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Interview de l’ecrivain et cineaste nigerien M. Harouna coulibaly : « J’ai donc opté pour les pièces de théâtre afin de mieux faire passer mes messages.»
Publié le jeudi 15 mai 2014   |  medianiger




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Al`occasion de la journée nationale de la femme, célébrée le 12 mai 2014, la télévision nationale diffuse à cette occasion en exclusivité le film "AWA ou le prix d'une erreur" de notre compatriote Harouna Coulibaly.

Dans ce film de fiction, le réalisateur entend conscientiser les communautés africaines et les gouvernants sur l’importance de la scolarisation de la jeune fille. En plus de l’importance de l'internat et du port de l'uniforme Harouna Coulibaly attire l’attention de ces enseignants véreux qui usent et abusent des jeunes filles à l’école.


Monsieur Harouna Coulibaly, votre film Awa, un long métrage sur la scolarisation des jeunes filles, a été projeté au CCFN Jean Rouch de Niamey, à l'occasion du Festival international des films des droits de l'homme (FIFIDHO)...Peut-on savoir le message que vous avez voulu transmettre à travers ce film?



Tout d'abord, disons que ce n'est que la première partie d'un film que j'ai voulu en deux parties. A travers ''Awa ou le prix d'une erreur'', j'ai voulu, d'une part, interpeller les autorités sur l'importance de l'internat et du port de l'uniforme, afin de mettre tous les enfants sur un même pied d'égalité et leur donner, à travers l'éducation, les mêmes chances de départ ;

de l'autre, j'ai voulu secouer les consciences des professeurs et des enseignants qui fondent comme des oiseaux de proie sur les jeunes filles sans défense et qu'ils entraînent sur le chemin de la dépravation au lieu de leur distiller le savoir qui ferait d'elles les leaders de demain.

C'est aussi, pour moi, un moyen de stigmatiser le comportement de certains parents qui, loin d'inculquer à leur progéniture le sens de la dignité et de l'honneur, les poussent dans le déshonneur, dans les bras des personnes fortunées. A cela, il convient d'ajouter tous les ''katakorés'', c'est-à-dire ces impénitents dragueurs qui étendent leur aire de chasse jusqu'aux portes des écoles, pour faire tomber les filles dans leurs rets.

Il y a aussi, toutes ces jeunes filles, vite montées en graines, qui préfèrent ce que les anglophones appellent "sugar daddy", c'est-à-dire ces tontons pleins aux as qui assurent le bien matériel aux jeunes filles démunies. Dans la seconde partie, ''Awa, la consécration'', dont le tournage est en bonne voie, en revanche, c'est un véritable hymne à la scolarisation de la jeune fille que j'ébauche.

Si dans la première partie, je braque, de manière sensible et critique, ma caméra sur les épreuves de la vie que Awa va traverser, dans cette seconde partie, je démontre comment Awa, une petite villageoise que rien ne prédisposait au départ à la réussite, parvient au sommet de la pyramide sociale, en devenant la première femme démocratiquement élue présidente des Etats-Unis d'Afrique, grâce notamment à l'instruction qui ouvre les portes du savoir et de tous les possibles....



Tout comme Awa, adapté d'une de vos pièces de théâtre "Barira", votre premier film, Wadjibi, est aussi issu d'une de vos pièces ''Le Devoir'', publiée en 1995. Pourquoi cette fixation sur l'adaptation de pièces de théâtre à l'écran ?

C'est uniquement dans un but de mieux faire passer mon message! Je n'oublie pas que j'écris pour un public majoritairement analphabète et qui adore les pièces de théâtre. Regardez tout l'engouement que suscitent les pièces de théâtres diffusées à la radio ou à la télévision ! J'ai donc opté pour les pièces de théâtre afin de mieux faire passer mes messages.

Chemin faisant, je me suis encore rendu compte qu'il faut un artiste pour mettre l'œuvre en scène. Afin de transcender l'écran noir de la communication entre moi et mon public, j'ai donc préféré opter pour le langage des images, c'est-à-dire le 7ème art, en m'affublant d'une seconde casquette, celle d'écrivain cinéaste.

Aujourd'hui, il est de plus en plus question de problèmes de l'école et votre film, Awa, traite de l'encouragement à la scolarisation des filles. Quels sont, à votre avis, les maux qui plombent l'école nigérienne ?

Ils sont de plusieurs ordres. Notamment la nature de l'enseignement général dispensé jusqu'en classe de Terminale, les programmes solaires et la formation en elle-même.

Je constate avec amertume que l'enseignement dispensé se résume à des répétitions mécaniques de théories inertes où l'enfant désapprend plus qu'il n'apprend, tarissant ainsi toute éclosion de sens de l'innovation, de la créativité et de l'initiative, car l'on répète mécaniquement comme un robot, comme un perroquet le message reçu.

Concernant les programmes scolaires, l'on enseigne tout sauf l'essentiel ! Ici, je pense à toutes nos valeurs culturelles, notre histoire, l'histoire de nos héros chantés par la mémoire populaire (Sarraounia Mangou, Kaocen, Amadou Dan Bassa, plus loin Cheikh Oumar TallL, Lat-Dior, le roi Alboury N'Diaye, Samory Touré...), mais que l'on laisse en rade dans nos écoles".

Cela donne la chienlit d'une jeunesse qui grandit sans repères, ni références, ni mémoire de son passé, de son histoire ; une jeunesse acculturée, plongée dans le désarroi d'une culture importée. La formation, elle-même, est à repenser fondamentalement si on veut que l'école soit un vrai outil de développement.

L'école ne forme pas l'élève pour l'enraciner, l'intégrer dans le milieu social où il est censé prendre racine; au contraire, elle forme des adultes qui méprisent les paysans, qui ne pensent qu'à quitter leurs pays pour aller dans d'autres continents.

Comme si Samba Diallo, sorti de l'imaginaire de Cheikh Hamidou Kane, dans son roman classique ''L'aventure ambiguë'', s'est proliféré en Afrique! Pourtant, le Pr Cheikh Anta Diop, dans son anthologie "Nations nègres et cultures", nous mettait déjà en garde: ''Abandonner sa culture pour embrasser celle d'autrui, et considérer cela comme une simplification des relations internationales, c'est se condamner au suicide ...''.

Faisons un retour en arrière! Il y a quelques années de cela, vous avez délibérément décidé de prendre ce que l'on appelle communément une année sabbatique, pour vous consacrer beaucoup plus à votre art. Peut-on aujourd'hui savoir si cette retraite a été bénéfique pour vous ?

Très, très bénéfique ! Sans cette intense concentration intellectuelle, je n'aurais jamais eu, par exemple, l'opportunité de réaliser le film "Awa" à Bamako, "Les architectes du verbe" à Dakar et à l'Ile de Gorée, ou même co-réalisé "Un rendez-vous humanitaire" à travers une manifestation de plantation des arbres au Burkina que nous avons lancée comme ça, et qui, à notre grande surprise, a enregistré un succès foudroyant, ce qui m'a donné l'idée de ce film.

Sans oublier de nombreuses pièces de théâtre et surtout le roman "Le retour des cerveaux", pour lequel j'ai volontairement choisi de me retrancher dans un village choisi au hasard, où j'ai vécu dans l'anonymat le plus total, et un confort spartiate, pendant plus d'une année.

Ainsi, je dormais à même la natte, puisais ma propre eau au puits, comme tout le monde, accompagnais les animaux aux pâturages, participais aux travaux champêtres et au ramassage des récoltes, dans le but évident de m'imprégner davantage des vraies conditions de vie et de la dure réalité de nos campagnes. Une réalité que beaucoup d'entre nous ignorent, et sont loin d'imaginer que manger une poignée de grains de riz est un privilège suprême !


C'est vraiment captivant ! Peut-on savoir comment s'est terminée cette expérience ?

Par le plus grand des hasards: un de mes cousins m'a surpris dans le marché d'un village voisin, où j'aidais un ami paysan à écouler sa production de canne à sucre. Il s'empresse aussitôt de divulguer que je ne suis pas n'importe qui, que je suis le petit-fils de feu Adjudant Tiécoura Mamary Coulibaly de Sakoiba (Ségou). Je vous laisse imaginer la stupeur des gens à la connaissance de cette nouvelle!

J'ai beau justifier mon acte en signifiant que je suis un écrivain, et comme tel, la meilleure source d'inspiration pour moi, c'est de me ressourcer, c'est de me mettre dans la peau des gens dont je veux porter aux nues la vie, beaucoup m'en ont voulu ! Mais, je l'ai voulu ainsi.

Et, c'est à ce prix que j'ai écrit d'abord la nouvelle, ensuite la pièce de théâtre et enfin le roman, toujours sur le même thème. Alors, quand j'entends toutes les insanités que l'on colporte sur mon dos, en disant que je suis parti sans laisser d'adresse, que je suis devenu fou, tout cela est bien sûr archi faux. J'ai pris une disponibilité en bonne et due forme, avec l'idée en arrière train de revenir avec, au moins, un film et un livre !



Avec cette année sabbatique, vous avez ainsi pu réaliser vos rêves, c'est-à-dire produire des livres et des films, dans différents pays. Que représente pour vous le rêve ?

Pour moi, le rêve, c'est le début d'une réalité! Toute chose préexiste idéalement dans le rêve avant de devenir réalité. C'est pourquoi Karl Marx, dans ''Le Capital'', oppose le travail humain du plus mauvais architecte à celui de la plus experte des abeilles. Il disait que ''ce qui distingue l'architecte le plus mauvais de l'abeille la plus experte, c'est que l'architecte construit dans sa tête avant de construire dans la ruche.

Le résultat auquel on aboutit préexiste idéalement dans l'esprit de son auteur''. Un autre grand auteur, Paulo Coelho, dans ''l'Alchimiste'', renchérit en disant : ''Quand tu veux vraiment quelque chose, c'est que le désir est né dans l'âme de l'univers. C'est ta mission sur terre...'' ; et il ajoute aussi : ''Quand tu veux quelque chose, tout l'univers conspire à te permettre de réaliser ton désir... ''.

Autrement dit, tout est ''Makhtoub''! J'en déduis que Dieu est vie, vérité et amour. La vie est ainsi donc une pièce de théâtre où, derrière chaque acte, il y a un acteur, un scénario déjà écrit dans le Ciel, et nous ne sommes que des instruments pour concrétiser la volonté de Dieu! Gloire à toi Allah !



Quelle lecture faites-vous de toutes ces catastrophes qui s'abattent sur l'humanité ?

C'est l'échec de l'esprit cartésien et la faillite des espérances faustiennes. C'est la fin du cycle de cette civilisation d'argent qui a décrété ''la mort de Dieu'' au nom de la rationalité. Toutes ces catastrophes naturelles ne sont que les conséquences des actes que nous posons.

Nous nous sommes arrogés les droits de piller et de gaspiller des ressources naturelles enfouis depuis des siècles dans le ventre de la terre; de détruire des forêts entières, pulvériser des montagnes au nom du modernisme. Nous croyons naïvement, comme nous l'a suggéré René Descartes, que nous sommes ''maîtres et possesseurs de la nature, de tous les éléments, par le biais de la science''.

Or, l'Homme ne peut pas être maître de la nature, il n'est qu'un élément très minime par rapport à la nature ! Il n'est qu'un élément de la nature, et il doit vivre en harmonie avec le Divin, avec la nature et avec lui-même ! C'est faute de n'avoir pas compris cela que l'humanité est au bord du gouffre, et si on ne change pas de cap, dans cinq ans, ce sera trop tard. Et par rapport aux dix-huit mille mondes que Dieu a créés, que représentent l'Homme et la Terre?

Peu de choses, en réalité! Il nous faut donc oublier cet intermède de la vie humaine commencé avec la civilisation scientifique, et revenir à Dieu. Prions beaucoup pour que Dieu sauve notre monde de ce chaos sur lequel il pique droit.

Sur le plan humain, la société des décideurs doit mobiliser énormément de fonds pour la reforestation, le reboiser, la régénération du tissu végétal ; ils doivent intensifier la lutte contre la désertification et la pollution, bref, cesser toutes les violences sur la nature. La nature se venge lorsqu'on viole ses lois

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