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Hama Amadou : «Il ne s’agit pas de fuite, mais plutôt d’un repli stratégique »
Publié le dimanche 12 octobre 2014   |  actu niger


Hama
© Autre presse par DR
Hama Amadou, le président du Moden Fa Lumana.


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Mis en cause, avec d’autres personnalités nigériennes, dans une affaire de trafic international de bébés, Hama Amadou, le président de l’assemblée nationale et bête noire du régime s’est réfugié en France. Il y prépare sa défense et souhaite que les autorités nigériennes transmettent le dossier à la chambre d’instruction de Paris. Entretien.

Le 26 août dernier, le gouvernement nigérien a saisi le bureau de l’Assemblée nationale pour autoriser la justice à vous arrêter, ce qui a provoqué votre fuite vers la France. Vous contester cette procédure. Pourquoi ?

Hama Amadou. La constitution dispose qu’un député ne peut être arrêté qu’après la levée de son immunité parlementaire. Mais hors session, le bureau de l’assemblée peut autoriser une telle arrestation. Les autorités ont donc isolé cette disposition au lieu d’en faire une lecture combinée avec les autres pour demander mon arrestation, hors session. C’était la solution idéale pour eux, car selon le règlement de l’Assemblée, pour lever l’immunité il faut obtenir les deux tiers des votes, ce qui leur est impossible. Hors session, il faut seulement obtenir la majorité simple des membres du bureau. Le procureur de la république a dressé sa requête à leur demande dans ces conditions le 16 juillet. Je précise qu’il a agit sans mandat du juge qui ne m’a ni convoqué, ni délivré de mandat d’arrêt à ce moment là.

Comment se sont précipités les évènements avant votre fuite ?

H. A. Lundi 25 août, Issoufou a convoqué les ministres du gouvernement dans son village à 600km de Niamey. Il a donné l’instruction de me faire arrêter avant le jeudi 28. Le lendemain, le premier ministre a convoqué un conseil des ministres extraordinaire. Et à la suite de cette réunion, le gouvernement a demandé à ce que je sois « mis à la disposition de la justice ». Dans la requête du procureur, on demande carrément mon « arrestation ». J’ai donc demandé qu’on convoque une session extraordinaire à l’Assemblée pour que la base juridique sur laquelle on compte m’arrêter soit examinée. Et j’ai saisi la cour constitutionnelle. Le premier ministre a demandé à ce qu’on fasse suite à ma requête concernant la session extraordinaire. Or, au lieu de m’adresser la correspondance à moi, le président de l’Assemblée nationale, il l’a adressée au premier vice président de l’Assemblée qui est de leur bord. Et une réunion du bureau de l’assemblée est organisée pour m’arrêter. Or, selon le règlement, c’est le président de l’Assemblée, c’est-à-dire moi, qui est en mesure convoquer une telle réunion. Bref, quand j’ai vu que l’indépendance des pouvoirs n’était plus respectée et que l’objectif était de m’arrêter avant jeudi comme ordonné par Issoufou j’ai décidé de partir.

Vous dites vous être également senti menacé de mort ?

H. A. Des informations me sont parvenues disant qu’on comptait se débarrasser de moi définitivement. Et une autre source m’a informé qu’on projetait de m’empoisonner, une fois enfermé dans une prison éloignée. Ce sont les informations que j’ai eues. Mais que ce soit vrai ou pas, ma sécurité n’est plus assurée au Niger. Les sociétés de sécurité privées ont même été menacées par le ministre de l’intérieur qui leur a donné l’ordre de me refuser leurs services ! Par ailleurs, plusieurs de mes proches ont été arrêtés. Tout cela juste parce qu’Issoufou ne veut pas se confronter à moi aux élections présidentielles de 2016.

Quelles ont été les conclusions de la Cour Constitutionnelle ?

H. A. Elle a répondu que conformément à ce que prévoit la Constitution, il est possible de demander l’arrestation d’un député. C’est inédit. Des constitutionnalistes nigériens sont sortis sur les antennes pour dire qu’on ne peut arrêter un député avant que la procédure de poursuite ne soit engagée. Or, pour cela, il faut d’abord lever l’immunité parlementaire. Cette interprétation validée par la Cour signifie, en gros, que tout député de l’opposition est susceptible d’être arrêté dès qu’on est hors session parlementaire.

Vous êtes accusé d’être impliqué dans une affaire de trafic de bébés achetés au Nigéria. Votre femme est actuellement détenue pour « supposition d’enfant »*, et vous êtes soupçonné de complicité. Avez-vous acheté des enfants au Nigéria ?

H.A. Non, tout cela est une histoire inventée. La grossesse de ma femme a duré neuf mois, tout à fait normalement. Au neuvième mois j’étais en voyage au Maroc quand elle s’est rendue au Nigéria pour accoucher accompagnée d’une gynécologue. On dit que je suis complice de ma femme pour « supposition d’enfants », c’est-à-dire simulation d’accouchement. Or je n’y étais pas, je ne suis pas gynécologue et j’ai vu la grossesse de ma femme.

Mais on vous soupçonne d’avoir été au courant et de couvrir votre femme.

H.A. Non, l’accusation ne porte pas sur une dissimulation de ma part mais sur la « supposition d’enfant ». Qu’est-ce qui leur prouve que ma femme a simulé un accouchement et que moi je l’ai su et caché ? Rien. Ma femme a fait un test de grossesse à Niamey dans une clinique qui a fourni les éléments pour prouver qu’elle était bien enceinte. Après l’accouchement, de retour au Niger, on a fait le baptême auquel Issoufou lui-même a assisté. Et deux ans plus tard il monte ce dossier !

Vous saviez pourtant que votre femme allait régulièrement voir ce médecin nigérian.

Ma femme avait un problème. Elle a avorté systématiquement pendant des années. Et pendant qu’on était ensemble, la seconde épouse d’Issoufou qu’elle fréquentait à l’époque lui a conseillé d’aller voir ce médecin au Nigéria qui pouvait l’aider à régler le problème. Il lui a fait des prescriptions et quelques temps après elle est tombé enceinte avec tous les signes visibles de la grossesse. Elle retournait à chaque fois voir ce médecin et elle en informait tout le monde, y compris la femme d’Issoufou. Ma femme connaît bien la famille d’Issoufou car elle est la fille de la chefferie peule de Tahoua, le fief du président. Et Issoufou lui envoyait de l’argent pour voyager au Nigéria.

Pourquoi ne pas vouloir faire un test ADN ?

H.A. Quand ma femme a été emmenée devant le juge d’instruction, son avocat a rapporté qu’elle s’est dite prête à faire le test ADN. Mais le juge a demandé à la mettre en détention d’abord. Et le jour de l’interrogatoire, l’avocat est venu me prévenir qu’on lui a finalement demandé de ne pas faire des tests ADN. Car tout ce dossier est un montage. Le dossier contre moi est vide. Or, s’ils demandent de faire un test ADN je n’ai aucune garantie qu’on ne falsifiera pas les résultats. Et dans ce cas là comment me défendrai-je ? J’ai eu froid dans le dos quand ils m’ont dit cela.

La justice nigériane a-t-elle finalement lancé une procédure ?

H. A. Non, voilà encore une faille juridique. L’affaire du trafic de bébé supposé est d’abord parue dans la presse nigérienne téléguidée par le pouvoir. Et c’est seulement sur la base de ces écrits que le procureur de la république a demandé à ce qu’on se saisisse du dossier. Du côté de la justice nigériane, rien n’a été lancé. Or il s’agit en l’espèce d’une infraction commise dans un pays étranger. Donc, en principe le juge nigérien n’est pas compétent pour traiter l’affaire. Il eut fallu que la justice nigériane se saisisse du dossier et qu’elle découvre que des nigériens sont impliqués. Là, on met des femmes en détention sans qu’aucun élément ne vienne justifier le trafic de bébé.

Donc pour vous, il n’y a pas de trafic de bébés au Niger ?

H. A. Ce phénomène existe sans doute au Nigéria mais encore une fois la justice nigériane n’a pas envoyé de commission rogatoire au Niger. Et même si cela existait, en quoi suis-je impliqué ? Le vrai problème d’Issoufou c’est qu’il a échoué dans son mandat. Il utilise cette affaire comme une diversion tactique pour qu’on oublie sa gestion catastrophique de l’Etat. Il a cédé face à Areva lors des dernières négociations. C’est un régime autoritaire où les opposants n’ont pas le droit à la parole. Il pratique aussi l’achat de conscience. Une quinzaine de députés de l’opposition ont été achetés par son parti le PNDS et plusieurs se sont vus offrir des marchés publics. Le fils même du président de la Cour Constitutionnelle a reçu le marché des transports de pèlerins à la Mecque.

Pourtant, parmi les dix-sept personnes qui ont été inculpées fin juin dans l’affaire, une autre personnalité politique, Abdou Labo, le ministre de l’agriculture.

H. A. C’est justement la caution qui leur manquait pour justifier mon arrestation ! Je connais bien Abdou Labo. Nous avons gouverné ensemble de 1999 à 2004. Il s’est rallié à Mahamadou Issoufou avant son élection, et c’est chez lui qu’Issoufou et moi avons scellé notre alliance en jurant sur le Coran ! Mais Issoufou lui a menti. Car lorsque l’affaire des bébés est venue aux oreilles d’Abdou Labo, ils ont discuté avec Issoufou au téléphone et ce dernier lui a promis de régler cette histoire. Or, le lendemain à 8h, les gendarmes sont venus le chercher. Tout cela pour préparer en amont mon arrestation.

Pourquoi avoir fui vers le Burkina Faso ?

H. A. On parle toujours de « fuite » mais c’est plutôt un repli stratégique. Le Burkina est la frontière la plus proche et il fallait faire vite. Je ne voulais pas me retrouver en prison. Et ma présence hors du pays les inquiète. Deux jours après mon départ, leur groupe parlementaire s’est précipité sur les antennes de radio pour dire que j’avais fui, abandonné ma femme, et que je prépare un coup d’Etat sanglant contre Issoufou depuis la France. Ils sont paranoïaques.

En 2008 vous aviez déjà été arrêté et emprisonné sous la présidence de Tandja pour détournement de fonds publics.

H.A. Oui j’étais enfermé à Koutoukalé, une prison de haute sécurité. Et je n'ai aucune envie d'y retourner. J’avais été écarté du pouvoir où j’étais premier ministre. Là également, il a fallu faire un montage grossier malgré les preuves que l’argent avait été utilisé pour des fins d’intérêt étatique. Finalement, pour tous les régimes, je suis l’homme à abattre.

Finalement pourquoi avoir choisi la France pour vous réfugier ?

H. A. Je sais qu’en France la justice n’est pas manipulée par un pouvoir politique. A partir du moment où on m’accuse d’être mêlé à un trafic d’enfant, il va falloir établir un mandat d’arrêt international et une demande d’extradition. Or pour cela, il faudra envoyer le dossier à la chambre d’instruction de Paris pour montrer que les charges qui pèsent contre moi sont réelles et contiennent les éléments objectifs pour me mettre en contrôle judiciaire. Mais pour le moment, les autorités nigériennes ont émis un mandat d’arrêt national et non pas international. Tout ça pour ne pas envoyer le dossier à Paris.

Êtes-vous en contact avec votre parti, le Moden Lumana Fa, au Niger ?

H. A. Oui bien sûr. Et j’ai pris soin de donner des instructions en prévision de mon arrestation.

* délit qui consiste à attribuer la maternité d'un enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde

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