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Carnet de route : l’axe des racket
Publié le vendredi 22 fevrier 2013   |  alternativeniger.org




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Circuler sur les axes routiers qui relient certaines capitales d’Afrique de l’Ouest relève d’un véritable parcours... d’obstacles. Les rackets, l’arnaque, la perception de frais indus au niveau des postes de contrôle souvent frauduleux dépassent l’entendement. Les corps indexés : principalement la douane et la police...
Fin décembre, je fais l’amère expérience des difficultés d’intégration régionale en effectuant le voyage Niamey Lomé via Cotonou à bord de ma vieille bagnole. Avec mes compagnons, nous avons voulu profiter des fêtes de fin d’année. Mais, ce voyage par voie terrestre a été un casse tête tant les entraves à la libre circulation sont innombrables sur les routes. Partis de Niamey après la prière de l’aube, nous avons atteint Dosso au lever du soleil. Après un petit déjeuner rapide accompagné d’un café fort pour le chauffeur, nous quittons la capitale du Djermakoye en direction de Gaya. Le calvaire allait commencer dès la sortie de la ville.

Déviations mortelles

A cause de l’état de dégradation totale de la route, il nous a fallu plus de quatre (4) heures d’horloge pour parcourir les 300 Km qui séparent les deux villes. Le véhicule roulait parfois à 20 km par heure ; s’arrêtant à certains endroits pour céder la piste aux gros porteurs. Sur ce tronçon très fréquenté, c’est la loi du plus gros ; le sauve qui peut pour les conducteurs qui n’hésitent pas à violer les règles du code de la route. En effet, sur des dizaines de kilomètres, le goudron a complètement disparu pour laisser la place au sable et à la broussaille. Les déviations sont mortelles surtout pendant la nuit. Les accidents sont fréquents à cause de la mauvaise visibilité et du non respect des règles de signalisation routière. Chaque semaine apporte son bilan macabre. Il se passe rarement une journée sans qu’un véhicule s’encastre sur un camion mal stationné ou fini sa course dans les ravins.

Quand on sait que c’est par cette voie que transite l’essentiel des marchandises et vivres de nos opérateurs économiques et commerçants en provenance des pays côtiers, on a du mal à accepter ce spectacle désolant qui dure depuis des années. C’est à croire qu’il n’y a ni Etat dans ce pays, ni autorités politiques capables de prendre des sanctions contre le ou les coupables. Entamé depuis plusieurs mois, les travaux de réhabilitation de la route n’avancent pas. N’eût été la présence de quelques camions qui arrosent la piste pour atténuer la poussière, la faible densité d’ouvriers et d’engins lourds fait penser que le chantier est à l’abandon. Au stade actuel, il est à craindre que les travaux de réhabilitation ne soient terminés avant 2015. Les transporteurs, les usagers de la route ont ras le bol de cette situation. Surtout qu’au coucher du soleil, en plus de l’impraticabilité de la route, ils doivent affronter les bandits de tout acabit qui guettent la moindre occasion de dépouiller les passagers de leurs biens. Généralement, ils opèrent en petits groupes sur des motos puissantes en tendant des embuscades au niveau des déviations. La nuit, le danger est là en permanence derrière les buissons. Depuis quelques temps, en raison des accidents et de l’insécurité civile qui y sévissent, certains endroits ont été surnommé les déviations de la mort par les riverains de la route. On s’explique difficilement l’absence des forces de sécurité le long de ce tronçon dangereux. Le ministre de l’Intérieur le sait-il ? Toujours est-il que ses homologues du Plan et des Transports doivent donner des explications à leurs concitoyens sur la lenteur constatée dans l’avancement de la reconstruction de ce tronçon ô combien vital pour l’économie de notre pays. Mais, quand on apprend que le nom du second est cité dans une sombre affaire d’attribution inédite d’un marché de rénovation et modernisation de l’aéroport international Diori Hamani (nous y reviendrons) à une société chinoise pour un montant d’environ 124 millions de dollars US, il y a de quoi être pessimiste. Autant dire que les régimes changent, mais les mœurs politiques ont la vie dure.

Pratiques anormales

Revenons au voyage pour dire que les tracasseries ont commencé dès que nous avons franchi le pont de Malanville. Au poste de contrôle, les voyageurs doivent payer 1000 FCFA pour entrer dans le territoire béninois. Contrairement aux autres passagers, je n’entendais pas être la victime passive de cette pratique anormale. En attendant mon tour d’enregistrement d’entrée, je sortis un calepin pour prendre des notes qui ont servi à la rédaction du présent carnet de voyage. Attentif à mes mouvements, l’un des policiers qui semble avoir le don de flairer les coups tordus chuchote à l’oreille de son collègue. Averti d’une présence inquiétante, le policier s’active à effectuer les formalités de passage. Manque de chance, pendant qu’il enregistrait nos pièces, voilà qu’arrive un apprenti de mini bus qui lui tend maladroitement un billet de 2000 FCFA. Le flic hurla si fort que le jeune homme recula de quelques pas en arrière. Sur son visage se lisait l’incompréhension de la réaction brutale de l’agent. Ce dernier s’empressa de nous remettre nos papiers tout en nous souhaitant un bon séjour. La suite du voyage jusqu’à Parakou s’est déroulé sans histoires. Les difficultés vont commencer le lendemain très tôt au départ de cette grande localité du Nord où nous avons passé la nuit pour permettre au chauffeur de se reposer. Alors que nous cherchons la sortie, nous avons croisé une voiture de la brigade anti-criminelle (BAC) aux environs du marché central de la ville. Les occupants réalisent que notre véhicule porte une immatriculation étrangère. Très vite, leur chauffeur bifurqua pour se mettre à nos trousses. Ibou, notre conducteur qui les voyait revenir à travers le rétroviseur ralenti sa course. Leur 4X4 passa à vive allure devant nous pendant qu’un des flics nous faisait signe de s’arrêter. Les policiers sautèrent un à un de la voiture et se mirent à nous encercler comme si nous représentons un danger quelconque. Après cette scène d’intimidation, l’un d’entre eux s’écria : « Papiers du véhicule et des passagers, ouvrez le coffre arrière ! » L’inspection rapide des bagages n’ayant rien donné, le policier retourna à leur voiture pour donner les pièces de notre véhicule à leur patron. Après environ une minute de réflexion, celui-ci asséna : « Vous n’avez pas d’assurance CEDEAO. Celle du Niger ne vous couvre pas ». Devant cette contrevérité flagrante, je décide d’intervenir en m’adressant au chef de l’équipe. « Monsieur l’agent, je respecte votre travail. Cependant, je voudrais que vous sachiez que l’assurance que vous tenez entre les mains est bel et bien valable au Bénin. Mieux, le protocole de la CEDEAO garantit la libre circulation des biens et des personnes dans l’espace communautaire. Ne confortez pas l’opinion selon laquelle, les forces de sécurité sont les principales entraves à l’application de cette volonté de nos chefs d’Etat et de gouvernement. D’ailleurs, je crois savoir que le contrôle de la validité d’une assurance n’a pas grand-chose à voir avec la mission de la brigade anti-criminelle. Faites en sorte que les citoyens que nous sommes aient une image positive de votre corps en dénonçant les brebis galeuses qui extorquent les voyageurs de leurs biens. Rendez nous les papiers de notre véhicule et arrêtons le débat à ce niveau ». Confondu, le policier avoue son ignorance des textes communautaires en disant que lui et ses compagnons n’ont pas beaucoup fréquenté l’école. Profitant de cette brèche, j’engage une discussion très pédagogique avec le groupe dont je vous fais l’économie des détails. Retenez seulement que celle-ci a tournée autour des tracasseries routières en particulier les rackets et barrages illégaux qui ont pignon sur rue. Croyant sans doute que je suis un haut cadre de l’Etat ou un journaliste en mission aux fins de rendre compte aux dirigeants des pratiques anormales sur les routes, le policier m’invita à le suivre au commissariat pour parler avec le patron des lieux. Je décline poliment l’invitation arguant de la distance à parcourir et de la fatigue des enfants. Les flics partis, nous reprenons la route avec un retard d’une demi-heure. A environ une centaine de kilomètres de Cotonou, un autre agent de sécurité, cette fois ci un jeune officier de gendarmerie entra en scène. L’arme au pied, l’intéressé a tout simplement érigé un barrage de fortune à la lisière de la forêt pour rançonner les passagers. Il était assisté de deux badauds chargés d’ouvrir et de fermer la route aux véhicules de ses victimes. A l’approche du barrage, Ibou a ralenti la course du véhicule. Ce geste ne le sauvera pas de la détermination du gendarme à lui créer des ennuis dans le but de lui faire les poches. Les papiers du véhicule entre ses mains, il accusa tout de go notre conducteur d’avoir eu l’intention de forcer le barrage. Une accusation qui a mis notre chauffeur en colère. Voyant la tension montée, j’interviens d’une manière diplomatique qui désarme le gendarme : « Ce barrage en pleine forêt, et la présence de ces deux gaillards nous a fait croire qu’il s’agit de coupeurs de route. Même si comme vous le dites, le chauffeur n’a pas voulu s’arrêter, vous devez comprendre que cela est lié à la peur qui nous habite. Regardez ces enfants, songez que votre mission est de les protéger et non l’inverse ». Flatté par ces propos empreints de courtoisie, le gendarme nous remet les papiers et sollicite une carte de visite pour garder le contact.

Après cette halte forcée, nous arrivons à Cotonou sur le coup de 17 heures locales. Le temps d’un petit repos bien mérité, me voilà hors de l’hôtel pour une petite balade de reconnaissance dans le quartier avec pour objectif de dénicher un bon restaurant. Ma recherche ayant été vaine, je prends l’option de revenir prendre le véhicule pour aller plus loin. Le portier de l’hôtel me conseilla de louer les services d’un taxi moto communément appelé zémidjan (emmène-moi vite en langue locale). Proposition que j’accepte sans hésitation. Une fois un accord trouvé sur le tarif de la course, le zemidjan me conseilla de laisser la voiture sur place. Constatant mon hésitation, il argumente avec une dose d’humour : « Grand frère, demain, c’est jour de noël. Les brebis galeuses sont sorties en grand nombre pour avoir l’argent de la bière et des petits cadeaux pour les deuxièmes bureaux. Si tu sors avec la voiture, les policiers vont manger dans ta poche ». Devant ce raisonnement, je n’eus d’autre choix que d’accepter sa proposition empreinte de sagesse. Les tracasseries que j’ai subies pendant mon séjour dans la capitale béninoise ont failli m’ôter tout espoir sur une intégration régionale en Afrique de l’Ouest.

Poussée xénophobe

Le jour de notre retour, alors que nous roulions sur la voie conduisant à Porto Novo, un jeune policier s’est faufilé entre les voitures nous obligeant à nous arrêter. « Vos papiers » dit-il d’un ton menaçant. Je demande au chauffeur de s’exécuter. Les pièces du véhicule entre les mains, le policier retourne s’asseoir sur sa moto. Ne comprenant rien à cette attitude, notre conducteur manœuvre difficilement pour stationner sur le trottoir. Mal lui en a pris. La coéquipière du policier l’accuse d’avoir voulu l’écraser. Commence une palabre endiablée entre les deux. Voyant la tournure que prend la discussion, je décide d’intervenir en demandant la raison de la confiscation des papiers de la voiture. « Non respect du feu rouge » assène le flic. Je lui rétorque que c’est une injustice, car nous étions au moins une dizaine de véhicules sur la voie. Au début impassible à mes propos, il fini par lâcher : « si vous ne dites rien, je rédige votre contravention ». Choqué par ce comportement qui frise la xénophobie, je refuse tout marchandage. Muni de la contravention, je me présente au commissariat central de la ville où je suis reçu par le directeur adjoint. Pendant que je lui contais ma mésaventure entrent deux policiers dont l’un par ses scarifications semble originaire de Maradi. S’engage une longue discussion dans le bureau du commissaire au cours de laquelle, je réitère mon refus de payer la contravention. Très sympathique, un des flics m’expliqua qu’au Bénin, il n’y a rien de scandaleux à ce que les agents de circulation routière perçoivent des bakchichs. « Si tu veux passer les barrages rapidement, il faut glisser « quelque chose » aux agents. Avec fierté, il raconta comment il a délesté un ex ministre d’un billet de 5000 F CFA parce que celui-ci a emprunté un sens interdit. Donnant dans la provocation, je lui demande s’il accepterait d’être filmé au moment des faits. Sa réponse est sans ambages : « Mon frère, tu peux écrire chaque jour un article sur la corruption qui sévit sur les routes.

Ton papier n’aura aucun effet. Comme tu es venu parler avec le chef, je vais appeler mon collègue pour qu’il te remette les papiers de la voiture ». A mon retour au rond point, le policier qui semble avoir été instruit par sa hiérarchie me tendit les papiers en me disant dorénavant de contrôler mon langage. Voulant sans doute rattraper le temps perdu, notre chauffeur fonce vers la voie de sortie de l’autoroute. Il ne savait pas que le mouvement de notre véhicule était surveillé comme du lait sur le feu. Un manque de vigilance le conduit sur un sens interdit et nous voilà à nouveau entre les mains des flics. Leur chef, la quarantaine bien remplie, teint d’albinos me fixe dans les yeux et martèle : « Avec moi, il faut être direct. Au commissariat, l’amende de la contravention, c’est 9000 F CFA. Pour le soleil qui me tape, tu dis quoi ? » Tétanisé par cette franchise, je lui réponds en rigolant : tu as gagné la partie. Après quelques jours au Bénin, nous avons décidé de continuer à Lomé. Un autre pays, d’autres types de tracasseries. Dès notre arrivée à la frontière, nous avons été dirigés par un rabatteur nigérien vers un box de police. Une dame confortablement assise nous réclame la carte grise et le permis du chauffeur. Elle griffonne quelque chose dans un gros registre et assène la main tendue : c’est 2000 F. CFA. Croyant qu’il s’agissait du prix à payer pour le laissez passer du véhicule, je paie sans broncher. A partir de là, il faut passer la frontière à pieds. J’étais loin d’imaginer que cette pratique d’un autre âge était encore en vigueur. Bien que surpris par cet état de fait, je décide de suivre le mouvement des voyageurs. Quelques mètres plus loin, un policier obèse réglemente le passage. Posté devant une guérite, il prend 500 F.CFA avec tous les voyageurs en règle. Celui qui ne dispose pas de pièce d’identité et de carnet de vaccination doit débourser plus. Lorsqu’arrive notre tour, le policier calcule rapidement le montant à payer. Je lui demande de lire la disposition en vertu de laquelle, les ressortissants de la CEDEAO doivent payer l’entrée dans un autre territoire membre de l’espace communautaire. Choqué par cette remarque, il hausse le ton en me disant que je suis au Togo. Loin d’être intimidé par cette menace, je lui réponds que les textes communautaires me confèrent des droits comme celui d’entrer librement dans son pays. Face à mon intransigeance, son collègue dont le rôle est d’encaisser l’argent des rackets lui conseille de nous laisser partir. Après quelques secondes d’hésitation, il obtempère en me reprochant ma conduite. Je poussais un ouf de soulagement pensant que la voie est libre jusqu’à Lomé. Erreur ! Arrivé au niveau de la voiture, je trouve le chauffeur en colère. Il m’expliqua rapidement avoir été délesté de 5000 F par les policiers. Exaspéré par cette arnaque, je réclame un reçu ou la restitution de la somme. Pendant que le policier se perdait en rhétorique, arrive un autre qui semble être le chef de l’équipe. Plus conciliant, il nous rend le billet et nous oriente vers un autre bureau qui s’occupe selon lui des fonctionnaires. Je trouve un agent courtois et ouvert aux échanges qui rempli rapidement une fiche et m’invite à poursuivre mon voyage.

Ma déception devant l’ampleur des pratiques anormales sur les axes routiers est telle que j’ai finalement écourté mon séjour dans ces pays voisins. Le retour à Gaya a été un ouf de soulagement pour nous tous. Ce parcours de plus de 1000 km à travers le Bénin et le Togo m’a permis de constater le décalage énorme entre les principes proclamés par les textes communautaires et les pratiques sur les axes routiers. Si vous êtes ressortissant d’un autre pays, la possession des documents de voyage ne vous protège pas contre les abus et paiements des frais indus. Au contraire. Devons nous continuer d’accepter, sans mot dire, cette situation sous prétexte que « c’est comme ça » ? Je pense que non. Il est temps, grand temps que les citoyens se mobilisent comme un seul homme pour exiger des autorités politiques la prise des mesures fortes pour mettre un terme aux pratiques anormales des racketteurs en tenue officielle.

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