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Le Sahel N° 8865 du 26/1/2015

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Madame Maïga Amsou, présidente du Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles (CONIPRAT) : « Pour le cas précis de l’excision, la résistance au changement s’observe surtout dans les régions de Tillabéri et Niamey »
Publié le vendredi 27 fevrier 2015   |  Le Sahel




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Le 6 février passé, a été célébré la Journée Internationale de la tolérance zéro aux mutilations génitales. Madame la présidente du CONIPRAT, faites-nous la genèse de cette journée.
En fait, le 6 février a été retenu lors d'une conférence régionale des Chefs d'Etat et de Gouvernement en 2003 à Addis Abéba (Ethiopie), où le Niger était représenté. Donc au cours de cette journée, le Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants, qui est en fait l'organisation continentale regroupant au moins 26 comités nationaux à travers l'Afrique (c'est-à-dire tous les pays où se pratiquent l'excision), a posé le problème des Mutilations Génitales Féminines ou MGF et a sollicité qu'il y ait une journée spéciale consacrée à celle-ci pour sensibiliser le maximum de personnes et d'institutions sur les MGF.
C'est ainsi que le 6 février fut retenu comme Journée Internationale pour lutter contre les MGF, et depuis 2003, le CONIPRAT n'a pas failli. Chaque année, nous fêtons cette journée dont cette année consacre la 12ème édition. Pour cette édition de 2015 dont le thème est : ''Mobilisation et implication des professionnels de la Santé pour accélérer l'atteinte de la tolérance zéro aux MGF, plusieurs activités ont été organisées dont 2 ont été déjà réalisées à savoir une conférence débat sur les MGF présentée par le professeur Madi à l'intention des élèves des écoles de formation en santé et la 2ème conférence a été conjointement organisée par le CONIPRAT et l'Association Nigérienne des Pédiatres (ASNIPED) présentée par Docteur Roubanatou Abdoulaye qui a regroupé les professionnels de la santé. Toutes ces deux conférences ont été appuyées par la projection de documentaires et elles ont été financées par l'OMS et Animas-Sutura.

Parlez-nous des contraintes que le CONIPRAT rencontre dans la lutte contre les MGF.
Vous savez que dans toute activité, il y a des contraintes, mais pour le CONIPRAT, le plus dur est passé parce qu'au début, quand on parlait de MGF, on ne nous croyait même pas ; les gens pensaient qu'on le faisait pour avoir de l'argent ; les contraintes qu'on rencontrait à l'époque, c'était surtout pour avoir un local parce qu'une ONG sans local n'a pas d'identité ; cela a été une grosse difficulté parce que les partenaires ne veulent pas financer le local. Heureusement, l'Etat nous a donné un terrain qui a été mis en valeur avec l'appui de la Coopération Italienne, mais après, la contrainte qui s'est posée, c'est l'appui institutionnel parce que qui dit local dit fonctionnement.
Aussi, nous avons demandé au Gouvernement un appui de l'Etat comme par exemple une subvention pour pouvoir prendre en charge les parties que les partenaires ne financent pas tels que les salaires du personnel d'appui. Par ailleurs, les plaques d'immatriculation des véhicules des ONG ne sont plus exonérées par l'Etat, ce qui ne facilite pas les choses pour les ONG.
Dans quelles communautés et dans quelles régions du Niger rencontre-t-on le plus de résistance à l'abandon des Mutilations Génitales Féminines (MGF).
Au Niger, pour le cas précis de l'excision, la résistance au changement s'observe surtout dans les régions de Tillabéri et Niamey. En effet, l'exciseuse qui récidive chaque fois est de Tillabéry, et elle vient même jusqu'à Niamey pour exciser. Cela fait 3 à 4 fois que nous portons plainte contre elle. Parmi les praticiennes, c'est elle qui nous donne du fil à retorde. Mais heureusement, avec la dernière plainte le 11 novembre dernier, ils ont pu l'écrouer. Mais les autres complices, c'est-à-dire les parents, courent toujours. Depuis 2000, l'on a commencé la reconversion des exciseuses, mais ce sont toujours les mêmes communautés qui continuent à le faire.
Dans le 5ème arrondissement de Niamey, la dernière fois, une dizaine de villages était impliquée dans des problèmes de mutilations où 37 fillettes ont été excisées. Et ce n'est pas la première fois puisque régulièrement, on est confronté à cette résistance. Malheureusement, il y a une loi qui est là mais qu'on n'arrive pas à appliquer.
Et nous avons essayé toutes les stratégies de lutte, de sensibilisation à l'endroit de ces mêmes communautés, mais il y a foncièrement la volonté de résister au changement et elles le disent en ces termes : ''C'est notre coutume, c'est notre tradition, on ne peut pas l'abandonner''. Donc, moi je me dis qu'elles ne le font pas par ignorance, puisqu'elles sont lettrées et sensibilisées ; elles connaissent les méfaits de ces pratiques, mais refusent quand même de les abandonner. Or, quand on vous démontre qu'une tradition est néfaste, il faut l'abandonner; si les temps ont changé, l'homme doit changer aussi.
Quelles peuvent être les conséquences des Mutilations Génitales Féminines (MGF) sur la santé des victimes ?
Il y a beaucoup de conséquences, des conséquences immédiates et des conséquences à long terme. Immédiatement, c'est la douleur d'abord, parce que cela se fait sans anesthésie. Il y a l'hémorragie et certaines victimes meurent sur le champ ; il y a l'infection parce que ce sont des matériels non stérilisés qui sont utilisés, donc il y a de grands risques de contamination comme par exemple le SIDA. Du point de vue de la vie sexuelle, il y a problème parce que
les victimes ressentent des douleurs pendant les rapports, au moment des accouchements elles peuvent perdre leur bébé à cause des souffrances fœtales et avoir des déchirures de façon très dommageables pour l'organisme. Donc, les excisées peuvent avoir plusieurs sortes de complications.
En dehors des MGF, quels sont les autres domaines d'intervention du CONIPRAT ?
Vous savez, même quand on va dans les villages et hameaux pour sensibiliser, on ne se contente pas seulement de sensibiliser sur l'excision, mais on sensibilise aussi les populations sur toutes les autres pratiques à savoir: le mariage précoce, l'ablation de la luette, les scarifications, le relèvement du col utérin, etc.
Cependant, il y a aussi les pratiques positives sur lesquelles nous menons des sensibilisations afin qu'elles ne soient pas abandonnées. C'est par exemple l'allaitement maternel auquel les pays occidentaux ont recours aussi maintenant à cause de ses avantages ; le port des enfants au dos parce que c'est démontré que cette pratique crée et renforce les liens entre la mère et l'enfant ; il y a aussi le repos ou quarantaine après l'accouchement qui permet à la femme de se reposer, de profiter de son enfant, etc...
En un mot, la sensibilisation continue...
Oui ! Et je remercie les médias parce qu'ils nous aident beaucoup à diffuser et à sensibiliser, donc ils contribuent à la lutte. Ils ne doivent pas se contenter des journées instituées, mais qu'ils doivent, de temps en temps, faire des reportages afin de contribuer davantage à la lutte contre ces pratiques. Nous souhaiterions que les journalistes prennent l'initiative de parler de ces pratiques là en les insérant dans leurs plateformes d'activités. Donc nous remercions très sincèrement les médias, qui, depuis quelques années, s'y mettent davantage, et nous les invitons à continuer dans le même sens. Et au gouvernement, nous demandons de donner les moyens pour appuyer l'ONG afin de l'aider à la prise en charge du personnel d'appui.

Zeinabou Gaoh

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