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INTERVIEW - Ousseini SALATOU, Porte-parole de l’ARDR : « Le Président de la République est responsable de la situation délétère que connait le pays… »
Publié le jeudi 19 fevrier 2015   |  Actuniger


Ousseini
© Autre presse par DR
Ousseini SALATOU, Porte-parole de l’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR).


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Le Porte-parole de l’Opposition politique s’est confié à Mohamed SEIDOU sur les thèmes brûlants de l’actualité politique nationale : la situation sécuritaire entre le conflit malien, le conflit libyen et la nébuleuse Boko Haram, le fichier électoral biométrique et les élections de 2016.




Mohamed SEIDOU : Merci Monsieur Ouseini Salatou, d’avoir répondu à notre invitation. Pouvez-vous vous présenter à nos auditeurs ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Je suis Ousseini SALATOU. Je suis Président d’un parti membre de l’opposition politique, le Rassemblement des Démocrates Nigériens (RDN- Labizé). Je suis actuellement enseignant au Lycée Issa Korombé et je suis le Porte-parole de l’opposition politique. J’ai occupé une fonction ministérielle, notamment, sous le régime du Président Mamadou Tandja, en tant que Ministre chargé de la Promotion des Jeunes Entrepreneurs et de la Réforme des Entreprises Publiques.

Mohamed SEIDOU : Merci. Le Niger est enfin entré en guerre contre les terroristes de Boko Haram. Cette guerre a déjà causé d’énormes dégâts matériels et des pertes en vies humaines. Elle a aussi provoqué des déplacements massifs et inquiétants des populations ; une crise humanitaire se profile. Monsieur le Porte-parole, pour vous citer, je veux parler de l’ARDR, « la situation sécuritaire du Niger est grave et même très grave. Face à cette situation, le bon sens voudrait qu’il y ait un apaisement des tensions artificiellement créées et une union de tous les nigériens ». Alors, Monsieur le Porte-parole, allez-vous maintenant mettre de côté les conflits politiques et en rang contre l’ennemi commun qui est Boko Haram ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Oui, véritablement. C’est un souhait que nous avions exprimé dans notre Déclaration à laquelle vous faites allusion. Si vous prenez le cas de la France, lorsque les évènements de Charlie ont eu lieu, vous avez vu que les mots clés dans la bouche de François Hollande étaient « l’unité nationale », « l’union nationale », « l’union de tous les français ». Dans ce cadre, le premier acte qu’il a posé, c’est d’avoir invité l’ancien Président Nicolas Sarkozy, à l’Elysée. Il s’est entretenu avec lui et il l’a invité à la marche. C’est le contraire de ce qui se passe au Niger. Si vous vous rappelez, lorsqu’il s’est agi d’envoyer les troupes nigériennes au Mali, nos députés, c'est-à-dire les députés de l’opposition avaient accepté de voter la résolution. Après le vote de la résolution, l’ancien Président de l’Assemblée nationale, en homme d’Etat responsable, a créé les conditions pour qu’on puisse avoir une réunion autour du Président de la République, avec l’ensemble des groupes parlementaires et le Chef de file de l’Opposition. C’est cette image qui a été projetée pour l’opinion nationale et internationale et que tous les nigériens ont apprécié.

Aujourd’hui, depuis le déclenchement de cette affaire de Boko Haram, jusqu’à preuve du contraire, le Président de la République n’a pas daigné inviter le Chef de file de l’Opposition, même pas un coup de téléphone. C’est avant-hier que le Premier ministre a invité les partis politiques à une réunion de concertation autour de sa personne. Or, nous avons demandé au niveau de l’opposition d’envoyer des correspondances en bonne et due forme aux partis politiques pour que nous puissions assister à ces réunions. A la place de ces correspondances ce sont des « sms » qui nous ont été envoyés. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas administratif. Nous avons compris que le Premier ministre ne pouvait pas envoyer des correspondances parce qu’il a créé une situation qu’il ne peut pas gérer. Je vous rappelle que le parti MNSD a eu deux congrès parallèles, un congrès ordinaire organisé par l’aile légitime dirigée par Seyni Oumarou et un congrès organisé par l’aile dissidente dirigée par Albadé. Et le ministre de l’intérieur s’est permis de prendre acte du congrès de Albadé, l’aile dissidente. Et sur cette base, le Premier ministre a remplacé le représentant du MNSD, Moussa Harouna au sein du Comité national de révision du fichier électoral, l’un des démembrements supérieurs du fichier électoral biométrique. C’est dire que le ministre de l’intérieur et le Premier ministre ne reconnaissent qu’Albadé comme Président du MNSD. C’est la même situation au sein du CDS Rahama.

Dans ses conditions, comment pouvez-vous penser, qu’il peut avoir une union, une unité autour du Chef de l’Etat pour pouvoir combattre Boko Haram ? Nous avons dit que le Président de la République doit arrêter ce concassage des partis politiques, pour reconnaître l’opposition en tant que force politique reconnue par la Constitution et que les nigériens, tous ensemble, puissent s’unir et combattre Boko Haram. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mohamed SEIDOU : Dans votre déclaration du 12 Février 2015 vous indexez directement le Président de la République, Issoufou Mahamadou et son Gouvernement, d’être les seuls responsables de l’état de guerre que vit aujourd’hui le Niger. Avez-vous des preuves de cette accusation ?

Monsieur Ousseini SALATOU : L’ARDR travaille sur trois principes fondamentaux. Le premier principe est de ne rien faire en dehors de la loi. Le deuxième principe est de ne pas prendre des engagements qu’on ne peut pas tenir et le troisième principe qui est de dire des choses pour lesquelles il n’y a pas de preuve. Nous avons dit que c’est le Président de la République qui est à la base, en tout cas il est complice, ou plus ou moins responsable, de la situation délétère et de tout ce qui se passe autour de nos frontières. Lorsque nous prenons la guerre du Mali, vous avez vu la position du Chef de l’Etat. C’est lui qui s’est invité dans la guerre du Mali. Aujourd’hui, la situation que nous sommes en train de vivre dans le nord de Tillabéri est plus difficile pour les nigériens que ce que les soldats nigériens sont entrain de vivre sur le territoire malien. Chaque jour que Dieu fait, il y a des attaques contre les populations, notamment à Banibangou et à Ouallam, où il y a beaucoup de morts, de vols de bétails récurrents et le Gouvernement ne fait absolument rien. Tout cela est dû au fait que le Président de la République a voulu mettre en avant son leadership sous régional pour se désintéresser du Niger.

Si nous prenons le cas de la Libye, vous vous rappelez les propos selon lesquels il faut un « service après-vente ». Qu’est à ce à dire ? Le Président de la République a voulu que les puissances occidentales retournent encore en Libye, continuer la guerre alors que tout le monde privilégie, la voie diplomatique, c'est-à-dire le dialogue. Il a été mis en minorité et totalement désavoué, à l’occasion des derniers sommets qui se sont tenus sur le sujet. Ce qui se passe véritablement dans le nord du Niger, c’est qu’Agadez et alentours sont devenus un « no mans land », un lieu de tous les trafics. La chose la plus écœurante est cette situation de Boko Haram. Jusqu’à preuve du contraire, Boko Haram ne s’est jamais attaqué au territoire nigérien. Le Président de la République, avant même que l’Assemblée nationale ne vote cette loi, a annoncé partout que le Niger va entrer en guerre contre Boko Haram, alors que Boko Haram, qui occupe la frontière du Nigéria, n’a jamais voulu attaquer le Niger. Nous avions attiré l’attention du Gouvernement pour lui dire de privilégier la sécurité au niveau de nos frontières, ce qui n’a pas été le cas. Lorsque Boko Haram a commencé à attaquer le Niger ce sont les cellules dormantes de la ville de Diffa qui se sont réveillées pour prendre les militaires en sandwich. Il aurait fallu seulement que les militaires soient vigilants pour contrecarrer cette situation .Voilà, les situations que nous sommes entrain de vivre et que le Président est entrain d’exploiter. Nous comprenons aussi pourquoi il le fait. La preuve est là aujourd’hui, que depuis l’affaire « Charlie » qui a mis en difficulté le Chef de l’Etat, aujourd’hui on veut organiser une manifestation gouvernementale. En réalité, nous le disons haut et fort, aujourd’hui nous avons des informations selon lesquelles, à Diffa, des choses ont été prises entre les mains d’un certain nombre de personnes et qui mettent en connexion certaines autorités en rapport à Boko Haram. Avec le temps, ces informations vont être divulguées dans la presse.

Mohamed SEIDOU : Je pense que vous lisez les sites web tels que « Nigerdiaspora », « TamTam Info » et « Actu Niger » et on voit que votre récente Déclaration a suscité plusieurs commentaires. Certains internautes soutiennent que votre Déclaration-là n’était pas celle à laquelle ils s’attendaient en cette période de guerre.

Monsieur Ousseini SALATOU : Nous sommes en démocratie et chacun est libre de ses opinions ; mais nous pensons que, sans vouloir ne pas reconnaitre à la diaspora, un certain nombre de choses, nous disons qu’elle n’est pas véritablement informée de ce qui se passe véritablement au Niger.

Mohamed SEIDOU : Monsieur le Porte-parole, les avis dont je parle ne sont pas seulement émis par les nigériens de la diaspora.

Monsieur Ousseini SALATOU : Je me rends simplement compte que notre position est partagée par beaucoup d’acteurs de la société civile. Pas plus que ce matin, il y a eu des déclarations qui imputent la responsabilité des évènements de Diffa à la seule personne du Président de la République. Ce n’est pas seulement l’ARDR. Et chaque fois que l’ARDR anticipe pour prévenir et mettre le Gouvernement en garde par rapport à ces situations, le plus souvent, nous avons eu raison de le faire. Vous avez vu comment la presse, elle-même, a pris cette situation. Elle a eu à dénoncer l’attitude va-t’en guerre du Président de la République. Dans tout le Niger, vous allez entendre des voix qui ne sont pas d’accord l’attitude va-t-en-guerre du Président de la République. De la même façon, il y a certains qui sont entrain de le soutenir et nous comprenons que c’est cela la dynamique démocratique.

Nous considérons, au niveau de l’ARDR, des hommes et des femmes qui ont eu à gérer ce pays-là, que nous savons comment il faut prendre en compte la situation sécuritaire de notre pays. Nous ne pensons pas que parce que le Président de la République veut être le leader de la sous-région, parce qu’il veut se gargariser comme étant un chef de guerre qu’il va tenir des propos qui mettent en péril l’intérêt du Niger. Cela, nous le condamnons et nous allons continuer à le condamner.

Mohamed SEIDOU : Suites aux manifestations malheureuses qui se sont déroulées, le 16 et le 17 janvier 2015 au Niger, relativement à la participation du Président de la République à la marche républicaine du 11 janvier 2015 à Paris et au slogan « je suis Charlie », le Gouvernement nigérien vous accuse d’être juridiquement responsable. Vous aussi de votre côté, vous accusez le Président de la République d’en être le seul responsable. Alors, où se situe réellement la responsabilité ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Merci de me donner l’opportunité de parler de cette situation. Vous avez du remarquer que lorsque les évènements de Charlie se sont déroulés, notamment la visite du Président de la République à Paris, l’opposition politique ne s’est jamais prononcée sur le sujet. Moi, en tout cas, en tant que Porte-parole, de cette opposition-là, je n’ai pas eu à me prononcer sur le sujet. Nous avons estimé qu’il y a trois éléments essentiels qui concernent notre communauté et sur lesquels il faut éviter de faire des commentaires : l’ethnocentrisme, le régionalisme et la foi. Nous avons toujours jugé utile de ne pas nous prononcer par rapport à ces questions. Le Président de la République a voyagé, il a tenu ses propos et spontanément, à Zinder, le 16 février 2015, il y a eu les premières manifestations. Au lieu de chercher à calmer la situation, le ministre de l’Intérieur est sorti pour provoquer et insulter les gens de Zinder. Il a prévenu que les gens de Niamey qui veulent sortir verront l’Etat prendre toutes les dispositions pour que leur manifestation n’ait pas lieu. Alors même que les gens à Niamey ont bien dit qu’ils ne feraient qu’une simple prêche, le ministre a dit cela n’aura pas lieu. Voilà ce qui s’est passé. Et le 17 février 2015, les marabouts sont partis à la mosquée, ils sont sortis et à partir de là les hostilités ont commencé. En tant que Porte-parole, je me rappelle le jour là que j’étais en classe entrain de dispenser mon cours de philosophie. Toute la ville s’est embrasée. Le ministre de l’Intérieur qui a fait la provocation et qui a dit avoir pris toutes les dispositions, a été incapable d’amener la sécurité, au niveau les lieux de culte, au niveau des boutiques. Il y a eu le feu de 9 h à 15 h et il n’y a eu aucun élément des forces de sécurité.

Mohamed SEIDOU : Alors qu’en est-il des images, vidéo et photo, où apparaissent certains membres de l’opposition en pleine action, en brûlant des pneus ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Non. Il y a eu un montage. Je vais vous dire de quoi il s’agit. Nous avons prévu une manifestation le 18 février 2015 et le 17 février 2015 il y a eu cette manifestation contre Charlie. Le 17 février 2015, au soir, nous nous sommes rencontré et nous avons analysé la situation par rapport au maintien ou à la levée de notre mot d’ordre. Nous sommes une opposition responsable. Voilà un pouvoir qui refuse à ce que l’opposition marche de façon systématique. Nous avons analysé la situation et nous n’avons rien à voir avec les évènements du 17 février 2015. Nous avons dit que nous maintenons notre marche et nous allons la faire. En tant que Porte-parole, j’ai rédigé le communiqué de presse invitant nos militants à la marche, vers 21 heures. A 00 H 50, j’ai été enlevé chez moi. La marche a eu lieu, les gens ont été gazés et certains ont été arrêtés. Monsieur Youba DIALLO dont ont dit avoir la photo entrain de brûler des pneus, a été victime d’une manipulation des services de renseignement. C’est une photo du 18 février 2015 et non du 17 février 2015. Il partait chez Mahamane Ousmane et il y a trouvé des gens entrain de mettre le feu. Il il s’est arrêté pour les dissuader, les manifestants et les services de renseignement qui étaient sur place ont pris sa photo et l’ont présenté comme une photo prise la veille. Le 17 février 2015, Monsieur Youba DIALLO n’a pas mis la tête hors de chez lui. La preuve, lorsque nous avons passé devant la justice, on nous a libéré pour la marche du 18 et on nous accusé pour la marche du 17 février 2015. Le juge a jugé utile de nous libérer parce qu’il a estimé que nous n’avons rien à voir avec les évènements du 17 février 2015. Je vous informe qu’aucun militant de l’ARDR n’est en prison aujourd’hui par rapport aux évènements du 18. Et parmi les personnes qui ont été arrêtées le 17 février 2015, il n’y a pas des militants de l’opposition politique. La justice a eu à trancher, elle a libéré tout le monde. En réalité, ce qui s’est passé le 17 février 2015 n’est qu’un dépit, une révolte contre la gouvernance politique au Niger. Sinon pourquoi s’attaquer au siège du PNDS-Tarayya ? Ils ont voulu remettre les violences sur le dos de l’opposition politique mais cela n’a pas pu prospérer parce que les confessions chrétiennes, les catholiques et les protestants, ont bien compris que nous n’avons rien à voir avec ce qui s’est passé.

Mohamed SEIDOU : Quand le Président de la République a voulu se rendre à Paris, pour prendre part à cette marche républicaine, avez-vous été consulté ? Avez-vous eu à exprimer vos inquiétudes au peuple, ou au Président de la République, en sachant bien que le Niger est un pays majoritairement musulman ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Le Président de la République voyage chaque jour. Nous avons apprécié ce voyage comme tous les voyages qu’il effectue. Le problème, n’est pas sa présence à Paris mais le fait d’y avoir dit qu’ « il est Charlie ». Voilà, l’expression qui a déclenché toutes ses manifestations.

Mohamed SEIDOU : Mais n’avez-vous pas été consulté ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Nous n’avons pas été consultés avant son voyage sur Paris.

Mohamed SEIDOU : Avez-vous exprimé vos inquiétudes au peuple nigérien ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Si vous m’aviez bien suivi, nous avons dit que pour nous, il y a trois choses à propos desquelles nous ne faisons pas de la polémique, notamment la religion. Si nous avions dit que le Président de la République ne devait pas voyager, et que les évènements se soient produits après, nous aurions être accusés d’être les instigateurs de cette situation déplorable. Nous ne nous sommes jamais prononcé, ni avant, ni au début, ni pendant, ni après les évènements. J’étais en prison quand l’ARDR a publié une Déclaration dans laquelle elle a présenté sa compassion et ses condoléances à toutes les victimes. Nous avons évité de nous prononcer sur le sujet parce qu’il est extrêmement sensible dans notre pays.

Mohamed SEIDOU : Selon le Porte-parole du Gouvernement, le ministre de la Justice, Marou Amadou, sur cette même antenne, « être Charlie le jour-là, c’était être pour la liberté d’expression et être contre le terrorisme ».

Monsieur Ousseini SALATOU : Mais, ils n’ont pas été en mesure de le dire aux nigériens. Lorsque, les évènements se sont produits, notre Premier ministre a rencontré les oulémas. Il aurait été utile à cette occasion, pour lui, d’avoir le courage de dire aux nigériens ce que être Charlie voulait dire. Non. Ils ont rencontré les oulémas pour présenter leurs excuses parce qu’ils savent qu’ils ont mal fait. Ils peuvent dire ça à l’extérieur mais pas au Niger.

Mohamed SEIDOU : Monsieur le Porte-parole, permettez-moi de vous poser une question simple. Etes-vous Charlie ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Je ne suis pas Charlie. Je suis tout simplement nigérien, parce que tout simplement pour moi, je le dis en mon nom personnel, Charlie c’est celui-là qui a cherché à caricaturer le Prophète Mohamed (PSL). Je me rends compte que même le Pape a eu à dire que vous n’avez pas le droit, sur la base de la liberté d’expression de vous attaquer à la foi des autres. Je suis du même avis que lui. Je suis philosophe de formation ; je pense qu’il faut avoir de la tolérance à l’égard des autres.

Mohamed SEIDOU : La coalition au pouvoir au Niger, la MRN a appelé le jeudi 12 janvier 2015 à manifester pour le 17 janvier 2015 dans tout le pays contre Boko Haram et pour soutenir les forces de sécurité. L’ARDR participera-t-elle à cette marche ?

Monsieur Ousseini SALATOU : J’aimerais apporter une rectification. L’idée de la marche ne vient pas de la coalition au pouvoir. L’idée de la marche vient particulièrement du Gouvernement, parce qu’il faut faire la différence entre la MRN et le Gouvernement. Ce ne sont pas tous les membres de la MRN qui sont au Gouvernement. Dans le communiqué qu’ils ont publié, ils ont écrit que c’est le Gouvernement qui appelle les citoyens nigériens à marcher. Je précise bien qu’il s’agit d’une marche organisée par le Gouvernement. Et pour cette marche, nous tenons à faire savoir, que nous n’avons pas été consultés. Il y a eu une réunion autour de la personne du Premier ministre et je vous ai brossé le contexte qui a prévalu à ce niveau, et nous n’avons pas jugé utile d’y prendre part. Et pour ceux qui y ont été quand même, on les a juste informés de la date de la marche à laquelle on leur demande de prendre part. Nous avons appris avec nos députés qu’à l’Assemblée nationale, on demande à ce que des députés soient désignés pour accompagner les délégations ministérielles qui vont se rendre dans les régions ; c'est-à-dire que chaque ministre va partir dans sa région. Et quand vous faites l’état des lieux de l’architecture gouvernementale, vous allez vous rendre compte que le PNDS a dans chaque région, un ou deux ministres ; ce qui concrètement veut dire qu’il s’agit d’une marche qui va être organisée par le PNDS-Tarayya pour soutenir le Gouvernement. C’est cela la réalité.

Ensuite, nous n’allons pas participer à cette marche parce que nous estimons au niveau de l’opposition qu’en 2014, nous avons eu à demander des autorisations de marche et cela nous a été refusé. Nous sommes partis à Zinder et à Maradi pour organiser des marches, cela nous a été refusé malgré que des décisions de justice nous y autorisent. L’élément fondamental qui a été évoqué pour nous empêcher de marcher était qu’il y avait l’insécurité et que des éléments de Boko Haram sont susceptibles de nous infiltrer. Enfin, le Gouvernement a aussi argué de l’insuffisance des éléments nécessaires à l’encadrement de nos marches pour nous empêcher de marcher.

Je suis donc surpris que aujourd’hui, où la situation est ce qu’elle est que le Gouvernement veuille organiser une marche de 17 millions de nigériens. Vous comprendrez qu’il y a quelque chose qui ne va pas et cette marche n’a aucun sens. Nous avons pris la décision de ne pas exposer nos militants. Nous leur avons demandé de ne pas sortir, de rester chez eux et de prier pour le Niger et ne pas participer à une marche folklorique dont le seul but est de soutenir un Président en mal de popularité depuis qu’il a dit qu’il était Charlie.

Mohamed SEIDOU : En cas d’insécurité et que le Gouvernement décide de reporter les élections, quelle sera la réaction de l’ARDR ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Nous avons déjà donné notre position dans notre Déclaration. Le Gouvernement voudrait bien nous conduire dans une situation où il nous dirait qu’il est difficile, sinon impossible de tenir les échéances électorales. Nous avons compris ce jeu et nous l’avons dénoncé. Nous sommes depuis plus d’une année dans le débat sur le fichier électoral biométrique. Nous nous rendons à l’évidence que le Gouvernement va laisser tomber ce fichier électoral biométrique parce qu’il a refusé de donner les moyens au Comité chargé de l’élaboration de ce fichier-là. Donc, il n’y a pas de fichier électoral biométrique. Il n’y aura pas de fichier parce que l’ancien fichier qui a servi organiser les élections de 2010 est un support anormal. L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a déjà eu à dire que ce fichier doit être repris. Cela veut dire qu’en l’état actuel, c'est-à-dire à un an des élections au Niger, il n’y aura pas de fichier, ni biométrique, ni classique. Le Gouvernement a sciemment crée cette situation pour que en novembre 2015, il puisse dire qu’il n’y aura pas d’élection. Vous combinez cette situation avec l’insécurité qu’on crée de manière artificielle, nous le disons haut et fort, vous avez la base pour ne pas aller aux élections. Mais nous sommes déterminés au niveau de l’opposition politique, à faire la veille démocratique, et à ce que , si au 7 avril 2016, des élections ne sont pas tenues, que le Président de la République soit obligé de quitter.

Mohamed SEIDOU : Quelle est la place de la diaspora dans vos actions politiques au sein de l’ARDR ?

Monsieur Ousseini SALATOU : il faut reconnaitre fondamentalement que ce sont les grands partis de l’ARDR qui sont en contact avec la diaspora, notamment le MNSD, le Lumana. Aux congrès de ces deux partis, la diaspora a réalisé une participation efficace et satisfaisante. Au niveau du MNSD, grâce à la diaspora, il y a une connexion à internet et au wifi depuis une semaine. Au niveau de Lumana, la diaspora est une coordination, c’est à dire comme une région administrative. Les rapports entre la diaspora et l’ARDR sont des rapports très suivis. Nous échangeons régulièrement et nous sommes au courant du travail que ces nigériens-là font. Je profite de cette occasion, au nom de tous les leaders de l’ARDR et de tous les militants de l’ARDR pour renouveler à la diaspora toutes nos félicitations et tous nos remerciements.

Mohamed SEIDOU : Je vais donner la parole à certains de nos auditeurs dont un indépendant, M. Tahirou Adam qui est à Michigan.

M. Tahirou Adam : M. Salatou, j’ai écouté sur BBC le ministre de la défense soutenir que les militaires nigérians ont peur de Boko Haram et que les nigériens sont plus actifs et à même de combattre cette secte. Comment le Niger va réussir là où le Nigéria est entrain d’échouer ? Que fait l’opposition pour attirer l’attention du ministre de la Défense sur cette situation ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Merci. Dans notre toute dernière déclaration, nous avons fait des recommandations au titre desquelles, nous demandons au Président de la République et au Gouvernement d’éviter de tenir des propos qui peuvent avoir des conséquences, et pour nos soldats et pour nos populations. Les mises en garde de l’opposition le sont sur des bases réelles. Nous continuons à dire que ce sont les propos va-t’en guerre de nos dirigeants qui sont la source de nos problèmes, aussi bien du Président de la République que d’un certain nombre de ministres. Le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires Etrangères, sont des personnalités qui ne savent pas parler et qui ne savent pas se taire. Je pense que nous n’avons pas le droit de créer des situations de tensions entre le Nigéria et nous. Même si le Nigéria a des problèmes avec Boko Haram, cela ne veut pas dire que le Nigéria n’est pas une force armée. En tout cas au niveau de la sous-région, c’est l’une des meilleures armées. Ceci est la confirmation de ce que nos autorités sont responsables d’un certain nombre de situations uniquement à travers la parole. Et nous avons toujours attiré leur attention, mais malheureusement chaque jour que Dieu fait, ils posent des actions qui enveniment la situation entre les citoyens nigériens et les autres peuples du monde.

Mohamed SEIDOU : Quel est le message de l’ARDR à l’endroit de la diaspora ?

Monsieur Ousseini SALATOU : Nous voulons dire à la diaspora du Niger que l’Opposition politique, l’ARDR est une Opposition véritablement responsable. Ce que nous apprécions beaucoup, c’est que la diaspora est très active sur les réseaux sociaux. Cela nous dénote de l’intérêt que ces nigériens ont pour ce qui se passe au Niger, c’est la preuve que malgré les océans qui nous séparent, grâce aux réseaux sociaux, c’est comme s’ils sont au Niger. Nous leur demandons véritablement à s’informer et de ne pas hésiter à nous contacter. Je vous donne l’autorisation de donner mon numéro de téléphone, à tous, de l’opposition, de la majorité et des indépendants pour plus d’information. Nous leur donnons l’assurance que nous allons nous battre pour que l’Opposition puisse continuer à jouer son rôle de veille démocratique parce que ce qui se passe maintenant au Niger est extrêmement grave et sans précédent dans notre histoire. La démocratie a subit les assauts d’un pouvoir auquel le peuple nigérien a donné toute sa confiance. Nous leur demandons de ne pas se laisser intoxiquer par ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Il y a beaucoup d’intoxication surtout par la télévision nationale, qui n’est même plus une télévision nationale, mais une simple télévision du PNDS-Tarayya. Et cela est anti-démocratique parce que la télévision nationale doit être à la disposition de tout le monde. Nous sommes à la disposition de nos compatriotes que nous encourageons. Je profite de l’occasion pour féliciter votre radio et vous-même pour cet effort que vous avez fait en nous donnant la parole et nous permettre d’être en contact avec vous.

Mohamed SEIDOU : Avant la fin de notre entretien, permettez-moi de donner la parole à un représentant du PNDS-Tarayya, Monsieur Tahirou Ibrahim GARKA.

Monsieur Tahirou Garka : Bonsoir. Je viens à l’instant même de me connecter et sincèrement je n’ai pas suivi tous ses propos, mais il semble dire que la démocratie au Niger est en danger et que nous n’avons jamais connu un régime tel que celui qui est en place actuellement, dans l’intoxication du peuple. Je dis que c’est de bonne guerre, au Niger la lutte entre l’opposition et la mouvance ne date pas d’aujourd’hui. Par rapport à son intervention, je n’ai pas de question, mais je vais faire des commentaires. Par rapport à l’intoxication dont on parle, s’il y a une opposition qui a déformé, qui a intoxiqué le peuple nigérien, il n’y a pas comme l’ARDR. Jamais dans l’histoire politique du Niger, nous n’avons connu une opposition qui se comporte avec autant de légèreté par rapport à la question de la sécurité nationale, dans un premier temps. A un moment donné, le Président de la République a demandé à tous les partis politiques du Niger de se regrouper et de former un véritable gouvernement d’union nationale avant que la question sécuritaire ne s’aggrave. Chacun a interprété ça de sa manière, les gens ont refusé et maintenant voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Mais, depuis le départ de Lumana de la mouvance présidentielle nous savons comment le leader de ce parti a essayé de présenter Mahamadou ISSOUFOU comme Hitler, comme un dictateur. Ce n’est pas le cas véritablement. Mahamadou ISSOUFOU n’a pas fait un holdup. On ne peut pas comparer le régime de Mahamadou ISSOUFOU à celui de Baré MAINASSARA ; le Porte-parole de l’ARDR semble oublier l’histoire politique récente du Niger quand il fait certaines comparaisons. Aujourd’hui, même si tout n’est pas rose, il y a quand même des avancées démocratiques dans notre pays. Il y a la liberté d’expression qui est une réalité. Notre pays occupe un bon classement dans le domaine de la liberté de la presse.

Mohamed SEIDOU : Monsieur le Porte-parole, vous venez d’entendre le président de la Section du PNDS-Tarayya aux USA.

Monsieur Ousseini SALATOU : Je remercie Tahirou d’avoir donné son point de vue. J’ai surtout remarqué son discours dubitatif et hésitant dans l’argumentaire développé par mon ami qui semble chercher ses mots. J’aimerais simplement lui dire que je n’aime pas revenir sur cette idée de gouvernement d’union nationale dont la notion a été galvaudée. Vous vous souvenez que le Secrétaire Général, lorsqu’il a eu à donner la liste des membres du Gouvernement a eu à parler de Gouvernement de large ouverture et non d’un Gouvernement d’union nationale. Si c’est au nom de la sécurité que le Président de la République voulait de ce gouvernement d’union nationale, il faut bien se demander s’il n’a pas eu l’effet contraire ?

Lorsque nous disons que sous le régime de ISSOUFOU, la démocratie est en recul, je vais demander à mon frère et ami, s’il peut accepter en toute responsabilité, que dans un pays démocratique on puisse dire qu’un parti politique a deux têtes ; une tête dans la majorité et une tête dans l’opposition. Je pense qu’honnêtement, nous ne demandons que le respect des textes de la République. L’article 2 de du statut de l’opposition politique stipule que l’opposition politique se compose de tous les partis politiques et regroupements de partis politiques qui ont décidé de ne pas aller au Gouvernement ou de ne pas soutenir l’action u Gouvernement. A partir du moment où vous dites que vous êtes au Gouvernement ou que vous soutenez l’action du Gouvernement, vous n’êtes plus à l’Opposition. Ce que l’Opposition demande, c’est que les gens peuvent aller soutenir le Président ISSOUFOU, ce sont des nigériens. Mais nous ne pouvons pas accepter que vous êtes à la fois dans l’Opposition et dans la Majorité. Nous voulons qu’on mette fin à cette situation dans laquelle le Président de la République se complait. Je pense que mon ami Tahirou a suivi Bazoum (le ministre des Affaires Etrangères) lorsque les députés ont voté la résolution à l’Assemblée nationale. Bazoum a reconnu publiquement qu’il faut mettre fin à cette situation de crise qui est réelle. Je n’aime pas que nos amis qui sont dans un pays très démocratique comme les USA ne voient pas cet état de fait avec un esprit critique et qu’ils soient englués dans la propagande du PNDS. Ce ne serait pas intéressant. Vous avez le devoir, vous qui êtes à l’extérieur d’être critique par rapport à ce qui est entrain de se passer. Où avez-vous vu quelque part où on dit que le Chef de file de l’Opposition politique n’a pas de parti politique ? Cela est-il explicable ? Vous aux USA, pouvez-vous expliquer cela en face de vos partenaires ? Aujourd’hui, l’Opposition est systématiquement censurée. Elle n’a plus le droit de passer sur la télévision publique, la radio publique. Est-ce que vous pensez que cela est normal ? Peut-être, va-t-on me répondre, que des régimes ont fait cela par le passé, mais nous voulons avancer. Nous ne sommes pas entrain d’accuser, gratuitement, le Président de la République ou son parti. Nous disons ce qui est. Si le Président de la République le veut, dès demain, il peut mettre un terme à cette confusion-là. Il n’a qu’à demander à ceux qui sont avec lui de le rejoindre dans la Majorité et que ceux qui ne le soutiennent pas se retrouvent dans l’Opposition politique. Voilà toute la question.

Mohamed SEIDOU : Merci Monsieur Ousseini SALATOU. Je rappelle que vous êtes le Porte-parole de l’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR). Vous avez le mot de la fin.

Monsieur Ousseini SALATOU : C’est avec plaisir que j’ai répondu à votre invitation. J’aurai voulu qu’il ait beaucoup d’interventions, à l’image de notre ami du PNDS, pour que nous puissions échanger et que les nigériens, où qu’ils soient, aient la vraie information.

Mohamed SEIDOU : Prochainement vous serez notre invité pour un débat.

Monsieur Ousseini SALATOU : J’agis peut être par déformation professionnelle, je suis philosophe de formation et j’estime que l’essence de la démocratie, c’est le logos, c’est le dialogue et non les coups de poings. En échangeant dans un débat dialectique, nous pouvons nous comprendre. Je finis en disant que nous espérons que la diaspora va mieux s’informer par rapport à ce qui est en cours au Niger et faire la part des choses entre le vrai et le faux et avoir un esprit beaucoup plus critique. Je vous souhaite véritablement bonne chance à vous personnellement, bonne chance à tous nos frères et sœurs. Que Dieu nous garde. Amen.


Propos recueillis par Mohamed SEIDOU.

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