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Le Sahel N° 8865 du 26/1/2015

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Le dialogue islamo-chrétien au Niger : une réalité à promouvoir et à consolider
Publié le samedi 7 fevrier 2015   |  Le Sahel


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© Autre presse par DR
Le dialogue islamo-chrétien au Niger : une réalité à promouvoir et à consolider


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«Importance du dialogue inter et intra religieux dans le cadre du renforcement de la paix et de la résilience des communautés à l'extrémisme violent'', c'est le thème développé par Mme F. Marie-Thérèse Djibo, responsable de Commission Diocésaine chargée des Relations Islamo-Chrétiennes, au cours d'une conférence-débat tenue le 19 octobre 2013 à Africa Hall de Niamey. Depuis quelques années, ce genre de rencontres relève de la routine pour tous ceux qui se sont engagés dans le cadre du dialogue islamo-chrétien dans notre pays. Pour Mme F. Marie-Thérèse Djibo, il est difficile de témoigner de l'expérience du dialogue interreligieux de l'Eglise Catholique au Niger, sans la situer dans son ensemble général, à savoir : les personnages clés du dialogue inter-religieux et les textes (Décrets, Encyclique et exhortation) du Magistère et les créations d'institutions, qui ont défriché et balisé le terrain pour le dialogue interreligieux. Il est aussi indispensable de définir le but final du dialogue inter-religieux, ses conditions et ses exigences, et enfin le dialogue islamo-chrétien au Niger.
Selon ses explications, au sein de l'Eglise Catholique, ''le premier Personnage est Jésus-Christ Lui-même. Toute sa vie a été ''rencontre de l'autre'' (cf. Lc 10,19-37, Mc 3,35 ; Mt 8,28-34 : Mt 25,32-45 ; Jn 20,21 ; Ac 1,3 ; etc.) ; Saint François d'Assise ; Louis Massignon ; Bienheureux P. Charles de Foucaud. A partir du 20ème siècle, les Papes Jean XXIII et Paul VI se sont engagés dans la voie du dialogue ; ils ont balisé et ouvert l'Eglise au dialogue inter-religieux. A leur suite, les Papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François qui, par leurs encycliques, leurs visites, leurs déclarations, se sont pleinement engagés dans les relations avec l'Islam et les musulmans ; des jalons du dialogue ont été clarifiés. Au plan local, il faut citer nos Evêques Mgr Berlier, Guy Romano, Ambroise Ouédraogo, Michel Cartatéguy et Laurent Lompo''.
Préfaçant le livret au service du dialogue entre chrétiens et musulmans ''Se Connaitre – Se respecter : L'incontournable rencontre'', l'évêque de Maradi, Mgr Ambroise Ouédraogo, soutenait que ''L'Église catholique au Niger, consciente de sa mission d'annonce de l'Évangile, s'efforce de vivre le dialogue inter-religieux. Nous croyons que, si Dieu s'est fait Dialogue d'Amour en Jésus-Christ, le chrétien est aussi appelé à vivre ce dialogue d'amour dans le monde''. L'évêque ajoute que depuis 1999, la ''commission inter-diocésaine des relations islamo-chrétiennes'' du Niger publie, environ tous les deux mois, une fiche qui a pour but de sensibiliser les chrétiens et soutenir l'attention des communautés chrétiennes dans leurs relations avec leurs frères musulmans.

Le dialogue islamo-chrétien, une réalité au Niger et dans le monde
Depuis la déclaration du Concile de Vatican II en 1965 sur ''les relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes'', l'Eglise Catholique s'est mise à l'écoute et en action pour favoriser la rencontre interreligieuse. Ce Concile a affirmé: ''Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté''. Le Pape Paul VI pouvait conclure Vatican II : ''Le Concile tout entier se résume finalement dans cette conclusion religieuse : (...) un appel amical et pressant qui convie l'humanité à retrouver Dieu, par la voie de l'amour fraternel'', le 7 décembre 1965.
Plusieurs textes du Concile de Vatican II renforcent cette conviction de l'Eglise Catholique. Il s'agit entre autres du Nostra Aetate (28.10.65), à travers lequel, ''l'Eglise regarde avec estime les musulmans qui adorent le Dieu UN, Vivant et Subsistant, Miséricordieux et Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes...Ils cherchent à se soumettre de toute âme aux décrets de Dieu, même s'ils sont cachés comme s'est soumis à Dieu Abraham auquel la foi musulmane se réfère volontiers...Bien qu'ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l'invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi, ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l'aumône et le jeûne''.


Les actes concrets qui ont été posés
Au-delà, des textes, des actes concrets ont étés posés. Il s'agit de la création du Conseil Pontifical pour le Dialogue inter-religieux au Vatican (19/05/64) ; de l'ouverture de l'Institut Pontifical des Etudes Arabes et Islamiques (PISAI) à Rome qui a donné la possibilité à des centaines de personnes d'obtenir une licence ou un doctorat en Arabe et en Sciences islamiques. Ils ont des échanges avec de professeurs, avec al-Azhar et des contacts permanents avec l'OCI, la Rahita de la Mekke et la Jam'iyyat al-Da 'wa de Tripoli. De même, dans beaucoup de diocèses de l'Eglise Catholique à travers le monde, une commission chargée des Relations islamo-chrétiennes est mise en place. Cette commission a comme premier but la sensibilisation des chrétiens et des communautés chrétiennes à la rencontre avec les frères musulmans.
''Dans le cas spécifique du Niger, nous avons connu des leaders musulmans qui ont eu une ouverture au dialogue et qui par leur accueil, ont permis de faire des avancées dans la rencontre islamo-chrétienne ; nous pouvons citer : Cheik Aboubacar Hassoumi Kiota, Cheik Oumarou Ismaïla ; Amadou Hampâté Ba et son maître Tierno Bokar; Cheik Ibrahim Niass de Kaolack/Sénégal et Cheik Mohamed Chérif de Kankan en Guinée dans la sous-région'', a indiqué Mme F. Marie-Thérèse Djibo.

Le but final du dialogue islamo-chrétien
Selon les explications reçues de Mme F. Marie-Thérèse Djibo, le dialogue islamo-chrétien ne vise pas, comme l'œcuménisme entre les religions chrétiennes, l'unité ni la communion dans la foi. ''On ne vise pas à partager la même Parole de Dieu et la même Table du Seigneur. La foi musulmane et la foi chrétienne restent fondamentalement divisées sur des points essentiels, ce qui empêche d'envisager l'union'', a-t-elle ajouté. Le but a-t-elle poursuivi, n'est évidement pas de convertir l'autre et de le faire changer de religion. Cela serait seulement un changement de tactique dans le prosélytisme.
''Pour nous chrétiens catholiques, le dialogue avec les musulmans présente un double but : 1) nous laisser édifier par ce qui est à l'œuvre de Dieu dans l'Islam ; 2) poser de notre côté des gestes qui stimulent l'Islam et les musulmans à s'ouvrir aux valeurs de l'Evangile'', a soutenu Mme F. Marie-Thérèse Djibo. Une vraie rencontre chrétienne, dit la responsable du dialogue au sein de l'Eglise Catholique, aboutit toujours à un enrichissement mutuel et est un bien pour l'humanité. Ainsi, dans le dialogue, nous apprenons à nous respecter les uns les autres ; à respecter nos différences et à apprécier les valeurs communes qui nous lient les uns les autres ; à rejeter le fanatisme, l'extrémisme, les préjugés et les discriminations qui mènent à la violence. Nous luttons ensemble contre l'idolâtrie dans le monde, qui est une trahison de la foi dans le Dieu Unique. Nous travaillons ensemble pour un monde meilleur; une paix durable; la justice sociale et économique, le bien-être pour tous.
Les conditions et les exigences de la rencontre islamo-chrétienne
Poussant son argumentation, Mme F. Marie-Thérèse Djibo estime que le dialogue n'est pas quelque chose de théorique, ni de marginal, ni de facultatif. Il est normal et même nécessaire dans un monde pluraliste. Il y a cependant, certaines conditions et exigences à respecter pour que le dialogue soit fructueux. Selon ses explications, il nous faut tout d'abord être des hommes et des femmes d'ouverture, une ouverture basée sur le respect de l'autre. Il nous faut aussi vouloir connaître l'autre de l'intérieur ; avoir une certaine connaissance de ce que croit mon interlocuteur. En ce sens, il faut chercher la sainteté dans l'autre confession, dans l'autre religion au lieu de nous focaliser sur les déficiences, même s'il ne ''faut pas être aveugle sur ces déficiences. Il faut voir l'autre avec les yeux du cœur comme nous voudrions qu'il nous regarde, car ''Tout ce qu'il y a de bien appartient à Dieu Seul de qui nous vient tout bien''. Mme F. Marie Thérèse Djibo ajoute que l'une de ces conditions consiste à avoir une vraie connaissance de sa propre tradition religieuse. Pour elle, il faut aussi viser la rencontre plus que le dialogue. ''Le dialogue n'est pas obligatoire pour notre salut, mais l'effort - toujours recommencé - pour la rencontre, est une nécessité. Nous devons nous dire souvent : ''Nous ne serons pas jugés sur nos réussites de dialogue, mais sur nos efforts pour rencontrer l'Esprit de Dieu à l'œuvre chez l'autre, chrétien ou non'', a-t-elle confié.
Pour les chrétiens catholiques, la rencontre islamo-chrétienne, pour être vraie et authentique, doit être vécue et enracinée dans la foi de Dieu, soutenue par un esprit de prière, et doit conduire à une action commune. ''Nous devons nous situer au niveau de nos convictions spirituelles les plus profondes. Pour pouvoir estimer notre interlocuteur musulman et attendre de lui un réel échange et un enrichissement, nous devons le regarder comme notre égal et comme notre frère, croyant comme nous, cherchant la volonté de Dieu, travaillant comme nous pour un monde meilleur. Poursuivre le dialogue, malgré les difficultés, dans la confiance car nous ne sommes pas seuls dans le dialogue. C'est aussi l'œuvre de l'Esprit, qui est au travail en nous et dans l'autre. Dieu donnera le fruit en temps voulu. Mais il nous est demandé beaucoup de courage et de patience'', a insisté Mme F. Marie-Thérèse Djibo.

Petite histoire du dialogue islamo-chrétien au Niger
En Avril 2003, l'ONG Sos-Civisme/Niger a eu l'heureuse initiative d'organiser le tout premier séminaire regroupant leaders musulmans et chrétiens et des membres de la société civile, pour les amener à réfléchir ensemble sur le rôle des leaders religieux dans la citoyenneté. Puis un second séminaire sur le rôle des leaders religieux dans les conflits au Niger. Les deux séminaires ont été restitués chacun à Zinder et à Maradi. Ces restitutions ont permis la mise en place des comités du dialogue inter-religieux à Maradi et à Zinder ; c'est en septembre 2014 que Niamey et Diffa ont eu leurs comités de dialogue inter-religieux. L'Eglise est membre fondateur de tous ces comités.
A partir de 2005, la Commission Interdiocésaine chargée des Relations Islamo-chrétiennes s'est engagée dans l'initiation et la formation des croyants chrétiens et musulmans se côtoyant tous les jours dans le cadre de leurs professions, de leurs études ou de leurs apprentissages. Ainsi, avec l'assistance de leaders musulmans, quatre par session, la Commission a organisé près de vingt sessions de formation pour près de 1500 musulmans et chrétiens (enseignants des écoles chrétiennes, personnel de CADEV/Caritas au niveau national ; des agents des centres socio-médicaux de la Mission Catholique ; 250 élèves des classes de 1ère du CLAB et du CEPS (Centre d'Etudes Professionnelles et de Secrétariat), les apprenantes des foyers Clair Logis de Niamey et du Centre féminin de Birni N'Konni ; 40 journalistes des médias (presse écrite, radio et télévision) des régions de Niamey, de Tillabéry et de Dosso ; le comité inter-religieux d'Arlit avec 25 participants, 25 scouts du Niger, les 24 jeunes de la Tidjanyya de Kiota et 50 jeunes de l'Archidiocèse de Niamey.
''Il est à noter que les modérateurs des sessions sont toujours des musulmans convaincus, issus de la Société Civile. Pour vivre le dialogue dans son concret, la majorité des sessions a été organisée en régime d'internat au Centre Spirituel de Siloé ; le cadre environnemental offre un bon climat de contact direct et de convivialité. Ces sessions ne visent pas une formation théorique, mais partent du vécu. C'est pourquoi, dès le premier jour, les participants, après les communications deux leaders chrétiens et musulmans, avec des questions, réponses et apports, sont organisés en carrefours chaque après-midi pour réfléchir sur le concret de leurs expériences de foi. Leur but est de chercher ensemble comment nous écouter, nous découvrir, nous connaître et nous comprendre et comment nous pouvons améliorer et approfondir nos relations au sein de nos milieux de vie, pour l'épanouissement personnel de tous et en vue d'un meilleur engagement au service de nos populations'' a dit Mme F. Marie-Thérèse Djibo.

Les relations amicales avec la Communauté musulmane
Elles sont très perceptibles. Toutes les occasions ont été saisies pour le démontrer. Les moments de joie comme les instants de peine. D'un côté comme de l'autre, les liens ont été exemplaires. ''Par des relations amicales et fraternelles avec la communauté musulmane, nous faisons nôtre tout ce qui touche à la vie de nos frères et sœurs musulmans : les messages radiotélévisés de nos Evêques à l'occasion des fêtes musulmanes, les visites aux familles des leaders musulmans aux différentes occasions (maladies, décès, mariages, etc.). Nous organisons des sessions d'initiation à l'Islam pour les chrétiens et de formation au dialogue inter-religieux pour les musulmans et les chrétiens. Nous avons eu à collaborer avec ''Le Centre Africa of Obota'' pour débattre, à la télévision, des sujets de société sur la base des Ecritures Saintes et des Traditions. L'Eglise Catholique est engagée avec les religieux musulmans de la FAICAD (Fédération des Associations pour le Développement). Nous avons des concertations avec les leaders religieux musulmans. L'Eglise Catholique est membre fondateur du Comité de Dialogue Inter-religieux'', a précisé Mme F. Marie-Thérèse Djibo.
Pour elle, c'est au quotidien que l'intérêt accordé à la rencontre doit se tisser pour faire corps et âme avec la rencontre et l'ouverture à l'autre croyant. Les questions, réponses et compléments d'éclaircissements lors des sessions, libèrent de part et d'autre ; tous découvrent qu'ils s'apprécient et que leur différence peut être mise à profit pour grandir, pour s'épanouir dans leur foi et s'engager ensemble dans le développement social durable basé sur une cohabitation fraternelle. La méconnaissance des Saintes Ecritures et de leur Tradition est toujours avouée par la presque totalité des participants à nos sessions de formation. Ils reconnaissent que c'est la peur d'être converti à l'autre religion, le complexe de se révéler ignorant devant l'autre croyant, et l'intolérance dont ils sont endoctrinés, qui les empêchent d'approcher et d'écouter l'autre ; toutes ces attitudes ont leur racine dans l'orgueil et l'ignorance. ''La modestie de nos moyens financiers ne nous permet pas d'atteindre le maximum de personnes que nous désirons. Nous avons les ressources humaines (leaders religieux chrétiens et musulmans, qui se découvrent aussi à ces occasions) et la capacité de l'organisation. La joie et la réaction très positive des participants à nos sessions et aux autres rencontres interreligieuses sont les signes et indicateurs qui nous encouragent malgré les moments de découragements que nous rencontrons parfois. Ils sont toujours surpris de notre attention et de notre égard pour eux. Le dialogue est un lieu privilégié pour offrir le témoignage rendu à la Vérité de Dieu, Vérité que tout croyant accueille et propose dans l'authenticité de sa recherche spirituelle et de sa vie'', a-t-elle conclu.
Respect et amitié qui se construisent au-delà de nos différences. Il est bon que de telles rencontres aient lieu entre croyants pour montrer au monde que si Dieu nous a créés différents, ce n'est pas pour nous opposer, mais pour que nos différences nous enrichissent et que nous apprenions à nous émerveiller des valeurs des uns et des autres.

M.S. Abandé Moctar

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