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Lettre ouverte au président de la République
Publié le vendredi 24 octobre 2014   |  Tamtaminfo




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Monsieur le Président, J’ai suivi avec grande attention votre rencontre avec le chef de file de l’Opposition politique et j’ai relevé, non sans fierté d’ailleurs, que Monsieur Seyni Oumarou vous a entretenu de questions dont je vous parle depuis des lustres.
Si vous aviez écouté un tant soit peu les alertes et les conseils avisés, vous auriez pu certainement éviter de mettre le Niger dans une expectative des plus redoutables ; des plus redoutables car, et je le souligne pour les malheurs des Nigériens, le chef de file affirme que « vous n’êtes pas conscient des actes que vous posez ». J’ai eu un froid dans le dos en l’écoutant. Si le président de la République n’est plus conscient des actes qu’il pose, les citoyens ne peuvent que craindre le pire. Mais, bon, je souhaite que ce ne soit pas vrai. Pour moi, c’est que vous avez juste manqué d’arguments face à votre hôte du jour qui a un dossier costaud sous le bras. Rassurez-vous, monsieur le président, je n’aborderai pas toutes ces questions qui fâchent. Je laisserai ce soin à ceux qui en font la découverte.
Par contre, vous me permettrez bien de m’interroger sur le seul point sur lequel, curieusement, vous avez eu un point de vue partagé avec Seyni Oumarou. C’est ce scandale des milliers de passeports que votre gouvernement a délivrés à des personnes non nigériennes. Votre réaction, qui a surpris plus d’un, suscite quelques questions : Si vous reconnaissez effectivement que c’est une fraude scandaleuse, cela veut dire que vous reconnaissez implicitement que Mohamed Bazoum, votre ministre des Affaires étrangères, doit quitter le gouvernement afin de répondre de ses actes devant la justice. J’ai entendu Nouhou Arzika le réclamer sur Télé sahel et j’ai eu peur pour le président du Pnds Tarayya. Comme tous les régimes à qui il arrive de perdre les repères, sans autre possibilité de se retrouver, il n’y a rien à faire que de foncer, tête baissée, dans le mur.
C’est l’histoire de l’ogre qui finit toujours par dévorer ses fils. Seulement, il n’y a pas que Bazoum, j’imagine. Et c’est pourquoi, afin d’éclairer ma lanterne, je vous adresse cette question : les services de police peuvent-elles donner autant de passeports comme dans le cas des 1700 passeports donnés ( ?) à des pèlerins nigérians en 2013 sans que le ministre de l’Intérieur ne soit informé et son accord préalable requis ? Ils sont donc deux dont vous devez vous débarrasser si vous voulez convaincre que la chasse à l’homme contre Hama Amadou n’a rien d’une cabale politique. Ce ne sera pas suffisant, car vous en avez tellement fait que, pour convaincre à ce sujet, vous n’avez pas d’autre choix que de présenter la démission de votre gouvernement. Ce ne sont pas les affaires compromettantes qui manquent.
Pour vous en particulier, c’est dommage car, en général, sous nos contrées, beaucoup d’impairs, beaucoup de délits, peuvent être commis par des hauts fonctionnaires ou élus véreux comme il a été régulièrement révélé depuis près de quatre ans. Cependant, il est extrêmement difficile, voire impossible, de parvenir à incriminer directement le président de la République. Vous, vous avez prêté le flanc, notamment avec cette scabreuse affaire d’achat de l’avion présidentiel. Cela n’a pas surpris outre mesure que la plainte de l’Opposition soit « naturellement classée sans suite ». Dixit Marou Amadou, ministre de la Justice, garde des Sceaux. Nous avons compris, comme disent les Ivoiriens. Mais, pour combien de temps restera-t-elle sans suite ?
C’est une plainte qui a été régulièrement enregistrée et elle rebondira, tôt ou tard. On ne peut pas être au 12e étage et s’occuper des affaires du Rez-de-chaussée. Monsieur le Président, j’ai suivi le contre point de presse de l’ARDR et je dois avouer, à mon humble avis, que la vérité saute à l’œil. Cela fait si mal de savoir que, par votre politique d’endettement effréné, vous avez mis le Niger sur des braises ardentes, compromettant ainsi ses capacités d’investissement autrement qu’en poursuivant dans la logique de l’endettement. Pendant 33 ans, le Niger n’a pratiquement plus de recettes véritables tirées du pétrole à cause de votre prêt d’Eximbank. Peut-on être fier d’un tel résultat ? Peut-on être fier d’avoir fait passer le taux d’endettement (intérieur et extérieur) de 17% à près de 40% en quatre ans d’exercice du pouvoir ?
C’est vrai que la grande masse des populations nigériennes ne comprend pas ce jeu dangereux au prix duquel des échangeurs et des monuments sont en train d’être construits à Niamey alors que l’essentiel est ailleurs. Comment peut-on se détourner du barrage de Kandadji et prétendre que l’on se bat pour que « les Nigériens nourrissent les Nigériens ». C’est vrai que la plupart des Nigériens ne comprennent pas qu’avec la frénésie d’endettement actuel, vous leur prenez de la main gauche, ce que vous leur donnez de la main droite. Un vrai jeu de prestidigitation qui finit toujours mal, tant l’encours de la dette est étouffant pour des économies fragiles comme les nôtres. J’ai eu ce sentiment en vous écoutant à Magaria où, comble d’ignorance, vous vous êtes présenté sous des habits de bienfaiteur pour demander aux populations, en langue haoussa, de voter pour vous lors des prochaines élections générales.
C’est cela qui compense vos efforts pour ces populations de Magaria. On pourrait même penser que c’est cela qui conditionne les chantiers tant flattés et vendus. Visiblement, vous êtes entré en campagne, avant tout le monde, comme en 2010 où vous aviez eu le sauf-conduit de la junte militaire qui a renversé Mamadou Tanja pour y aller tout seul avant l’heure. Cette fois encore, vous entrez en campagne avant tout le monde. La seule différence, c’est que cette année, vous êtes dans le rôle de celui qui se sert et vous n’hésitez pas. Monsieur le Président, la campagne électorale ne fait pas l’élection et vous le savez. Cela est encore plus vrai chez nous, au Niger, que partout ailleurs. Il ne sert à rien de courir, il faut partir à point, dit l’adage. De telles leçons électorales, nous en avons beaucoup. Vous pensez vraiment que vos compatriotes vont voter pour vous lors de la présidentielle prochaine ?
Je ne le crois pas et j’irai jusqu’à vous dire que même une piqûre d’amnésie aux 17 millions de Nigériens ne vous sauvera pas du naufrage électoral en 2016. Voici pourquoi : 9 Sur le plan agricole et énergétique, vous avez échoué, votre gouvernement ayant été incapable de mettre en chantier et de parachever les travaux du barrage de Kandadji alors même que vous avez trouvé une situation inédite avec l’intégralité des financements acquis et réunis. La mise en œuvre a lamentablement échoué puisqu’il a été concédé des décaissements fantaisistes à la société russe sans correspondance réelle avec les niveaux de travaux réalisés. Une histoire de commissions sans doute. Or, Kandadji représente, sur le plan agricole, un grenier pour le Niger. Sur le plan énergétique, c’est l’indépendance de notre pays vis-à-vis de l’extérieur.
Ça n’a pas suffi que vous ayez échoué à réaliser Kandadji, vous êtes allé contracter un prêt (une autre histoire de commissions) pour la construction d’une centrale thermique qui produira une électricité plus chère que celle que nous consommons actuellement. Gorou Banda ne peut remplacer Kandadji. Et si vous avez réellement la volonté de réaliser Kandadji, personne ne voit de pertinence dans votre choix d’endetter le Niger pour construire Gorou Banda. C’est un échec cuisant pour quelqu’un qui a fait du slogan « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », l’objet principal de sa politique. 9 Sur le plan scolaire, l’échec est encore plus catastrophique. La gestion de ce secteur stratégique dans le développement du Niger est devenue une affaire de clan où tout se fait dans une logique d’omerta.
Regardez le cas du ministère des Enseignements secondaires où le ministre et son chef de cabinet, le directeur de cabinet, le secrétaire général et son adjoint, l’inspecteur général, sont tous du Pnds Tarayya. Cela n’a jamais été connu depuis 1990. C’est sous votre magistère que cela s’est passé. Du côté du ministère des Enseignements primaires, de l’Alphabétisation, de l’Instruction civique, vous avez eu connaissance des trafics d’influence en cours, notamment dans le domaine de l’édition des livres scolaires. Au plan académique, la qualité de l’éducation n’a jamais pris un coup aussi dur, avec le recrutement injustifié et la promotion tout autant injustifiée de contractuels à des postes de responsabilité que ni leurs compétences, ni leurs expériences de travail, ne peuvent leur conférer. L’école nigérienne est en crise et votre gouvernance en est pour quelque chose.
Cette année par exemple, vous avez, contre l’avis majoritaire des régions dont je vous ai rapporté la quintessence des rapports, supprimé le CFEPD, sans avoir préparé les structures d’accueil tant chantées. Résultat : beaucoup de parents sont aujourd’hui dans l’angoisse. Ce n’est pas terminé puisque vous vous souvenez sans doute des fausses statistiques en matière de construction de classes que j’ai personnellement démystifiées en démontrant qu’il est tout simplement démentiel de faire croire que l’on a construit 16 salles de classe en matériaux définitifs en un jour. Je ne reviens pas sur la question mais, c’est une situation désastreuse que votre successeur aura du mal à redresser. Sur le plan politique, c’est sans commentaire. Juste pour rappeler que vous avez réussi, en trois ans, à placer le Niger dans une situation conflictuelle pleine de périls et personne ne sait de quoi demain sera fait.
– Sur le plan financier, c’est le désastre. Vous avez trouvé un taux d’endettement intérieur et extérieur de 17% ; aujourd’hui, le Niger est à un taux d’endettement à hauteur de 40%. Et c’est légitimement que les partenaires financiers de notre pays continuent de tirer sur la sonnette d’alarme en mettant en garde contre « les risques de surendettement », n’en déplaise au monsieur « immédiatement décaissable ». Les scandales sont tellement courants qu’il est insensé de les citer.
– Sur le plan social, la cohésion est mise à rude épreuve. Vous en savez quelque chose et je n’en rajouterai pas. Bref, je ne vous trouve pas d’arguments solides qui vous permettent de gagner l’élection présidentielle à venir. Surtout que les priorités, connues de tous, sont ailleurs. Comment pouvez-vous gagner une élection dans ce pays où, tandis que les scandales financiers, les fraudes fiscales s’accumulent et que le pays est littéralement pillé, des compatriotes côtoient la mort du fait d’une insécurité alimentaire que vous n’avez jamais prise au sérieux. Ainsi, OCHA nous informe, dans la parution de son bulletin de septembre 2014, que « les résultats de l’enquête nutritionnelle SMART révèlent un taux de malnutrition aiguë globale de 14,8% et de malnutrition aiguë sévère (MAS) de 2,7% ; que près d’un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre de la malnutrition chronique ; que selon l’enquête nutritionnelle de cette année, 45,5 pour cent des enfants de moins de cinq ans sont touchés par la malnutrition chronique ; que pour continuer leurs activités jusqu’à la fin de l’année, les acteurs humanitaires ont besoin de 89 millions de dollars pour apporter l’assistance nécessaire à environ trois millions de personnes ciblées à travers leur plan de réponse stratégique ».
En outre, OCHA souligne que l’assistance alimentaire durant la période de soudure a été limitée par le manque de ressources ; que les flux de personnes déplacées en provenance du Nigeria s’intensifient avec l’arrivée de près de 25 000 personnes en septembre ; que 305 millions de dollars sont recherchés par les acteurs humanitaires à travers le plan de réponse stratégique pour le Niger. Voilà, sommairement, quelques raisons qui expliquent pourquoi vous n’obtiendrez pas les suffrages de vos compatriotes en 2016. Encore une fois, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Or, vous avez fait un faux départ dès le début de la course. En somme, une galopade dans une course de trot.

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