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Niger-Areva, des négociations à marche forcée
Publié le vendredi 9 mai 2014   |  MondAfrique


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© Autre presse par DR
Audience du chef de l`Etat: SEM Issoufou Mahamadou a reçu le Président Directeur Général du Groupe français AREVA M. Luc Oursel.
Samedi 4 mai 2013. Le Président de la République, Chef de l`Etat, SEM Issoufou Mahamadou a reçu en audience M. Luc Ourse, Président Directeur Général du Groupe français AREVA .


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Entre le Niger et le géant du nucléaire Areva, les pourparlers se poursuivent laborieusement pour la reconduction de contrats miniers dans le pays. François Hollande espère trouver un compromis satisfaisant pour le président nigérien Mahamadou Issoufou, allié de la France pour la lutte contre le terrorisme au Sahel. De son côté le président nigérien joue un double jeu. Tout en se prêtant au dialogue, il diabolise Areva pour plaire à l’opinion.

La négociation entre l’Etat du Niger et le géant minier français est décidément laborieuse, alors que les accords entre les deux parties ont expiré en décembre 2013 et que la production des mines vieillissantes d’uranium de Cominak et Somaïr tourne au ralenti depuis lors. Beaucoup de sous-traitants dénoncent leurs contrats avec les filiales des sociétés minières. L’avenir ne chante plus.

Pourtant, côté nigérien, on est optimiste. D’autant plus que le président français François Hollande pèse de tout son poids, discrètement, à travers ses représentants au conseil d’administration d’Areva, détenu majoritairement par l’Etat français. En effet, François Hollande a plusieurs raisons d’être bienveillant à l’égard de son ancien camarade nigérien de l’Internationale socialiste. La première est de lui témoigner sa reconnaissance pour l’appui précieux offert par le Niger à l’arrière du front de Serval au Mali. D’ailleurs pérennisé depuis à travers l’installation de moyens militaires français à Niamey, notamment des drones tueurs américains (Ripper).

Le 7 mars, Luc Oursel, le PDG d’Areva était reçu par le Président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou. La semaine dernière, son bras droit, Olivier Wantz, était reçu par le ministre des Mines et du Développement Industriel, Omar Hamidou Tchiana, dans son bureau de Niamey.

De la rencontre entre Luc Oursel et le Président nigérien, rien n’a vraiment filtré, Areva adoptant une stratégie de black out total. Toutefois, contraint de répondre aux questions du quotidien gouvernemental Le Sahel, Luc Oursel a estimé que la réunion avait permis d’avancer dans cette négociation. «Cette réunion nous a permis de progresser. C’est important aussi que nous trouvions une solution qui permette de mener nos activités minières, qui sont extrêmement importantes en termes d’emplois et de contribution fiscale pour le gouvernement nigérien. Il y a eu des négociations depuis longtemps. Je pense qu’aujourd’hui, nous avons fait un pas significatif en avant vers la recherche d’une solution commune et je pense maintenant que ce n’est qu’une question de temps limité avant que nous arrivions à une conclusion définitive », a-t-il dit dans l’antichambre de la Présidence.

Côté nigérien, le président Mahamadou Issoufou, lui, a longuement développé, dans un discours fleuve prononcé à l’occasion du 3e anniversaire de son investiture, début avril, les concessions importantes accordées par Areva, notamment l’application de la loi minière de 2006 qui imposerait à Areva une taxation à hauteur de 5,5 à 12%, selon les bénéfices.

Nombreuses concessions

En réalité, le 7 avril, Luc Oursel a pratiquement concédé au Niger tout ce qu’il demandait : la réfection de la route Arlit-Tahoua, de 660 km (un chantier colossal, dont on ne voit pas comment Areva pourrait s’acquitter seule), l’aménagement de la vallée de l’Irhazer, une promesse d’Anne Lauvergeon qui a déjà englouti beaucoup d’argent avec des retombées discutables, la nouvelle taxation, pourtant dénoncée par Areva comme prohibitive, dans un contexte de très faible rentabilité des mines de Cominak et Somaïr, et la nigérianisation des cadres de Somaïr et Cominak.

A la même réunion, a été acté le principe d’une suspension de la nouvelle mine géante d’Imouraren, que le Président Issoufou espérait pourtant inaugurer avant la fin de son mandat, en 2016, et qui doit faire du Niger l’un des plus gros producteurs mondiaux d’uranium. Enfin, le Niger aurait accepté une exonération de la TVA pour alléger la charge fiscale pesant sur Areva.

Bref, comme le dit Luc Oursel, tout était réglé, ou presque et le Président du Niger s’est dit prêt à signer un accord reflétant ces discussions dès qu’Areva lui en ferait parvenir le texte.

Double jeu

Curieusement, cela n’a pas été le cas. Au contraire, le bouillant ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana, présent à la discussion, a renvoyé un autre texte, formulant d’autres exigences et bloquant à nouveau le processus. Perplexité d’Areva, où l’on croyait qu’une parole de Président mettait un terme aux débats. Tchiana jouait-il une partition en solo ? C’est peu vraisemblable. Il est loyal au Président de la République et entièrement dépendant de lui politiquement depuis qu’il a abandonné son parrain politique, Hama Amadou, l’été dernier, pour se rallier directement aux socialistes. Double jeu du Président Issoufou ? C’est possible, tant la question est politiquement sensible, et ce, quelle que soit l’issue des discussions. Areva est diabolisée au Niger, après une virulente campagne de la société civile nigérienne largement encouragée par le pouvoir. La société française est aussi un héritage de la colonisation et le Président Issoufou essaye de faire oublier ses relations privilégiées avec la France, en tant qu’ancien élève de l’école des Mines de Saint-Etienne, ancien cadre minier d’Areva, ex-directeur des Mines du pays et souvent utilisé dans des négociations entre les deux parties alors même qu’il était encore opposant politique.

Peu versée dans les subtilités de la politique nigérienne, Areva commence à se lasser. D’une négociation qui ne finit pas. De ne plus gagner d’argent au Niger. D’être sans défense devant une insécurité terroriste manifeste, qui lui a déjà coûté sept otages (Areva et Satom) enlevés en septembre 2010 et heureusement libérés depuis, et une attaque à la voiture suicide contre un site d’Arlit, en mai dernier (un mort), pendant que les sentinelles de l’armée nigérienne supposées assurer la sécurité … dormaient dans leurs lits. Enfin, Areva ne supporte plus d’être huée, accusée d’empoisonner et d’irradier les travailleurs nigériens, de voler le Niger, bref, d’être l’incarnation de Satan. Pendant que les contreparties versées par ses concurrents chinois à l’Etat du Niger restent secret défense…

Dernier round

Deux semaines avant son arrivée, le 27 avril, Olivier Wantz a demandé un rendez-vous au ministre des Mines. Pas de réponse. In extremis, à quelques heures de son départ, le ministre lui a accordé une audience. La négociation continue.

Reste que cette marche forcée vers un accord laissera sans doute des traces. Sans la pression de François Hollande, Areva aurait peut-être choisi de quitter le Niger. Cette option a été sérieusement envisagée et chiffrée. Areva n’avait besoin que de quelques jours pour faire face à une rupture de l’uranium du Niger. Il y a d’autres mines, d’autres sources et d’autres pays désormais où se fournir. Lorsque Somaïr et Cominak se seront éteintes, dans quelques années, où en sera le chantier géant d’Imouraren, dans une région septentrionale inhospitalière à tous égards et où seuls les Chinois acceptent désormais de travailler ?

Un accord sera sans doute signé, à grand bruit, dans les prochains mois. Mais ce sera peut-être le linceul de l’histoire minière franco-nigérienne.

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