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Khalid Ikiri, président de la mission de la Commission Nationale des Droits Humains : ’’Le droit d’aller et venir est un droit fondamental auquel nul n’a le droit de toucher, mais la traite des personnes est un crime sévèrement puni par la loi’’
Publié le vendredi 2 mai 2014   |  Le Sahel


Khalid
© Autre presse par DR
Khalid Ikiri, président de la mission de la Commission Nationale des Droits Humains


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La migration, aussi bien régulière qu'irrégulière, avec ses corollaires tels que le trafic des migrants, la traite des êtres humains, comporte des difficultés quant à la mise en œuvre de la réglementation en la matière. Au Niger, désormais, l'arsenal juridique est enrichi depuis le 16 décembre 2010 par la signature de l'ordonnance n°2010-86 relative à la lutte contre la traite des personnes. L'application de cette ordonnance jusque-là méconnue de certains acteurs ne peut être efficace que dans le cadre d'une lutte globale et internationale, car le phénomène est transnational. Cet exemple peut et doit être une source d'inspiration pour les autres partenaires des pays de départ de ces migrants. En mission dans la région d'Agadez, le président de la Commission Nationale des Droits Humains, M. Khaled Ikiri, a accepté de nous accorder cette interview exclusive.

Monsieur le président, l'immigration est devenue un phénomène préoccupant dans la région d'Agadez où le flux migratoire s'est accentué ces dernières années, avec tout ce que cela comporte comme risques et périls liés à ce phénomène. Face à cette situation, les autorités nigériennes ont pris des mesures drastiques afin de juguler le fléau, notamment en engageant une lutte sans merci contre la traite de personnes vers le nord. Quel commentaire vous inspire la question ?

L'immigration, il faut bien le noter, est un phénomène qui existait, en réalité, depuis fort longtemps, avec notamment la question qui lui est associée, à savoir la traite des personnes. En 2005, nous avions dirigé une association de Défense des Droits de l'Homme, et nous avions réalisé une enquête au niveau national. Il en est ressorti que la question de la traite de personnes était une question cruciale, car présente dans toutes les régions du Niger, pas seulement dans la région d'Agadez.
Aujourd'hui, notre préoccupation par rapport au phénomène migratoire, c'est la question de sécurité, de la sécurisation des candidats à l'immigration, parce que le droit d'aller et venir est un droit fondamental. Nous pensons qu'il faut surtout faire en sorte que ces déglacements puissent se faire dans les respects des textes et règlements en vigueur dans les pays traversés par les migrants et dans des conditions de transport réglementaires. Et je reviens sur la question de la traite pour vous dire que la CNDH a mené une activité de sensibilisation afin que les gens comprennent que la traite des personnes est un crime sévèrement puni par la loi. Pourquoi c'est un crime ? Parce qu'au niveau local, il y a des personnes qui recrutent des jeunes, de femmes, les transportent par tous les moyens possibles au-delà des frontières, vers les pays du Nord où il existe sur place des réseaux où ces personnes transportées sont accueillies et mises dans des activités qui rapportent assez d'argent aux trafiquants.

Les enfants sont jetés dans la rue pour se livrer à la mendicité, et l'argent est récupéré par des gangsters qui s'enrichissent à travers ces actes déshumanisants. En vérité, c'est cela la traite des personnes. Pour le cas de jeunes filles, elles sont employées comme prostitués par des proxénètes ou bien sont mariées, et la dot est récupérée par des malfrats. C'est donc un crime organisé, et les perdants, se sont ces jeunes innocents qui vont dans l'espoir de revenir avec des richesses, alors qu'il n'en est rien. C'est cela qu'il faut avoir à l'esprit. Mais ce que nous pensons, c'est de mener des plaidoyers auprès des parents des victimes de la traite pour les sensibiliser, les conscientiser qu'une fois arrivés là-bas, leurs enfants subissent une sorte d'esclavage moderne.
Pour ce qui est des transports qui se font dans des véhicules 4x4 que j'ai vus de mes propres yeux sur la route de Tourayat, un village situé à 60 kms d'Agadez et point de départ des candidats à l'immigration vers la Libye, j'ai été très surpris par le grand risque que prennent les voyageurs en s'incrustant dans ces véhicules comme dans des boîtes de sardine. Pour la sécurité des personnes elles-mêmes et en tant que êtres humains, ils ont droit à la dignité. Naturellement ceux qui font ce transport mettent l'argent en avant et s'en moquent. Ils ont fait un choix, amasser d'importantes sommes d'argent. Plus grave, lorsque les transporteurs prennent la route, c'est assez souvent avant la frontière qu'ils débarquent leurs passagers. A eux de se débrouiller pour trouver un lieu de rendez-vous sans qu'ils puissent faire l'objet de contrôle à la frontière.
Est-ce que les autres pays de la sous-région mènent la même lutte que le Niger en matière de lutte contre l'immigration clandestine?
Au niveau des pays de la sous-région, j'ai visité le Nigeria où je sais qu'il a une institution spéciale dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes au niveau de l'Etat Fédéral. Au niveau de Lagos, il y a la structure mère, et à Kaduna et Kano, il y a des antennes. Je sais qu'il doit exister des structures analogues dans les autres pays. Mais au Niger, nous avons la particularité d'être entouré par des pays qui vivent des crises, et par rapport à cette question de sécurité, il faut contrôler l'immigration.
Par rapport à tous ces problèmes, les autorités doivent faire en sorte qu'au niveau local, des conditions soient créées pour que les jeunes puissent disposer d'emplois rémunérateurs. Il faut attirer l'attention des jeunes sur le fait que les difficultés d'accès sont de plus en plus énormes dans les pays qu'ils considèrent comme leur Eldorado. Et compte tenu de tous les désastres là-bas, il y a des barricades pour que les gens ne rentrent pas, parce qu'eux-mêmes ont des problèmes. Néanmoins, ces pays d'accueil sont preneurs pour pouvoir faire des investissements au sud, afin que les gens puissent s'y intéresser.
Je pense que les investissements prévus ici au Niger pour la mise en valeur des vastes plaines de l'Irhazer, font partie des initiatives qu'il faut développer avec la contribution des autorités et les appuis de la communauté internationale. Si on veut faire en sorte que la jeunesse soit fixée, il ne faut pas lésiner sur les moyens qu'il faut mettre dès aujourd'hui, parce que demain, çà peut être trop tard pour les fixer. Personnellement, je suis convaincu que cette jeunesse, mise dans des conditions, peut révolutionner la situation actuelle parce qu'il y a des potentialités. Cependant, il ne faut pas voir les choses en micro, mais en macro. Ensuite, il faut former, éduquer les gens pour qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités dès à présent pour bâtir le Niger de demain. Si on n'a pas de gens formés, sensibilisés, avec des initiatives, çà va être une catastrophe. C'est dans ce sens que je lance un vibrant appel aux autorités.
Durant votre séjour à Agadez, vous vous êtes rendu à Aoudaras et Tamzalak. Pourquoi particulièrement ces deux localités?
A Tamazalak et à Aoudaras, et même à l'inauguration du monument de la Flamme de la Paix à Agadez, nous avons insisté sur le travail parce que la région dispose d'énormes potentialités naturelles, artistiques, culturelles, et qu'il suffit d'un accompagnement de l'Etat pour que les choses changent. Par rapports aux jeunes qui ont bien voulu remettre des armes, nous sommes conscients du fait qu'ils ont fait montre d'un courage dont il faut saisir la portée. Mais c'est déjà une grande avancée qui est en réalité le résultat d'un travail de sensibilisation mené par les autorités, certains sages de Tamazalak et les notables.
Dans ces régions, nous avons mis l'accent sur la paix, la formation. Les populations, hommes, femmes, leaders religieux et sages de ces régions-là ont décidé que toute personne suspecte ne sera jamais plus acceptée dans cette zone de Tamazalak, qui vous savez est un nid pour les malfrats. Mais il faut suivre ces engagement-là jusqu'à leur internalisation par les uns et les autres. Donc, nous demandons à l'Etat, aux ONG, à la communauté internationale, de faire la même chose que je vous avais dit tout à l'heure pour accompagner le processus. Il faut montrer aux gens qu'à partir de l'agriculture dans ces zones là, on peut tirer des profits substantiels.
Quelles sont les actions menées par la CNDH depuis sa mise en place ?
Au niveau de la CNDH, dès notre mise en place, nous avons eu des rencontres avec les différentes autorités, des personnes ressources, des structures de la société civile, des magistrats, des partis politiques, les anciens chefs d'Etat, le Président de l'Assemblée nationale, pour les informer de notre institution, leur expliquer le rôle que doit jouer la CNDH et demander leurs appuis. Nous avons mené des actions de sensibilisation et de formation à Tillabéry et Zinder, et également des conférences au niveau de la communauté urbaine de Niamey. Cette mission de la CNDH à Agadez et Tahoua, fait partie des missions programmées en vue de faire connaitre l'institution. Nous allons nous rendre par la suite dans les régions de Diffa, Tillabéry, Dosso.
Durant notre séjour à Agadez, nous nous sommes intéressés à l'affaire de l'eau polluée d'Azélik que les gens attribue à l'exploitation minière je crois. Nous attendons le compte-rendu de la mission qui a été dépêchée dans cette zone. Nous reviendrons à Azelik pour cerner ce problème qui préoccupe les populations de la région d'Ingal, car notre objectif, c'est la sécurité, la paix, la cohésion sociale ; et les perspectives se trouvent dans notre plan stratégique programmé sur quatre (4) ans. Donc, toutes nos activités y sont concentrées et portent naturellement sur la promotion des droits humains, notamment en milieu scolaire et sur la question de la protection des droits humains à travers le traitement des différentes plaintes qui nous parviennent. Nous avons en perspective de mettre en lieu et place des points focaux actuels, tout un arsenal juridique, pour renforcer notre vision des droits humains à l'intérieur du pays. Nous avons aussi en perspective de tenir un atelier très prochainement avec les CNDH des pays de la sous-région, afin de discuter ensemble sur un certain nombre de préoccupations propres à nos pays.

Abdoulaye Harouna ANP/ONEP Agadez

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