des pans entiers des partis politiques se disloquaient pour aller rejoindre le fameux comité de soutien à Ibrahim Mainassara Baré (COSIMBA). Le décor est toujours le même : Un simple clin d’œil du nouveau chef de l’état, suffit pour provoquer une ruée indescriptible chez les politiciens de l’opposition. Ainsi, la situation se duplique à l’identique, à chaque fois qu’une nouvelle équipe arrive au pouvoir et qu’elle ouvre grandement les portes de celui-ci.
Depuis Baré, le phénomène n’a surgi temporairement que pendant le « tazartché » de Tandja. Souvenez-vous également, pendant cette période où le Président Tandja demandait aux nigériens « cinq minutes de plus », beaucoup de politiciens, y compris des cadres du PNDS sont partis le rejoindre dans son projet, pour le moins inconsidéré. Quand Salou Djibo est arrivé au pouvoir, beaucoup se sont précipités pour lui apporter leur soutien. Dans les deux cas, le phénomène n’a pas eu le temps de se développer. Par contre, le pouvoir de Mahamadou Issoufou, depuis le « gouvernement d’union nationale », avec surtout sa volonté manifeste de rempiler pour un second mandat sans coup férir, offre un boulevard à ces nigériens qui veulent toujours « aider » le pouvoir en place, à leurs yeux, seul moyen de « travailler » pour leur pays.
Volontarisme ou opportunisme politique ?
« Aller du côté de la mangeoire », au mépris de ses propres convictions politiques et des directives expresses de son parti et prétendre qu’on est guidé que par sa seule volonté de travailler pour son pays, est sans doute un bien mince argument. Mais l’argument pour mince soit-il n’est pas à banaliser. En effet, une bonne partie de l’opinion de notre pays, pense qu’après les élections, place au travail et zéro politique. Etant donné que l’Etat est le plus gros employeur et le plus grand faiseur de riches dans le pays, travailler pour ces nomades politiques, assez pragmatiques, il faut le reconnaitre, consiste à être dans le système. Une simple adhésion sans bruit ne suffit pas, convaincus qu’ils sont que le système est un sourd. D’où le recours excessif à la médiatisation en cas de débauchage ou de défection politique. Le principe en pareille circonstance est : qui fera mieux de bruit, sera plus visible et captera l’attention du système et des rentes qu’il génère. Concédons à ces nigériens un peu trop volontaristes leur droit de « travailler » pour leur pays, en tout lieu et en toute circonstance.
Mais l’on n’a pas besoin de loupe pour comprendre que derrière les défections politiques se cachent de gros marchandages pour ne par dire, de grosses escroqueries politiques. Plus de 90% de ceux qui quittent leur parti, visent directement un intérêt particulier (poste de responsabilité, marché public, soustraction aux poursuites judiciaires, rente de position, etc.). Les gens ne quittent pas leur parti, juste pour le simple plaisir de travailler pour leur pays, mais sans doute pour le plaisir de travailler pour eux-mêmes. L’exemple le plus symptomatique de ce marchandage sans vergogne, est le ralliement au PNDS du sieur Zakou Djibo, alias Zakay, juste seulement quelques jours après que Bazoum ait annoncé que son parti serait davantage plus sélectif, en qualité s’entendant, dans les prochains « recrutements ». Nul besoin de longue littérature pour comprendre les motivations du compatriote le plus détesté par les confrères. Il s’agirait dans son cas précis de faire d’une pierre, plusieurs coups : Se mettre à l’abri de la justice, accéder aux marchés publics, siphonner les finances de la République par des subterfuges divers, pistonner quelques cadres de sa circonscription, etc.
Quel impact sur la démocratie nigérienne ?
Entre nous, même si les citoyens ont le droit de changer de parti, reconnaissons qu’il se passe quelque chose de malsain dans ces défections politiques. Du moins, les défections telles qu’on les observe, sont la parfaite illustration de mœurs politiques désaxées, caractéristiques d’une république corrompue. Le pouvoir en place semble avoir ouvert les vannes et c’est tout naturellement les plus opportunistes qui profitent de la situation. A Maradi comme ailleurs, la cohue est indescriptible. Les militants de Lumana sont parmi les plus volatiles du moment. Il y’en a qui sont à leur 3ème voire leur 4ème déclaration. Ils ont déclaré soutenir Hama, puis Tchana. Ils sont partis à Niamey, ils auraient rencontré quelqu’un haut placé et sont revenus avec un 4×4 ou un arrêté de nomination, avant de procéder à une nouvelle déclaration d’adhésion au PNDS.
Aujourd’hui, il se passe que n’importe quel individu de la trempe d’un Hama Ghana, audacieux et roublard à volonté, peut rassembler quelques jeunes dans son quartier et faire une déclaration de soutien ou d’adhésion pour s’en tirer avec une belle bagnole et la promesse d’une ascension sociale météorite. Les exemples sont légions à Niamey, Maradi et dans toutes les régions du Niger. Et les nigériens les plus opportunistes, profitant de la pauvreté du peuple qui accepte de se faire réunir pour quelques milliers de CFA, organisent l’arnaque au vu et au su de tout le monde. A l’allure où vont les choses, d’ici 2016, les loges et les gradins du système, seront massivement occupés par les nigériens parmi les plus opportunistes, les plus combinards, les plus méchants, les plus négatifs et les plus incompétents.
Il se passe alors que la démocratie se porte mal dans notre pays. Des nigériens utilisent la démocratie pour corrompre voire, acheter carrément d’autres nigériens, alors qu’on est loin des élections. C’est moralement et politiquement malsain. Il n’est pas normal que des gouvernants propagent eux-mêmes la culture de la corruption et de l’impunité. Les objectifs fondamentaux de la démocratie se trouvent ainsi « tchali-tchalisés » et détournés. Au lieu que la démocratie serve à détecter les nigériens les plus méritants et les plus compétents pour leur confier la mission de développer leur pays, elle sert désormais de tremplin aux nigériens les plus opportunistes et sans doute les moins intellectuellement et moralement outillés, pour occuper les devants de la scène politique de notre pays, de gravir allègrement les marches de celui-ci.


El Kaougé Mahamane Lawaly, Le Souffle N°16, Maradi

 Commentaires