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Le Président de la République, SE. Issoufou Mahamadou, invité de l’émission ‘’Internationales ‘’ de TV5 Monde
Publié le vendredi 23 mai 2014   |  Le Sahel


Visite
© Présidence par DR
Visite d`amitié et de travail du président Mahamadou Issoufou au Gabon
Mardi 15 avril 2014. Gabon. Le président de la république, Issoufou Mahamadou a effectué une visite de 48h les 15 et 16 avril 2014. Photo : Le président de la république, Issoufou Mahamadou


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Sur le plateau de la télévision TV5, le Chef de l’Etat a répondu en direct, 50 minutes durant, aux questions de nos confrères français Philippe Dessaint de TV5 Monde, Sophie Malibeaux de RFI et Christophe Châtelot du journal ‘’Le Monde’’. Dans cette interview à bâtons rompus, le Président Issoufou Mahamadou a abordé avec les journalistes d’importants sujets, parmi lesquels la guerre contre le terrorisme avec notamment la situation au Nigeria qui domine l’actualité suite à l’enlèvement par Boko Haram de 200 lycéennes ; la situation sécuritaire au Sahel, les attentes du Niger en matière de sécurité et de développement, les négociations en cours entre le Niger et Areva sur le prix de l’uranium, etc. Lire ci-dessous l’intégralité de l’interview.



Vous êtes à Paris à l’occasion d’un Sommet de crise autour d’un événement tragique, l’enlèvement des centaines de lycéennes au Nigéria par la secte fondamentaliste Boko Haram. Vous étiez avec les présidents du Cameroun, du Bénin et du Tchad, autour de François Hollande, pour tenter de trouver une solution. Je voudrais vous demander si vous avez des nouvelles de ces lycéennes, si vous savez où elles sont, si vous avez, dans le cénacle de ce sommet, des informations que nous ne savons pas. Vous savez dans quelle situation elles se trouvent ?
Malheureusement, on ne sait pas, de manière précise, où sont les jeunes filles enlevées par Boko Haram au mois d’avril, il y a de cela à peu près un mois. Mais ce dont on est sûr, c’est qu’elles sont toujours au Nigeria. Mais où au Nigeria, c’est cela qu’on ne sait pas. Je pense que les discussions qu’on a eues à l’occasion du sommet auquel vous venez de faire allusion, nous ont permis de mettre en place un certain nombre de mesures qui puissent nous permettre à terme de les retrouver et de les libérer.



Cette guerre contre les terroristes, disiez-vous voici quelques jours, ‘’nous allons la gagner’’. Au lendemain de ce sommet à Paris avec les pays voisins, est-ce que vous confirmez cela, est-ce que la voie passe par une action de guerre ou par la négociation ?
Mais écoutez ! Les terroristes ne sont pas dans une perspective de négociation; tous leurs actes, tous leurs comportements le prouvent. Donc, il n’est pas question de négocier avec les terroristes. Je pense que tout le monde l’a compris, c’est pour cela que nous avons fait la guerre aux terroristes au Mali, c’est pour cela que la guerre au terrorisme est faite en Afghanistan, et partout ailleurs dans le monde, en Somalie, la guerre est totale contre le terrorisme. Il n’y a pas de place pour la négociation avec les terroristes. Et en ce qui concerne Boko Haram, ce que nous avons décidé hier, c’est de mener une guerre sans merci, contre ce groupe extrémiste qui commet des actes ignobles, des actes qui déshonorent l’Islam, qui donnent une mauvaise image de notre religion. L’Islam, ce n’est pas ça, l’Islam c’est la tolérance, l’Islam c’est le juste milieu, et vous savez que le Niger est un pays musulman pratiquement à 100%, la plupart des musulmans rejettent ce que fait Boko Haram, et au Nigeria aussi, c’est la même chose, les musulmans du nord du Nigéria rejettent les prétentions de cette secte à imposer sa volonté à l’ensemble du pays.



Est-ce qu’il n’y avait pas un risque à tenir une opération aussi médiatique que ce sommet à Paris, très visible à donner de la visibilité, à donner notoriété aux leaders de Boko Haram qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent ?
Non je ne pense pas. Je pense que ce sommet de Paris est venu au bon moment. Vous savez que Boko Haram, qui a été créé en 2002, a eu je dirais une période d’incubation militaire qui a commencé à partir de 2009 ; Boko Haram a commis beaucoup d’actes. Mais le dernier acte qui a scandalisé le monde entier, la communauté internationale, c’est cet enlèvement encore une fois des jeunes filles innocentes. Après cet enlèvement, il était tout à fait normal qu’on se retrouve ici à Paris afin d’harmoniser, de définir une stratégie.



Mais après deux ans au Nigéria, il y avait déjà à peu près les mêmes leaders réunis autour de la même question. Qu’est ce qui s’est passé dans les deux dernières années ?
Dans les deux dernières années, ce qui s’est passé, comme je l’ai dit, c’est qu’il y a eu un développement des activités militaires de Boko Haram, des attaques contre l’armée nigériane, des attaques contre les églises, contre le siège même des Nations Unies, une radicalisation de Boko Haram. Il est temps maintenant que tout le monde se mobilise pour arrêter cette avancée de Boko Haram.



Vous parlez de guerre, mais le résultat du sommet ne ressemble pas au résumé d’un conseil de guerre. Est-ce qu’il y aura une démarche auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour inscrire Boko Haram sur la liste des organisations terroristes ? Est-ce qu’on peut raisonnablement espérer que les Etats de la région vont coopérer pour lutter contre la secte Boko Haram?
Nous avons abouti à des conclusions très importantes. Ces conclusions ont porté sur la nécessité de mettre en place une mutualisation des capacités de renseignement des pays du bassin du Lac Tchad. J’y crois très fermement ; une mutualisation aussi des moyens opérationnels des différents pays. Du reste, déjà avant le sommet, le Cemoc (NDLR : Comité d’état-major opérationnel conjoint) n’a pas peut-être bien fonctionné, et c’est cela qu’on paye ; avec le développement de Aqmi dans la région, on a payé la paralysie du Cemoc, mais je pense que ce qui va se passer autour du Lac Tchad ne sera pas à l’image de ce qui s’est passé avec le Cemoc. Nous avons, avec la CBLT, depuis 2012, décidé de mettre en place des forces multinationales composées des forces du Nigéria, du Niger, du Tchad et du Cameroun ; chaque pays a promis de mettre en place un bataillon, et c’est en cours ; donc il y a des dispositions qui sont prises et le sommet me semble-t-il, a confirmé ces décisions-là que nous nous sommes engagés à mettre en œuvre.



Il n’y avait pas de présence de l’Union Africaine, ni de présence de représentation de la CEDEAO. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce que ça ne risque pas de gripper ensuite le processus ?
Non je ne pense pas que ça puisse risquer de gripper le processus. La CEDEAO et l’Union Africaine sont d’accord avec nous. Nous allons ensemble traiter cette question de Boko Haram dans la région, d’autant plus que c’est une question qui concerne tous les pays, toute l’Afrique. Boko Haram a des connexions avec les autres organisations terroristes comme Aqmi, les Shebab, et d’ailleurs nous avons eu des preuves par rapport à la connexion entre Boko Haram et Aqmi parce que les services de sécurité du Niger ont eu à saisir des correspondances de Drok Del adressées à Aboubakar Shekau, le leader de Boko Haram, et dans lesquelles Drook Del donnait des orientations au leader de Boko Haram.



Quel genre de relation y a-t-il entre Aqmi et Boko Haram ? Les financements ou la formation des combattants ? Les deux idéologies ne sont pas les mêmes…
Au fond, ce sont les mêmes idéologies. C’est le rejet des valeurs occidentales, c’est l’installation de la Charia, la création des émirats islamiques dans les pays africains, et, donc Aqmi a très fortement aidé Boko Haram surtout dans la formation. Vous savez, pendant la période de l’occupation du nord Mali, il y a eu beaucoup de militants de Boko Haram qui étaient partis se faire former au Mali.

Mais on disait que l’opération Serval avait permis de couper le lien entre Boko Haram et Aqmi…
Je vous parle du temps où le nord Mali était occupé par Aqmi. Mais, maintenant l’opération Serval a effectivement affaibli très fortement Aqmi, et actuellement on ne pense pas qu’il y ait des relations entre Boko Haram et le débris des terroristes d’Aqmi qu’il reste encore au Mali.



On voit qu’au fond, le terrorisme se joue des frontières, et l’une des difficultés de la réponse que les Etats tel que le vôtre apportent lors du sommet de Paris, c’est qu’au contraire, il n’y a pas de dialogue entre vos Etats, c’est le cas par exemple entre le Niger et le Cameroun. Est-ce qu’il faut que vous veniez à Paris à chaque fois pour pouvoir vous parler ?
Non, on s’est parlé avant de venir à Paris. Ce n’est pas incompatible se réunir à Paris et en Afrique entre nous. Je pense que déjà entre nous, je le rappelle, on a fait des réunions au niveau de la Commission du Bassin du Lac Tchad, et on a eu à traiter des questions sécuritaires ; on a décidé de mettre en place une force multinationale, composée de bataillons des différents pays ; on avait déjà décidé, également, à cette occasion de renforcer notre coopération aux plans opérationnel et sécuritaire. Maintenant qu’on se retrouve à Paris, moi je pense que cela est important dans la mesure où nous avons besoin aussi de la France, des Etats Unis, de l’Angleterre, surtout dans le domaine du renseignement.



On peut imaginer par exemple qu’il y ait des soldats français, anglais, ou américain sur le sol nigérian ou camerounais pour lutter contre Boko Haram…
Je pense qu’à ce stade, ce n’est pas nécessaire. Du reste, le Président français l’a clairement dit, la France n’a aucune intention d’envoyer des soldats français au Nigeria. Je pense que le Nigeria a des forces militaires capables de faire face à la situation. Ce qui manque par contre, c’est le renseignement qui puisse permettre de rendre efficaces les actions des forces militaires du Nigeria.



L’armée nigériane est aussi sous les feux des critiques, notamment de la part des Etats Unis, qui a fait, la veille du sommet, des critiques très fortes sur leur manière d’opérer, la brutalité de leurs interventions qui, quelquefois, rasent tout un village avec les populations civiles, etc. Est-ce qu’en fournissant les renseignements, mais sans assurer le suivi d’une éventuelle intervention, on ne prend pas des risques aussi ?
Ça fait partie des questions qu’on a abordées à l’occasion du sommet. Nous avons dit qu’il faut un emploi mesuré de la force, il ne faut pas combattre Boko Haram de telle sorte qu’on puisse jeter les populations dans les bras de Boko Haram. Il faut faire un combat avec beaucoup de discernement, je pense que tout le monde l’a compris, et on en tiendra compte.



Boko Haram, est-ce qu’il faut les détruire comme disait François Hollande à propos du Mali, ou bien les juger ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire ? Les détruire physiquement, les éradiquer ?
Il faut les détruire tant qu’ils ont les armes à la main. Maintenant, s’ils déposent les armes, on les enverra en prison, on va les juger conformément aux lois, mais tant qu’ils ont les armes à la main, l’objectif doit être leur destruction. C’est pour cela qu’on est déterminé à mener une guerre totale contre ce groupe terroriste.



Est-ce que le Niger a les moyens de mener cette guerre totale, quand on sait que vous avez des frontières assez poreuses ?
Vous voyez, on sous-estime un peu le Niger. Ce qui se passe, c’est que nous sommes dans un contexte régional où on est entouré par des pays qui sont déstabilisés par les terroristes au niveau de la Libye, du Mali, du Nigeria. Mais le Niger continue à rester un havre de paix et de sécurité. Nous avons très tôt pris toutes les dispositions pour sécuriser notre pays, pour sécuriser nos frontières. Certes, ce n’est pas suffisant, nous avons encore beaucoup de choses à faire et nous avons besoin du soutien extérieur, en particulier dans le domaine de renseignement. Mais aujourd’hui, le Niger est un pays totalement sécurisé sur l’ensemble du territoire. Il y a des incursions de Boko-Haram, mais chaque fois qu’il y a des incursions de Boko-Haram à Diffa, nous arrivons à les arrêter ; même récemment, on a arrêté des militants de Boko-Haram dans la région ; il y a eu même des affrontements entre les Forces de Défense et de Sécurité du Niger et des groupes de Boko-Haram. Mais nous prenons les dispositions pour que cette menace n’expose pas nos populations et notre pays à tout danger.



Le trafic d’armes passe notamment par le territoire nigérien. Que pouvez-vous faire de plus pour endiguer ce flux d’armes à destination de Boko-Haram ?
Nous avons un pays très vaste et il y a beaucoup de points de passages entre la Libye et le reste du Sahel, entre la Libye et le Nigeria. Notre objectif, c’est de boucler ces points de passage, de verrouiller ces points de passage. Vous voyez, le Niger a une position, de ce point de vue, stratégique importante ; si nous arrivons à verrouiller les points de passage au Niger, on va sécuriser non seulement le Niger, mais aussi l’ensemble de la région ; et c’est l’occasion de dire qu’il faut attaquer ce mal à sa racine, et la racine du mal c’est la Libye, il faut stabiliser la Libye.


J’ai coutume de dire qu’une des erreurs qui a été commise, c’est de n’avoir pas fait le service après vente. Après la chute de Kadhafi, il aurait fallu que les mêmes forces qui ont aidé à la chute de Kadhafi aident à stabiliser la situation en Libye. Aujourd’hui, la Libye, que ça soit au sud ou à l’est vers Benghazi, n’est pas stable. Même hier samedi, il y a eu des affrontements. La Libye est devenue un sanctuaire pour les terroristes. Tous les terroristes qui ont été chassés du Mali se sont réfugiés dans le sud libyen, et la Libye est un énorme magasin d’armes. Kadhafi a accumulé beaucoup d’armes dans le pays, et après sa chute, toutes ces armes sont en train d’être disséminées dans la région ; et en particulier, Boko-Haram s’approvisionne en armes à partir de la Libye. C’est pour cela que nous insistons sur la nécessité de stabiliser la Libye.



Concrètement, comment faites-vous pour endiguer le trafic d’armes au Niger ? Est-ce que vous avez avancé sur ce chapitre ?
On a très fortement avancé parce que le trafic d’armes à travers le Niger a très fortement diminué. Vous voyez d’ailleurs les mesures que nous avons eu à prendre nous ont permis de minimiser les efforts négatifs de la crise libyenne par rapport par exemple au Mali, parce qu’on a pris très tôt les mesures appropriées qui puissent permettre de sécuriser le pays.



Lorsque vous regardez l’actualité, vous voyez une forte mobilisation par rapport à l’enlèvement de ces jeunes filles lycéennes. Pourquoi est-ce qu’il aura fallu attendre cette mobilisation internationale pour que ce sommet s’organise, pour une sorte de prise de conscience, alors que quand on regarde, il y a plus d’un an, vous l’avez dit vous-même, la menace terroriste est terrible pour nous. Pourquoi cet événement est à ce point différent, et sonne peut-être un réveil de conscience international ?
Vous savez, beaucoup de choses se jouent sur l’émotion. Cet enlèvement de plus de deux-cents jeunes filles a créé une onde de choc dans le monde, et a ému l’ensemble de la communauté internationale. C’est ce qui incite ces mobilisations.



Est-ce que ces manifestations, ces mobilisations sont nécessaires ?
Ces manifestations sont nécessaires. Il faut mobiliser le monde entier, il faut mobiliser les Etats, il faut mobiliser les populations parce que d’abord, c’est ça l’objectif immédiat, retrouver et libérer les jeunes filles. Et puis organiser une riposte appropriée pour lutter contre Boko Haram.



Le problème avec ces mouvements de médiatisation, c’est que tous les spots sont fixés sur un événement comme au Mali ou en Libye, et après, quelquefois, le souffle retombe un peu vite…
C’est vrai. Mais justement, dans le cas d’espèce, il faut éviter que le souffle tombe un peu vite, il faut entretenir ce souffle, il faut poursuivre puisqu’une fois que les jeunes filles sont libérées, le combat n’est pas terminé ; il faut poursuivre le combat contre Boko-Haram, et c’est pourquoi nous avons décidé, de nous organiser au sommet. Et puis, au-delà de cela, il y a un autre aspect extrêmement important qu’on a évoqué : c’est la question de développement, c’est la question de la pauvreté qui est la principale alliée du terrorisme dans nos pays. Là, il se trouve au niveau du bassin du Lac Tchad, en tant que Président en exercice de la commission du Bassin du Lac Tchad, j’avais rappelé que nous avons un plan de développement de la région ; j’ai lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle puisse soutenir le financement de ce plan qui est extrêmement important pour la population de la sous-région.


Quand vous regardez Boko Haram, elle intervient justement sur les rives du Lac Tchad, à l’Est du Nigéria, au nord Est du Nigeria, au sud-est du Niger ; et puis à côté du Cameroun, c’est la même chose. C’est sur les rives du Lac Tchad, et même chose du côté du Tchad. Par conséquent, la meilleure façon d’endiguer le terrorisme à long terme, c’est de se préoccuper des questions de développement économique et social de cette zone.



Vous ne trouvez pas qu’en ce moment, le temps joue en faveur de la secte Boko-Haram puisque les questions de développement prennent des dizaines et des dizaines d’années ?
Nous sommes conscients de cela. Mais nous disons que l’objectif immédiat, c’est de libérer ces jeunes filles ; ensuite, il faut poursuivre les actions sécuritaires pour vaincre Boko-Haram ; mais parallèlement aussi, il faut entreprendre ces actions de développement, parce que je le répète, le principal allié du terrorisme, c’est la pauvreté.



Dans un pays comme le vôtre par exemple, est-ce que vous avez de la marge de manœuvre? Est-ce que vous avez encore de l’argent à consacrer à la défense, à la sécurité surtout de vos frontières, alors que la population reste très pauvre ?
Nous sommes obligés d’avoir deux fers au feu, c’est-à-dire à la fois nous occuper des questions sécuritaires et aussi nous occuper des questions de développement. Vous savez, il ne faut pas répéter l’erreur qui a été commise dans les années 1980 et 1990 ; pendant cette période-là, on a considéré qu’il ne servait à rien d’investir dans la sécurité. Or aujourd’hui, l’expérience est faite, investir dans la sécurité, c’est aussi investir dans le développement. Donc, il faut faire les deux choses en parallèle, il faut faire ces deux choses en même temps.



Vous avez évoqué tout à l’heure des incidents dans la région de Diffa, et les avez qualifiés d’incursion de Boko-Haram. Pouvez-vous affirmer que Boko Haram n’est pas implantée au Niger ?
J’affirme que Boko Haram n’est pas implantée au Niger. Ils viennent du Nigeria, parce que chaque fois qu’il y a des affrontements entre Boko Haram et l’armée nigériane, des éléments de Boko-Haram viennent se réfugier au Niger. Et au Niger également, nos Forces de Défense et de Sécurité les neutralisent.



L’opinion publique a peut-être du mal à comprendre qu’un pays aussi important que le Nigeria, avec quelque 150 millions d’habitants, une armée puissante, ne peut pas savoir où se trouvent ces jeunes filles. Alors que les occidentaux, s’ils sont détenus, on sait à peu près dans quel village ils se trouvent. Comment se fait-il que cet Etat soit aussi impuissant, ou peut-être que l’armée soit gagnée par cette secte Boko-Haram ? Toute cette inefficacité n’est-elle pas surprenante ?


Vous avez raison, c’est un grand pays, avec 170 millions d’habitants, mais comme je disais, un des problèmes auxquels nous faisons face, c’est comment créer les conditions d’adhésion des populations.



L’armée du Nigeria n’est-elle pas infiltrée par Boko-Haram ? Elle n’a pas de renseignements ?
Je n’ai pas d’éléments par rapport à cet aspect, mais ce qui est important, c’est le contrôle de la population. Boko-Haram cherche à intimider les populations pour en avoir le contrôle. Nous nous devons de mettre en œuvre des mesures qui puissent permettre que les populations adhérent aux combats que nous menons, et nous allons y arriver. Nous avons décidé d’ailleurs de mobiliser les leaders religieux modérés du nord Nigeria, et de l’ensemble de nos pays ; nous avons aussi décidé de mobiliser les chefs traditionnels de nos différents pays parce qu’il faut se rappeler qu’historiquement, en fait, dans nos régions, l’Islam a de tout temps été un Islam modéré; vers la fin du 18ème siècle et le début 19ème siècle, avec Ousmane Dan Fodio qui a pu mettre en place une espèce d’Islam notabilisé, l’Islam est attaché au pouvoir traditionnel ; l’Islam est attaché aussi au pouvoir moderne. Malheureusement, cette tradition a été perdue avec les nouvelles écoles islamiques modernes qui ont produit des nouvelles élites qui sont en rupture avec les pouvoirs traditionnels. Et c’est un peu cela qui a donné des terroristes comme Abubakar Shekau.



Pour vous, dans ce radicalisme religieux, il y a le MUJAO, l’Islam radical négro africain, il y a Boko-Haram. Est-ce que c’est une tendance en expansion, ou alors, est-ce que ce sont des choses qui existaient mais qui étaient moins visibles ? Est-ce une menace en croissance ?
Au Nigeria par exemple, depuis les années 1970, et c’est à cela que je fais allusion, il y a une rupture entre l’école moderne et l’enseignement islamique qui a été mis en place, qui a formé des nouvelles élites et qui a abouti également à la création des mouvances islamiques qui avaient chacune son interprétation de l’Islam. Actuellement, au Nigeria, il y a trois mouvances islamiques, les deux mouvances se sont notabilisées, et malheureusement Boko Haram a versé dans le radicalisme. C’est pour cela qu’il faut voir du côté de l’enseignement islamique qui est dispensé dans nos différents pays.



Boko Haram dispose de fonds manifestement très importants. Ils ont une très lourde puissance de frappe. Jusqu’où vous remontez la chaîne de financement de Boko Haram, savez-vous qui sont les responsables? A part les fruits des pillages, des braquages des banques, est-ce qu’il n’y a pas de financement en provenance de l’extérieur ?
C’est ça la source de financement, toutes ces actions que vous venez de signaler : les rackets, l’intimidation des hommes d’affaires du Nigéria auxquels Boko-Haram impose parfois de payer un impôt forcé ; et maintenant, il semble qu’il y a des ONG aussi qui interviennent dans nos pays et qui peuvent être aussi des sources de financement.



Il y a un problème de traçabilité de fonds de ces ONG ?
C’est vrai, il y a des problèmes de traçabilité de fonds. Ces ONG interviennent pour financer des actions apparemment pacifiques. Maintenant, il faut que les Etats soient davantage vigilants et qu’ils vérifient la destination finale des fonds qui sont mis à la disposition de ces ONG.


C’est une guerre de religion entre différentes tendances de l’Islam ?
Pour l’instant, l’objectif de Boko-Haram est de mettre un Etat islamique au Nord Nigéria. L’objectif est politique ; l’objectif de Boko-Haram, c’est de contrôler, de prendre le pouvoir politique au Nigeria. Ce n’est pas une guerre de religion, une tendance de l’Islam contre une autre, ou bien l’Islam contre une autre religion, l’Islam contre le Christianisme. Non ! Boko-Haram a des objectifs politiques.


On a le sentiment d’avoir un peu changé d’air ou d’époque avec ce qu’il est convenu d’appeler le printemps arabe. L’Occident a regardé, avec beaucoup d’espoir au début, un certain nombre d’hommes forts en des dictateurs qui étaient renversés par la rue. Et vous, vous dites attention, ce n’est pas de cette façon qu’on installe des régimes plus démocratiques. Vous maintenez cette inquiétude ?
Absolument ! Je maintiens cette inquiétude, surtout au regard des conséquences que le printemps arabe a eu sur notre région, sur le Sahel. La situation au Mali, quelque part, c’est une conséquence de ce qui s’est passé en Libye, c’est une conséquence du printemps arabe. On voit aussi comment le printemps arabe a évolué en Egypte, cela a abouti au coup d’Etat, cela a abouti à la remise en cause de la démocratie ; et on ne sait pas ce qui va se passer en Libye. La Libye n’est pas stabilisée. En Tunisie, pour l’instant, les choses semblent bien s’arranger. Globalement, si on doit faire le bilan de ce qui s’est passé dans le monde arabe, en tout cas en ce qui concerne notre région, le bilan est négatif.


Vous parlez d’un chaudron ou même plutôt d’un printemps arabe ?
Tout à fait ! J’ai dis, en lieu et place du printemps arabe, il faut plutôt parler de chaudron arabe.


Quel est l’Etat de vos relations avec la Libye ?
Nos relations sont excellentes avec les autorités libyennes. Nous nous efforçons d’entretenir des relations de bon voisinage avec tous les pays frontaliers du Niger, notamment avec la Libye, et notre objectif c’est d’apporter notre contribution à la stabilisation de la Libye, parce que tant que la Libye restera déstabilisée, nous courons des risques de déstabilisation dans le Sahel.



Mais quand des membres de votre gouvernement préconisent une intervention franco-américaine en Libye, vous ne craignez pas une détérioration de vos rapports ?
Nous ne préconisons pas une intervention étrangère en Libye, c’est aux libyens d’en décider. Mais nous sommes prêts à collaborer, à travailler avec les autorités libyennes pour les aider à stabiliser le pays, parce que tant que la Libye restera déstabilisée, nous courons des risques de déstabilisation dans le Sahel.


Monsieur le Président de la République du Niger, le terrorisme pousse sur le terreau de l’ultra pauvreté et de la misère. Votre pays est un des pays les plus pauvres au monde, mais quand on regarde la carte des potentialités, on remarque que votre sous-sol est très riche avec des potentialités énormes. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un meilleur rendement de ces potentialités pour la population elle-même ?
C’est vrai, vous avez raison de le dire, les sous-sols de nos pays sont très riches. Si je prends le cas du Niger, nous disposons de l’uranium, du pétrole, de l’or, du charbon. Et nous sommes en train de mettre en œuvre un programme qu’on appelle Programme de Renaissance et qui enregistre beaucoup de résultats et de réussite. Nous avons mis en place beaucoup de projets structurants : par exemple, le Barrage de Kandadji qui permettra au Niger d’avoir de l’énergie à faible coût ; il est en train d’être mis en place ; nous venons de lancer un autre projet structurant avec Bolloré, le projet de chemin de fer, la fameuse boucle ferroviaire depuis Cotonou jusqu’à Abidjan en passant par Niamey ; à la fin du mois de juin, je vais lancer un autre projet très important avec les Américains, il s’agit de l’exploitation d’une mine de Charbon qui permettra d’alimenter une centrale thermique de 600 MGW ; je suis en train de réussir l’Initiative ‘’3N’’, « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », parce que vous savez, nous sommes un pays du Sahel où une des préoccupations des populations, c’est la sécurité alimentaire ; nous sommes donc en train de réussir cette révolution verte que constitue l’Initiative ‘’3N’’, et désormais au Niger, sécheresse n’est plus synonyme de famine.



Comment cette croissance, ces investissements, peuvent-ils avoir des retombées positives pour la population, sachant que cette population double tous les 20 ans ? Cette croissance démographique n’est-elle pas une entrave au développement du pays ?
C’est vrai, la croissance démographique est un défi majeur pour nous au Niger. Nous avons récemment fait le recensement général de la population, et il se dégage de ce recensement que nous avons un taux de croissance de 3,9% par an, c’est vertigineux ! Et comme vous l’avez dit, le taux de fécondité est aussi élevé, plus de 7 enfants par femme. Nous sommes engagés à créer les conditions de la maîtrise de la démographie, parce qu’avec un tel taux de croissance, pour accroitre le PIB par habitant, il faut avoir un taux de croissance de huit, dix ou quinze pour cent, avec un taux de croissance de la population de 4%.


Mais, disons que la population a eu déjà les dividendes de ce qu’on promet. Il y a déjà plus d’éducation au Niger, il y a déjà plus de santé au Niger, les gens arrivent à manger à leur faim. On a fait reculer la famine. Le Niger a même été félicité par la F.A.O. en 2012-2013. Nous sommes en train de mettre en œuvre un programme qui a beaucoup de réussite, mais le défi démographique est un défi majeur pour nous. Comment créer la transition démographique au Niger, c’est à cela que nous nous sommes attelés : réduire la mortalité maternelle et infantile, mais aussi, en même temps, maîtriser l’accroissement des naissances.


Pour ce qui est de l’exploitation des richesses du sous-sol, de l’uranium notamment, un accord devrait être signé avec AREVA. Est-ce qu’on a avancé sur cette question ?
On a beaucoup avancé. AREVA est un partenaire stratégique pour le Niger, et ça fait 40 ans que nous sommes ensemble. Mais pour l’essentiel, nous avons trouvé des points d’accord sur les questions essentielles. Et très prochainement, à Niamey, nous allons signer un accord avec AREVA, un accord équilibré entre AREVA et le Niger.



Vous voudriez qu’AREVA contribue beaucoup plus au niveau de la redevance…
Je le dis bien, notre objectif, c’est de renforcer le partenariat avec AREVA. Mais il faut que ce partenariat soit équilibré.



Vous avez également promis que le gisement d’Imouraren sera en fonction avant la fin de votre mandat, et avec le retard important qui a été pris, ça risque de ne pas se faire…
Oui ! Tout simplement parce que la mise en exploitation d’un gisement dépend du marché, on ne va pas produire sans pouvoir vendre. Donc, nous sommes en train de discuter avec tous les partenaires qui sont intéressés par ce projet-là, et nous verrons quel est le meilleur moment pour le mettre en exploitation en fonction de l’évolution du marché.


Est-ce que vous avez le sentiment qu’on paye à juste prix votre uranium ?
Vous savez, l’uranium, dès le départ, n’est pas payé à son juste prix. Il y a une injustice à l’égard de l’uranium en tant que source d’énergie, parce que quand on compare l’uranium avec les autres sources d’énergie, par exemple le pétrole, l’eau, le charbon, etc., on se rend compte que l’uranium n’est pas payé en fonction de son pouvoir calorifique. Si on devrait considérer par exemple la source d’énergie la moins chère en France, ça peut être le charbon, l’eau et autres, comment payer l’uranium naturel pour que le kilowatt heure nucléaire soit égal au kilowatt heure de l’énergie concurrente la moins chère, et bien on aura un kilogramme d’uranium à 300. 000 FCFA, alors que l’uranium est payé à moins de 70. 000 FCFA aujourd’hui. C’est même le prix de l’uranium qui est un prix injuste à la base. Nous considérons que l’uranium est mal rémunéré.



Est-ce que vous comptez toujours sur un appui du gouvernement français dans les négociations avec AREVA ? On a vu l’ancien ministre Pascal Canfin prendre la défense du Niger devant l’Assemblée Nationale…
Je vous ai dit que les négociations sont quasi-terminées. Nous avons trouvé pratiquement un compromis sur l’essentiel. Oui, il y a juste quelques retouches à faire. Nous continuons à nous entendre sur les retouches qu’il y a à faire, parce que nous voulons faire un accord durable, un accord solide. Parce que le partenariat stratégique avec AREVA est important pour nous.



Ce que vous appelez accord équilibré comporte aussi des investissements dans le domaine social et dans celui des infrastructures…
Vous me permettrez de ne pas dévoiler le contenu de l’accord avant la signature, quand l’accord sera signé, vous en verrez le contenu.



Quel sera le délai ?
Ça va intervenir très rapidement!


Il y a des géants économiques très puissants en Afrique, notamment la Chine. C’est bien comme ça de ne pas être dans un tête-à-tête historique avec la seule France ?
Vous savez, on a jamais été en tête à tête historique avec la France en ce qui concerne l’Uranium. Mais les gens ont souvent le sentiment qu’AREVA, qui intervient au Niger, a le monopole de l’exploitation de l’uranium. AREVA n’a jamais eu le monopole de l’exploitation de l’Uranium ; la première société qui a été mise en place, la Société de Mines de l’Aïr, avait comme actionnaires non seulement les Français, les Nigériens, mais aussi les Allemands et les Italiens, et c’était déjà diversifié. Même chose pour la Compagnie Minière d’Akouta, la deuxième mine de production d’uranium qui a comme actionnaires les Japonais, les Espagnols et bien sûr les Français. Donc ça a toujours été diversifié, il n’y a pas eu de tête à tête entre le Niger et la France, en tout cas pas en ce qui concerne le domaine de l’exploitation de l’uranium.



Le fait que certains pays ralentissent leur programme nucléaire n’est pas de nature à vous inquiéter ?
Ça nous inquiète bien sûr ! Parce que ça a une incidence sur la demande de l’uranium, et par conséquent, sur le prix de l’uranium. C’est pour cela que j’ai dit, en ce qui concerne par exemple le gisement d’Imouraren, que nous allons réfléchir sur le meilleur moment de le mettre en exploitation, parce qu’il ne faut pas qu’une nouvelle production qui arrive sur le marché déprime davantage le marché de l’uranium.


Si vous n’obtenez pas un accord suffisamment bon et acceptable par les populations, est-ce que cela ne va pas vous fragiliser à l’intérieur ?
Non, l’accord sera bon, je ne me mets pas dans l’hypothèse qu’il ne sera pas bon. L’accord sera bon.

La question de la sécurisation des sites miniers suscite quelques susceptibilités en termes de souveraineté nationale quant à savoir qui doit assurer la sécurité, qui doit avoir les armes …


C’est une question qui est réglée. Nous, nous avons une doctrine très claire là-dessus: personne ne peut disposer des armes de guerre en dehors des Forces Armées Nigériennes

Onep


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