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Mme Gogé Maimouna Gazibo DG de l’Agence Nigérienne de Lutte contre la Traite des Personnes : "... les juridictions ne sont pas complaisantes face à ce genre de violation de la loi. (...) la Justice joue valablement son rôle de dissuasion, de répressi
Publié le vendredi 11 juillet 2014   |  Le Sahel


Mme
© Autre presse par DR
Mme Gogé Maimouna Gazibo DG de l`Agence Nigérienne de Lutte contre la Traite des Personnes


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Mme la Directrice générale, pouvez-nous présenter de façon succincte l’Agence Nationale de Lutte Contre la Traite des Personnes (ANLTP)?
Je remercie votre journal, pour l’opportunité qu’il offre à l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des personnes (ANLTP) de se faire connaitre de vos lecteurs et de leur décliner nos différentes missions. Mais avant, de vous présenter notre agence , permettez moi d’abord de définir ce qu’est l’infraction ’’traite des personnes’’ au regard de la loi en citant l’article 10 de l’ordonnance N°2010 -86 du 16 décembre 2010 relative à la lutte contre la traite des personnes, au terme duquel : ’’Constitue l’infraction de traite des personnes le fait de recruter, transporter, transférer, héberger ou accueillir des personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, l’exploitation de la mendicité d’autrui, l’exploitation du travail ou des services forcés. Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un mineur de moins de 18 ans aux fins d’exploitation sont considérés comme une traite des personnes, même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés au 1er alinéa’’ ».
Donc, la lutte contre la traite des personnes, de manière ramassée, c’est la lutte contre toutes les formes de violations ou d’exploitations des droits d’un individu par un autre. Et si vous lisez attentivement cette disposition, vous constaterez que la traite des personnes est une infraction ’’fourre-tout’’ qui permet d’appréhender toutes les catégories de délinquants ou d’individus hostiles au respect de la dignité humaine : trafic humain, proxénétisme, exploitation de la mendicité ou de la domesticité d’autrui, esclavage. Et fait intéressant, c’est que toute personne qui se rend complice du transport, de l’hébergement, de l’accueil ou du recrutement d’un mineur victime de traite est passible de la même peine de prison que l’auteur des faits de traite.

Pour revenir à votre question, l’ANLTP a été créée suivant le décret N°2012-083/PRN/MJ du 21 mars 2012 qui détermine son organisation, sa composition et ses modalités de fonctionnement. C’est une structure opérationnelle d’exécution et de mise en œuvre des stratégies et politiques nationales de lutte contre la traite des personnes au Niger, une entité administrative indépendante et autonome, rattachée au Ministère de la Justice. Elle travaille avec la Commission Nationale de coordination de Lutte contre la Traite des Personnes (CNLTP), qui représente l’organe de conception des politiques et stratégies adoptées en la matière. L’ensemble de nos missions s’inscrit autour de deux volets: la sensibilisation, l’information et la prise en charge de personnes victimes de traite ou de trafic ; ensuite l’appui et la formation des acteurs (magistrats, Forces de Défense et de Sécurité et société civile). Nous recensons et collectons également toutes les données et informations relatives à la traite des personnes.
Il y a eu récemment la célébration de la journée Ouest Africaine de lutte contre l’esclavage. Quelles ont été les diverses activités menées par votre institution à cette occasion ?
La célébration de cette journée, placée sous le haut parrainage du Président de la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), a été l’occasion pour l’ANLTP de se mobiliser aux côtés des organisations de la société civile comme l’association ’TIMIDRIA’, pour organiser diverses activités. L’Etat a pris des engagements pour faire du Niger un pays ne tolérant aucune forme de traite. A cet effet, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, porte-parole du Gouvernement a, dans son message relatif à cette journée, promis que toutes les victimes d’esclavage qui choisissent librement de porter plainte et qui n’ont pas les moyens financiers adéquats, pourront bénéficier gratuitement d’une assistance juridique du Ministère de la Justice, si leurs dossiers, après examen, s’avèrent conformes aux exigences légales. Ces paroles traduisent une volonté ferme et sans précédent dans la lutte contre ce genre de discrimination.
En terme d’activité réalisées lors de cette journée, on peut citer la conférence débat portant sur le thème ’’Persistance de l’esclavage en Afrique et au Sahel : quel impact sur la construction de la démocratie et de l’Etat de droit’’. Cette conférence a permis d’édifier l’assistance sur les défis à relever pour les acteurs étatiques et non étatiques. En outre, il a été procédé à la présentation du livre intitulé ’’L’esclavage au Niger (Aspects historiques et juridiques)’’ de Kadir Abdelkader Galy. Enfin, des sketchs dénonçant les pratiques esclavagistes et les stigmatisations ont été également présentés.
Au 21ème siècle encore, les pratiques esclavagistes sont malheureusement monnaie courantes dans nos sociétés. Quelles sont les actions que vous comptez initier pour soutenir les victimes, et comment doivent s’organiser ces couches défavorisées pour rendre efficaces ces soutiens ?
Les pratiques esclavagistes perdurent, c’est certain, les dernières assises de Konni où un homme de 63 ans a été condamné à 4 ans d’emprisonnement ferme outre une amende de 500.000 FCFA pour crime d’esclavage prouvent que l’esclavagisme est un fait bien réel et les citoyens sceptiques ou hostiles à cela doivent s’y faire. L’interprétation qu’on peut faire de ce verdict est que les juridictions ne sont pas complaisantes face à ce genre de violation de la loi. Donc, quelque part, la Justice joue valablement son rôle de dissuasion, de répression et de réparation morale de tout préjudice né de telles pratiques. C’est plutôt les victimes, par peur de représailles ou simple ignorance, qui choisissent de se taire. Dans nos activités de sensibilisation et de formation, nous attirons au quotidien l’attention des magistrats et des policiers sur la nécessité d’être à l’écoute de ces victimes, lorsqu’elles ont le courage de saisir les services compétents. Nous insistons également pour que les procédures soient accélérées sans être dénaturées.
En ce qui concerne les stratégies pour la conduite nos diverses activités, l’ANLTP a toujours opté pour une approche communautaire, dans sa recherche de solutions. Il est absurde de penser pouvoir faire le bonheur des hommes contre leur volonté et sans leur adhésion. C’est la raison pour laquelle, pour toutes les activités que nous conduisons, nous approchons d’abord les bénéficiaires pour recueillir leurs suggestions et propositions avant de nous attaquer à la problématique. Relativement au volet ’’prise en charge’’ des victimes d’esclavage, l’Agence est à pied d’œuvre dans la préparation d’un décret portant indemnisation des victimes de traite et d’esclavage appelé Fonds d’aide qui sera nourri par l’Etat et ses partenaires.
Mais en attendant que ce fonds soit disponible, l’Agence a déjà entrepris beaucoup d’activités de sensibilisation et de communication à travers les medias ; des rencontres d’échanges avec les leaders d’opinion, la chefferie traditionnelle, et les communautés elles-mêmes afin qu’elles s’approprient la lutte et qu’elles initient elles-mêmes des activités que l’Agence sera amenée à prendre matériellement en charge.
L’Agence a également formé 48 magistrats et 71 agents des Forces de Défense et de Sécurité du ressort des dix Tribunaux de Grande Instance que compte le Niger sur le phénomène de traite et d’esclavage et la nécessité de poursuivre et de réprimer, avec la plus grande sévérité, ces formes d’exploitation. Nous avons dix tribunaux de Grande Instance, donc, tout calcul fait, au moins trois magistrats ont bénéficié d’une formation par juridiction. Nous avons enfin organisé des tournées à l’intérieur du pays pour inciter les victimes silencieuses de traite, de trafic et d’esclavage à saisir les juridictions compétentes pour leur plainte.
Nonobstant ces initiatives, nous échangeons régulièrement avec toutes les autres structures en charge de ces questions pour une meilleure mutualisation des efforts.
Dans certaines régions du pays, existent certaines pratiques esclavagistes, notamment le phénomène de 5ème épouse pourtant condamné par l’Islam, le travail des enfants dans les mines et les sites d’orpaillage, la traite des personnes, et le trafic des bébés qui défraie actuellement la chronique au Niger. Existe-t-il une loi pour chacun de ces cas spécifiques? Si oui, est-ce que la loi est appliquée dans toute sa rigueur ?
Bien sûr qu’il existe un arsenal juridique pour réprimer toutes ces formes d’atteintes à la loi. Et d’ailleurs, au terme de l’article 10 aliéna 4 de l’ordonnance portant traite des personnes, ’’Quiconque commet intentionnellement l’infraction de traite des personnes est puni d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs’’. C’est pour dire que la traite des personnes est l’une des infractions pénales les plus sévèrement réprimées au Niger. Et certains des actes que vous venez de citer sont considérés comme étant des faits de traite, et à ce titre, peuvent conduire leur auteur, co-auteur ou complice à un emprisonnement allant jusqu’à dix années fermes de détention. Mais la traite des personnes est une infraction différente du trafic illicite de migrants.
Or depuis quelques temps, on assiste à beaucoup de faits qui défraient la chronique avec des pertes en vie humaine, notamment vers le Nord du pays. Le plus souvent, ces faits relèvent plus du trafic que de la traite, et les juridictions peinent à trouver une qualification appropriée eu égard à la gravité des faits, le Niger n’ayant adopté le projet de loi sur le trafic illicite de migrants que tout récemment. Et le rôle de la justice n’est pas d’inventer des infractions et des qualifications pour réprimer les individus et ce, peu importe la gravité des faits dans le seul but de faire plaisir aux citoyens. Le rôle du juge consiste simplement à appliquer les lois existantes. Raison pour laquelle le Ministère de la Justice a comblé ce vide en élaborant le projet de loi précité.

Par contre, en ce qui concerne la traite de personnes elle-même, en application de l’article 24 de la même ordonnance: ’’Quiconque aura intentionnellement recours à la force physique, à des menaces ou à l’intimidation ou promet d’offrir ou d’accorder un avantage indu pour obtenir un faux témoignage ou la présentation d’éléments de preuve dans une procédure en rapport avec la commission d’infractions visées par la présente ordonnance, est puni d’une peine d’emprisonnement de quatre (4) à moins de dix (10) ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs’’. Ce qui signifie que toute personne qui tenterait d’exercer un quelconque interventionnisme ou trafic d’influence sur le juge en produisant un faux témoignage ou en tentant de soustraire une personne mise en cause dans une procédure judicaire sera passible d’une lourde peine d’emprisonnement. L’article 24 vise à dissuader donc toute personne qui tenterait de s’interposer entre la justice et les auteurs de traite afin de soustraire des personnes poursuivies pour traite de personnes.

Lorsque vous me demandez si la loi est appliquée dans toute sa rigueur, je serai tentée de vous retourner simplement la question, afin que vous me citiez un seul cas de traite connu des juridictions, mais non poursuivi. Vous n’êtes pas un quotidien à sensation, je le sais car je vous lis. Alors, vous savez pertinemment que jamais la justice n’a été complaisante face à ce genre d’atteinte grave à l’ordre public, à la moralité et à la dignité humaine. Comme je l’ai souligné plus haut, on est simplement confronté à un problème de dénonciation. Pourtant, la société doit apporter son concours à la justice en dénonçant les faits connus et avérés, car il ne s’agit pas non plus de porter plainte contre son voisin par pure délation, pour lui nuire. Il faut admettre aussi que si aujourd’hui, l’actualité est presque focalisée sur les questions de traite et de trafic, c’est simplement parce que l’ensemble des structures en charge (Justice, Force de Défense et de Sécurité), sont efficaces dans la conduite des investigations. Sinon, ce genre de faits n’est pas nouveau. Mais l’importance du nombre de délinquants en prison fait penser aux citoyens qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle forme de délits. Non, c’est juste que la Police et la Justice font bien leur travail.

Maintenant, pour revenir au trafic des bébés, je vous renvoie au point de presse du procureur de la République qui est la personne la mieux habilitée à donner des explications sur des faits dont les investigations ont été conduites sous ses instructions. La sortie du procureur a pour seul but de calmer les esprits des citoyens avides d’information en mettant fin à la désinformation et aux manipulations dont sont victimes les moins avisés. Et légalement, après le ministre de la Justice ou le procureur général de la République, dans ce genre de fait, c’est au procureur que revient la lourde tâche de se prononcer publiquement sur une procédure en cours devant ses autres collègues, et ce, contrairement à la presse à scandale ou partisane, non pas pour violer le secret professionnel, mais pour édifier l’opinion publique sur les faits et la pertinence de la poursuite dans le seul but d’apaiser les esprits.

Nous à l’Agence, si dans nos missions, nous sommes habilités par la loi à conduire ou à faire des investigations, nous ne sommes pas un cabinet d’instruction ou une juridiction. L’Agence assiste les juridictions sans se substituer aux juges. C’est la raison pour laquelle précisais, au niveau ses missions, que l’Agence appuie effectivement les juridictions tant dans les investigations, la recherche de la vérité, que la formation ; mais l’ANLTP est tenue à une obligation de réserve sur tous les dossiers dont elle a connaissance ou qu’elle suit. En d’autres termes, elle peut instruire les Forces de Défenses et de Sécurité pour mener des investigations partout où besoin se fera sentir, mais elle ne peut se substituer au procureur, même si l’affaire porte uniquement sur des faits de traite de personne.

En tant que femme, mère et épouse, quel appel avez-vous à lancer à certaines personnes qui continuent à maltraiter des enfants ?
J’aimerai m’exprimer sur la responsabilité parentale et la démission progressive des mères et pères dans l’éducation et la prise en charge des enfants dans les villages. L’Agence, au cours des rencontres d’échange, a constaté que l’exode rural, est en train de changer dans sa forme au Niger et cela concerne beaucoup de localités du Niger, du Nord à l’ouest. En effet, l’exode des femmes de Kantché vers l’Algérie avec son corollaire de malheurs, ne doit pas nous faire oublier la situation des femmes rurales de toutes les autres régions du Niger. Si vous constatez, depuis quelques années, à Niamey, ce sont des vagues de jeunes femmes qui s’installent dans la ville à la quête d’un travail. Que font-elles en réalité ? Elles embarquent tous leurs enfants avec elles, les privant par la même occasion de la chance d’aller à l’école. Ces enfants, pour les filles les plus jeunes, sont ensuite proposées à des jeunes femmes mariées pour faire les travaux domestiques, pendant que la mère elle-même travaille dans un autre ménage. Les petites filles qui n’ont pas l’âge de faire la vaisselle sont abandonnées à elles-mêmes. Elles passent la journée dans la rue, arpentant les goudrons et apprenant tout par la même occasion : vol, mensonge etc.

Dans la rue, elles sont souvent victimes de sévices de toutes sortes. La pauvreté à elle seule ne peut justifier cette démission parentale. C’est une compromission grave de l’avenir de ces jeunes filles. Certaines adoptent, en peu de temps, des comportements d’effronterie dont elles seules ont le secret. Cela n’honore pas notre société, car ces filles, à la base innocente, deviennent parfois des dévergondées. Notre silence et notre regard complaisants encouragent ces situations. Alors, aux femmes qui me lisent, je dis simplement : réfléchissez avant d’engager une domestique mineure de moins de douze ans, sa place est à l’école, et non dans un foyer à faire le ménage et à subir des sévices pendant que nos filles vont à l’école.

Aïssa Abdoulaye Alfary

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