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Pourquoi le Niger ne devait pas extrader Saadi Kadhafi
Publié le samedi 23 aout 2014   |  actu niger


Saadi
© Autre presse par DR
Saadi Kadhafi, fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi


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C’est à une volte-face pour le moins curieuse que l’on a récemment assisté, dans le chef des autorités nigériennes, au sujet de l’affaire Al-Saadi Kadhafi, troisième fils du défunt président libyen. Après avoir refusé, trois années durant, de l’extrader vers Tripoli, invoquant des raisons humanitaires et le risque qu’il soit soumis à la peine de mort, Niamey l’a finalement livré, le 6 mars dernier, aux nouvelles autorités libyennes, ou du moins à celles qui en tiennent lieu. Motif invoqué, l’implication répétée et avérée de ce dernier dans la déstabilisation de la Libye, et ce en violation des recommandations de l’Etat nigérien.

Une explication qui est toutefois loin d’avoir convaincu grand monde, au regard de l’indignation suscitée par cette extradition tant au Niger qu’au-delà. Tel est notamment le cas du Collectif des organisations de défense des droits de l’Homme et de la démocratie (CODDHD), qui regroupe une quarantaine d’ONG nigériennes, où l’on ne manque pas de mots pour condamner cette décision tant du point juridique que moral et politique.

Au plan politique, l’on souligne notamment la faiblesse du pouvoir de Niamey, accusé d’avoir cédé aux menaces de déstabilisation libyennes et aux pressions internationales.

Au plan moral, il est reproché aux autorités nigériennes, et notamment à son président, Mahamadou Issoufou, d’avoir manqué au devoir d’hospitalité, et de trahir Mouammar Kadhafi dont la bienveillance lui aurait permis d’accéder au pouvoir.

C’est sur le plan juridique que la critique se veut cependant décisive, et qu’il importe de s’arrêter. En effet, il est aujourd’hui évident que ce qui reste de la guerre de prédation dont a été victime la Libye en 2011, c’est, à dessein, un Etat minimal voire un non Etat, en voie de somalisation. Pas étonnant dans ce contexte qu’à ce jour, aucun procès, aucune audience publique n’ait eu lieu dans ce pays concernant les dignitaires de l’ancien régime, lesquels n’ont en outre pas accès à leurs avocats internationaux. C’est donc la question essentielle de l’existence d’un Etat, et plus profondément d’un Etat de droit qui est aujourd’hui posée en Libye. Aussi est-ce à juste titre qu’à plusieurs reprises, les autorités de Niamey ont refusé de livrer Saadi Kadhafi à Tripoli, avec à chaque fois la même motivation : « Notre position est simple, nous ne pouvons pas livrer quelqu’un là où il risque de connaître la mort et là où il n’est pas susceptible d’avoir un procès digne ». Ou encore « Notre position reste la même : nous remettrons Saadi Kadhafi à un gouvernement qui a une justice indépendante et impartiale, c’est clair. » (Marou Amadou, porte-parole du gouvernement nigérien).

Que s’est-il donc passé entre-temps ? Quelles évolutions positives a-t-on observé à Tripoli, de nature à entraîner une volte-face aussi soudaine à Niamey ? L’implication de Saadi Kadhafi dans la déstabilisation de la Libye, quand bien même elle serait avérée, constituerait-elle un motif suffisant pour le livrer à un pays où, de l’aveu même des autorités nigériennes, il risque de graves atteintes à son intégrité physique ? Les preuves invoquées par le Niger, ainsi que les menaces sur sa sécurité suffisent-elles à l’exonérer de sa responsabilité internationale en matière de protection des droits humains ?

Le Niger, faut-il le rappeler, est partie, pour ne citer qu’elle, à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont les articles 3, 11 et 16 combinés interdisent, sans aucune exception, l’extradition d’un individu vers un pays où il risque d’être soumis à de tels actes. Il en résulte donc qu’en aucune circonstance, le Niger ne se trouverait fondé, du point de vue juridique, à extrader Saadi Kadhafi vers la Libye, au regard de sa situation juridique et politique actuelle. Niamey, qui prétend avoir cherché en vain d’autres destinations pour ce dernier, aurait pu, in fine, explorer les voies d’un procès contre Saadi Kadhafi au Niger, en se dotant au besoin d’une loi de compétence universelle, comme l’ont fait d’autres pays. La question demeure donc entière de savoir pourquoi Niamey a opté pour un ponce-pilatisme aussi peu glorieux…

C’est pourquoi, on a beau retourner dans tous les sens le plaidoyer nigérien dans cette affaire, une évidence semble s’imposer, l’extradition de Saadi Kadhafi vers la Libye actuelle constitue une entorse criminelle au droit international des droits de l’Homme, un voyage sans retour vers… l’échafaud.

Serge Mathias Tomondji

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