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Le Sahel N° 8821 du 4/11/2014

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M. Michel Reveyrand-de Menthon, représentant spécial de l’Union Européenne pour le Sahel: ’’C’est une très bonne initiative, celle du Niger, qui est un pays en première ligne sur ces enjeux du Sahel, et qui a pris l’initiative de susciter une réflexion
Publié le vendredi 7 novembre 2014   |  Le Sahel


M.
© Le Sahel par DR
M. Michel Reveyrand-de Menthon représentant spécial de l`union européenne pour la région du Sahel.


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Excellence, les pays contributeurs de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) et leurs partenaires se sont réunis cette semaine à Niamey. De quoi était-il question au cours de cette rencontre ?
Le gouvernement du Niger a très opportunément invité, autour des pays contributeurs de la MINUSMA, les partenaires internationaux, les pays membres du Conseil de Sécurité qui ont des représentations diplomatiques ici, à un large échange sur les conditions de la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA. La MINUSMA dépend du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le 10 novembre prochain à New York, donc dans quelques jours, le Conseil de Sécurité des Nations Unies aura une réflexion précisément sur les conditions d'exercice de la MINUSMA. C'est une très bonne initiative, celle du Niger, qui est un pays en première ligne sur ces enjeux du Sahel; et qui a pris l'initiative de susciter une réflexion entre les pays de la région sur ces questions-là. Comme vous le savez encore mieux que moi, la situation dans le nord du Mali est encore très fragile. A bien des égards, elle a tendance à se détériorer; les groupes terroristes essayent de se réorganiser et ont, en tout état de cause, une capacité très importante. Tout cela constitue un challenge très fort pour la MINUSMA, une force de maintien de la paix des Nations Unies. Ce n'est pas une force qui a pour objectif à priori de lutter contre la présence de groupes terroristes, ce qui requiert des capacités tout à fait particulières. Donc le gouvernement du Niger, en relation étroite avec le Tchad, le Mali, le Burkina Faso, a souhaité ouvrir cette discussion. Et c'était un échange très intéressant, très positif et très constructif.
Ces derniers temps, on assiste à une recrudescence des attaques menées contre les éléments de la MINUSMA au Mali. Est-ce que ces attaques ne sont pas de nature à contrarier la mission de la MINUSMA ?
Elles rendent incontestablement plus difficile cette mission. Mais contrarier la mission, je ne crois pas. La mission est une opération des Nations Unies très importante, une des plus importantes jamais organisées. Et cette mission a été décidée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies parce que les enjeux sont des enjeux très importants, et très difficiles. Cette mission est confirmée, elle sera confirmée, parce qu'elle est extrêmement importante. C'est vrai que les conditions de travail de la MINUSMA ne sont pas faciles ; les forces de la MINUSMA sont très exposées et dans des situations très complexes. Il s'agissait, au cours de cette rencontre de Niamey, d'échanger avec l'ensemble des acteurs, notamment hier et avant-hier au niveau des experts, pour voir comment la MINUSMA pouvait mieux s'organiser, mieux mobiliser ses ressources qui sont déjà très importantes, mieux mettre en œuvre et mieux coordonner ses différents moyens dans différents domaines. Les opérations des Nations Unies comme la MINUSMA sont de grosses opérations. Certains disent que c'est un peu lourd à gérer. Et effectivement, c'est difficile à gérer. Il y a beaucoup d'acteurs, beaucoup de monde et beaucoup de pays qui sont concernés. Donc, incontestablement, tout cela n'est pas très facile à organiser. Et l'un des objectifs était de voir effectivement comment on peut aller de l'avant tous ensemble, tous les pays partenaires et toutes les parties prenantes, pour essayer d'être plus actifs. On voit bien que la MINUSMA doit être plus mobile par exemple. On voit bien que certains types de moyens devraient être renforcés, que les implantations militaires doivent être mieux protégées face aux groupes asymétriques. Donc on voit que le renseignement doit être mieux partagé ; il doit mieux circuler entre les différents acteurs. Il y a donc eu beaucoup de considérations techniques de ce type là, et qui, pour les gens qui sont sur le terrain, sont très stratégiques.
Vous envisagez donc un changement de stratégie au vu des difficultés du terrain ?
On n'envisage pas un changement de stratégie. Cela est important à retenir. Vous savez, une mission des Nations Unies de cette importance fait l'objet de longues discussions au Conseil de Sécurité de l'ONU. C'est un consensus entre l'ensemble des Etats. Donc la mission doit se poursuivre; mais il faut que les moyens de la MINUSMA continuent à être renforcés. La MINUSMA n'a pas encore pu recevoir toutes les forces qu'il est prévu qu'elle reçoive. Donc il faut compléter les moyens au service d'une mission qui est confirmée, et qui doit être confirmée.
Excellence, l'armée malienne n'est toujours pas au nord du pays. Pourquoi cette situation perdure-t-elle ?
Alors là, on plonge dans toutes les difficultés de la situation dans le nord Mali que vous connaissez sûrement très bien. A la suite de l'épisode malheureux de Kidal au mois de mai, un cessez-le-feu a été trouvé sous l'égide du Président mauritanien, Président de l'Union Africaine, qui a gelé les positions des uns et des autres, aboutissant effectivement à ce que les Forces Armées Maliennes sont peu présentes dans le nord du pays. Le nord, cela dépend d'où on le situe, car elles sont quand même présentes dans toutes la région du fleuve, en particulier dans des villes comme Gao, Tombouctou etc. Mais effectivement, cette présence ne couvre pas l'ensemble du territoire national malien comme elle devrait le faire. Une armée nationale doit pouvoir contrôler, et être présente sur tout le territoire bien sûr. Mais là, on entre dans la réalité qui est celle d'un conflit très grave, qui est apparu il y a quelques années, mais qui était la résurgence d'un conflit qui est là depuis très longtemps. Il y a un certain nombre de communautés dans le nord Mali qui n'arrivent pas à trouver leur place dans les conditions de la vie publique malienne, et qui, périodiquement, prennent les armes, et organisent des rebellions; on cherche des formes de revendications qui sont tout à fait anormales puisque la légalité d'un pays, d'un Etat souverain doit être respectée. Mais la réalité est là. Il faut comme avant, mais encore plus aujourd'hui qu'avant, trouver un accord politique. C'est une question politique, ce n'est pas une question militaire; ce n'est pas simplement une question sécuritaire. Un accord politique doit être trouvé entre l'ensemble des partenaires maliens. C'était l'objet des discussions qui se sont ouvertes au mois de juillet dernier à Alger et que le gouvernement algérien a bien voulu accueillir. J'ai salué ce matin ce rôle d'autorité algérienne. Ce sont des efforts considérables que le gouvernement algérien fait pour mener à bien cette discussion, cette négociation. J'espère qu'elle aboutira ; moi je suis très optimiste. Je pense qu'elle devrait aboutir dans les prochaines semaines. Il ne s'agit pas de faire trainer ces discussions pendant des mois et des mois ; ça n'aura pas de sens. Il faut aboutir, dans les prochaines semaines, à un accord politique. Sans accord politique, il n'y aura pas de stabilisation durable du nord Mali.
Justement quelle sens faut-il donner à ce dialogue inter malien qu'on veut inclusif dans un contexte où il y a une recrudescence de la violence sur le terrain ?
L'absence de l'armée malienne contribue évidemment à un vide sécuritaire, qui n'est pas une bonne chose. C'est pour cela qu'il faut maintenant trouver vite un accord. Il y a des groupes terroristes qui sont présents, qui essayent de se réorganiser, et qui font face à l'opération Barkhane, l'opération française qui a succédé à l'opération Serval. Cette opération Barkhane tente de s'opposer avec les moyens dont elle dispose, à cette présence des groupes terroristes, le mieux possible. La MINUSMA joue un rôle de stabilisation sur l'ensemble de la zone; les choses étant ce qu'elles sont, les passerelles entre les uns et les autres, entre des groupes, des morceaux de communautés, font qu'il y a une insécurité générale. Il peut y avoir des complicités qui existent par-ci et par là ; c'est toujours très difficile à décrypter pour nous. On ne sait jamais trop qui est qui, et comme le disait le ministre tchadien, ''dans le désert tous les fennecs se ressemblent un peu dans un premier temps''. On est dans cette situation de confusion générale, dont on espère que les futurs accords d'Alger permettront de sortir, séparant ceux qui veulent construire un Mali nouveau ou une nouvelle étape de l'histoire du Mali, et ceux qui ne sont là que pour détruire. Une fois qu'on pourra mieux faire la part des choses grâce à cet accord, j'espère qu'on pourra vraiment avancer vers cette nouvelle étape de l'histoire du Mali.

Excellence, quel rôle l'Union Européenne joue dans le processus de retour de la paix au Mali ?
L'Union Européenne essaye de soutenir le mieux possible ce processus. On était déjà présent dans les accords de Ouagadougou, il y a déjà presque un an et demi maintenant; j'étais moi-même le principal négociateur européen. Nous appuyons les discussions d'Alger, nous avons une médiation internationale autour de l'Algérie, avec les Nations Unies, la CEDEAO, l'Union Africaine, l'Union Européenne, l'OCI, et un certain nombre de pays de la région. Dans cet ensemble très collectif, l'Union Européenne essaye de jouer le plus grand rôle possible. Vous savez que l'Union Européenne est présente dans la région depuis longtemps ; d'abord comme acteur de coopération, et puis de plus en plus comme un acteur politique, comme un acteur dans le domaine de la sécurité. Nous appuyons des opérations notamment au Niger pour essayer de tout faire; tout ce que nous pouvons faire en relation avec les différents pays pour contribuer à la stabilisation et au développement économique de cette immense région.
Quelle est votre appréciation des efforts qui sont faits dans le cadre de la lutte contre le terrorisme perpétré notamment par des groupes tels que Boko Haram, MUJAO, AQMI etc. ?
On essaye de faire beaucoup. On essaye de faire tout ce que l'on peut avec deux considérations : d'abord la lutte contre le terrorisme, c'est beaucoup de choses; ce sont les renseignements, c'est la police, c'est le contrôle des mouvements des populations, le contrôle des frontières; c'est la formation des différents personnels des Forces de Défense et de Sécurité ; le contrôle des armes etc. Les situations de terrorisme sont souvent des situations très complexes. Celles que vous venez de me citer ne sont pas en réalité les mêmes. AQMI, ce sont des groupes qui, pour l'essentiel, viennent du nord notamment d'Algérie, mais pas seulement d'Algérie, et qui se sont installés dans le nord du pays et restent assez éloignés des populations. Le MUJAO est un groupe localisé entre Gao et la frontière nigérienne. Il est implanté assez fortement dans un certain nombre de villages qui depuis longtemps avaient été sensibles à un Islam extrémiste. Il est implanté dans des communautés différentes de celles d'AQMI. Le MUJAO a aujourd'hui des forces importantes d'autant plus qu'une partie de ses acteurs consolident des ramifications vers la Lybie où ils peuvent s'approvisionner notamment en armes de manière importante. Le Boko Haram, c'est encore un autre sujet, une situation propre au Nigeria, le nord du Nigeria. C'est un groupe qui, petit à petit, s'est consolidé dans une stratégie d'affrontement contre l'Etat du Nigeria. Evidemment, tout cela peut avoir des conséquences sur le plan régional, et sur le plan international. Mais pour autant qu'on arrive à le cerner bien, parce que ce sont des acteurs souvent mouvants, le Boko Haram n'a pas de stratégie de terrorisme international. Donc ce sont des groupes différents face auxquels les services spécialisés qui se sont engagés dans cette lutte contre le terrorisme essayent de lutter de la façon la plus précise possible. C'est très compliquer de lutter contre le terrorisme. L'un des principaux enjeux, c'est d'éviter que des populations, notamment du Niger et des pays de la région, soient sensibles à ces thématiques terroristes et rejoignent les groupes terroristes. C'est pour cela qu'un des enjeux très importants pour la communauté internationale est ce qu'on appelle aujourd'hui la prévention de la radicalisation. C'est-à-dire éviter que des gens qui sont souvent dans des conditions difficiles, qui sont un peu marginaux, avec un tempérament un peu extrémiste, n'aillent rejoindre ces groupes-là. Et un des grands risques aujourd'hui, c'est incontestablement que ces groupes trouvent des assises, des soutiens dans la population, des gens désespérés qui peuvent être sensibles à des appels des filières de recrutement. Beaucoup de pays s'engagent dans des campagnes, dans des actions de prévention de la radicalisation. L'Union Européenne dans beaucoup de pays, essaye d'être active à travers des ONG, à travers la société civile, en particulier à travers des mouvements d'éducation populaire par exemple, pour faire comprendre aux familles qu'il y a là un véritable risque pour les années qui viennent.

Oumarou Moussa

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