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Faut-il encore s’occuper de Bamako ou se préoccuper un peu plus de Niamey ?
Publié le samedi 15 juin 2013   |  La Dépêche Diplomatique


Crise
© AFP par DR
Crise Malienne : Ouverture des négociations entre Bamako et groupes touareg
Samedi 08 juin 2013. Ouagadougou. Les négociations entre le pouvoir malien et les rebelles touareg qui occupent Kidal, dans le nord-est du pays, se sont ouvertes sous l’égide de la médiation burkinabè


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Le papier d’Antoine Battiono dans le quotidien privé burkinabè Le Pays (jeudi 13 juin 2013) est l’expression de « l’agacement » que provoque le comportement désinvolte de Bamako à l’égard de la médiation de Ouaga. Bamako a donc « choisi de se faire désirer », « traîne les pieds » (répété deux fois), « entretient le flou » (également répété deux fois), « fait tourner tout le monde en rond ».

Voilà dix-sept mois que le MNLA a déclaré « la guerre » au régime en place à Bamako, quinze mois qu’Amadou Toumani Touré est tombé, six mois que s’est tenue à Ouagadougou la première conférence intermalienne, cinq mois que la France s’est engagée militairement sur le terrain, deux mois qu’a été adoptée la résolution 2100 créant la Minusma, un mois qu’à Bruxelles les bailleurs de fonds internationaux se sont engagés sur une contribution de 3,25 milliards d’euros pour reconstruire le Mali, trois jours que l’on attend les amendements à l’accord préliminaire promis par Bamako à l’issue de la deuxième conférence intermalienne (cf. LDD Burkina Faso 0365/Mercredi 12 juin 2013).

Et pendant ce temps où Bamako peaufine ses petits arrangements entre « amis », l’insécurité demeure une préoccupation majeure dans la région. Particulièrement à Ouagadougou et Niamey, deux capitales qui se sont engagées militairement sur le terrain (et, plus encore, en accueillant sur leur sol des « logistiques » militaires étrangères). Deux capitales qui sont plus proches des poches « terroristes » du Nord-Mali, du Sud-algérien et du Sud-libyen que ne l’est Bamako. La meilleure preuve en est que dans la capitale nigérienne un camp de gendarmerie a été attaqué par un commando dans la soirée du mardi 11 juin 2013. L’attaque, qui a finalement échoué, aurait duré une heure. Il y a trois semaines, les cibles étaient Arlit et Agadez, dans le Nord du Niger (cf. LDD Niger 067/Vendredi 24 mai 2013) ; et l’affaire avait fait du bruit. C’est au Sud, et dans la capitale, que désormais les « terroristes » se sont infiltrés alors qu’il y a quelques jours seulement des « terroristes » s’étaient évadés de la prison de Niamey.

« Il ne sert à rien de le nier, les groupes terroristes ont réussi à infiltrer les sociétés africaines depuis belle lurette, à travers des groupes dits religieux, culturels, ethniques ou à vocation économique. A cela, il faut ajouter le fait que, dans la plupart de nos sociétés, les processus de contrôle humain sont extrêmement faibles. On appelle tout cela ‘le vide stratégique’ ». C’est Le Pays qui l’écrit, ce matin (jeudi 13 juin 2013), dans son édito. Et il n’est pas le seul à se préoccuper de ce « vide stratégique » du Niger. L’Observateur Paalga évoque « la peur et la psychose dans une capitale nigérienne déjà sous haute sécurité » et dénonce « la pieuvre islamiste », « les fous d’Allah », « la nébuleuse terroriste ».

Et pendant ce temps, à Koulouba, on palabre sur l’urgence qu’il y a à décider de ne rien décider laissant volontairement pourrir une situation politique qui pourrait rapidement tourner au désastre géopolitique. Le Pays comme L’Obs ne s’y trompent pas : « Les terroristes veulent, et renverser l’Etat, et renverser la société ». Si donc les démocraties baissent les bras, les terroristes gagneront ; ils gagneront aussi si chacun, dans cette affaire, joue solo. « Le Niger vit donc en pleine tourmente terroriste, et il faut l’aider à arrêter une telle descente aux enfers » écrit Le Pays dans son édito. « Plus que jamais, les pays se doivent de se donner la main dans la lutte antiterroriste », ajoute L’Obs.

A Ouaga, la presse milite en faveur d’une unité d’action des pays de la région. Et Le Pays comme L’Obs s’étaient élevés avec véhémence contre les propos du chef de l’Etat nigérien lors des « bisbilles Niamey-Tripoli ». Au lendemain des attentats d’Arlit et d’Agadez, le président Mahamadou Issoufou avait dénoncé la Libye comme « la source de déstabilisation des pays du Sahel ». Les éditorialistes burkinabè l’avaient appelé à ne pas confondre le tout et la partie. « Que les assaillants soient venus du sud libyen ne fait pas des Libyens les premiers responsables de la double attaque » écrivait L’Observateur Paalga (31 mai 2013). Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana ajoutait : « Pour dire vrai, Niamey serait bien inspiré, une fois son ire passée, d’adopter une posture plus conciliante avec le voisin libyen. En clair, il devrait avoir la sagesse de coaliser ses efforts avec ce pays pour combattre ces phalangistes. Car c’est seulement dans la mutualisation des moyens que les Etats sahéliens pourront, sinon enrayer, du moins réduire la capacité de nuisance des fous d’Allah ». Abdoulaye Barro disait la même chose quelques jours auparavant dans Le Pays (29 mai 2013) : « Issoufou ferait mieux de rechercher, avec ses voisins immédiats, puisqu’il ne peut défendre seul ses frontières, une coopération intelligente dans la lutte contre les groupes et mouvements djihadistes ».

Il y a une psychose au sujet des « djihadistes » à laquelle participent les Etats-Unis et la France. D’autant plus forte que, dans cette affaire, on ne sait plus quels sont nos amis et quels sont ennemis. C’était probant, ces derniers mois, pour ce qui est du Qatar présenté comme un instigateur des « printemps arabes » et, dans le même temps, comme le manipulateur des mouvements et groupuscules « islamistes », y compris les plus radicaux. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Lors des « révolutions de velours » dans les ex-Républiques de l’URSS, que l’on nous avait présentées comme des mouvements spontanés, les instrumentalisations et autres manipulations avaient été rapidement mises au jour. J

’avoue être circonspect quand les Etats encensent les « révolutions »… chez les autres ; plus encore quand ces « révolutions » se déroulent dans des pays avec lesquels tout le monde avait les meilleures relations et qui n’étaient pas exclus de la « communauté internationale », bien au contraire (Tunisie, Libye, Egypte, Syrie…). C’est sans doute que ces « révolutions » sont, d’abord, des manipulations. C’est pourquoi, aussi, elles sont présentées comme l’expression de la « société civile », cette nébuleuse dont personne ne connaît les contours mais dont on dit qu’elle se situe « en dehors de toute intrusion, immixtion ou ingérence de l’Etat et des pouvoirs publics ». Autrement dit entre les mains des lobbies et autres groupes de pression, y compris religieux.

Et voilà qu’aujourd’hui on évoque à nouveau la présence du Hezbollah en Afrique noire. Je dis à nouveau car, au plus fort de la « crise ivoiro-ivoirienne », cette redoutable organisation terroriste née au Liban était active déjà aux côtés des gbagboïstes et des « porteurs de valises » des réseaux parallèles de l’ultra-droite de la France sarkozyste. Je l’avais écrit ; ce qui m’avait valu de me retrouver mis en examen par les juges français pour diffamation (ceux qui, dans cette affaire, se jugeaient diffamés ont été finalement déboutés par la Cour de justice de Paris).

La psychose va être renforcée par l’annonce (en catimini), par les responsables militaires français, que Paris ne procédera pas au retrait de ses troupes déployées dans le Nord-Mali. Non pas que la situation s’aggrave dans la zone (enfin, pas pour l’instant). Mais l’Elysée et l’hôtel de Brienne prennent très au sérieux les informations concernant le regroupement des groupuscules terroristes expulsés du Nord-Mali dans le Sud libyen. A partir de cette zone, des actions seraient menées contre les pays qui, aujourd’hui, entendent lutter contre le « terrorisme », à commencer par le Niger (pris en tenaille entre la Libye et le Nigéria, deux pays où le « terrorisme » est structuré). On comprend dès lors que les journalistes burkinabè, pays frontalier du Mali et du Niger et médiateur dans la « crise malo-malienne », se fassent du souci.

Dans ce contexte, et si la situation est aussi dramatique qu’on le laisse entendre, la question posée est de savoir s’il ne conviendrait pas de tirer un trait sur le régime en place à Bamako, de traiter directement avec les Touareg du Nord-Mali et, dans la foulée, d’aller voir d’un peu plus près ce qui se passe au Niger avant qu’il ne soit, une fois encore, trop tard.

Jean-Pierre BEJOT

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