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Une ex-esclave domestique nigérienne raconte son calvaire à Paris
Publié le jeudi 25 juillet 2013   |  Actu Niger




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Une jeune fille a été transformée en bonne à tout faire dès l'âge de 11 ans par sa tante. Un crime de "réduction en esclavage" doit être adopté définitivement ce jeudi au Sénat.

"Je n'avais pas le droit de parler aux gens": transformée en "bonne à tout faire" à 11 ans, une ex-esclave domestique raconte ses sept années de calvaire en France. Une situation à laquelle le Parlement espère mettre fin en créant un crime de "réduction en esclavage". Ce nouveau crime instauré dans le droit pénal doit être adopté définitivement ce jeudi 25 juillet au Sénat et sera passible de jusqu'à 30 ans de prison.

Venue du Niger passer des vacances chez sa tante en région parisienne avec un visa de trois mois, Nafissa (prénom modifié) n'est jamais repartie. C'était en 2000. Il lui a fallu sept ans pour retrouver sa liberté et neuf pour obtenir une condamnation. Son cas n'est pas isolé, mais le nombre de victimes est difficile à déterminer tant le phénomène, qui touche tous les milieux, reste à l'abri des regards dans le huis-clos des foyers. Le Comité de lutte contre l'esclavage moderne (CCEM) reçoit plus de 200 signalements par an, selon sa présidente Sylvie O'Dy.

"De la nourriture avariée"

"Les victimes sont très souvent mineures et viennent principalement d'Afrique de l'Ouest", explique-t-elle. "Elles espèrent trouver en France une vie meilleure. C'est une population vulnérable et qui ignore la plupart du temps tout de notre pays et de ses lois. Elles sont donc des proies faciles pour des gens sans scrupules".

"Au début, cela se passait bien", raconte Nafissa. Mais quand la fillette demande à rentrer chez elle, sa tante change d'attitude. "Je n'avais pas le droit d'aller à l'école ou de parler aux gens. Du matin au soir, je faisais le ménage, m'occupais des petits âgés de un et trois ans. Très violente, ma tante me faisait peur. Elle me menaçait en me disant: je vais t'envoyer la tête contre le mur", raconte la jeune femme de 25 ans.

"Elle n'a jamais reconnu ses torts"

Elle devait faire la lessive à la main malgré la présence d'une machine. "Je devais aussi faire à manger. Mais moi, je n'avais droit qu'aux restes. Parfois, elle me donnait de la nourriture avariée et si je la refusais, je n'avais rien pendant une semaine", assure-t-elle. Quand elle réussit à joindre ses parents par téléphone en 2003, ils ne l'ont pas crue. "Au Niger, la parole des enfants n'a pas d'importance".

En 2007, elle a une violente crise d'asthme. Refus de l'envoyer consulter. Nafissa prend peur. "C'était un vendredi, je me suis dit: soit je me suicide, soit je me sors de là". Avec l'aide d'une voisine, elle s'échappe, puis porte plainte. En septembre 2009, sa tante est condamnée en appel à deux ans avec sursis et à 18.000 euros de dommages et intérêt. "Elle et son mari, professeur d'université à Nîmes, n'ont jamais versé un centime, se rendant insolvables. Mais le pire pour moi, c'est qu'elle n'a jamais reconnu ses torts", dit Nafissa.

"Esclavagisées" pendant quatre ans par leurs oncle et tante

La jeune femme a obtenu en 2011 un travail dans une maison de retraite après des cours d'alphabétisation et une formation. Le CCEM, qui l'a aidée pour son procès, lui a obtenu une carte de séjour. Dans des cas semblables, la France a été condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour avoir failli dans sa lutte contre le travail forcé.

Lors de la dernière condamnation, en octobre 2012, la Cour avait été saisie par deux orphelines tutsis originaires du Burundi, "esclavagisées" pendant quatre ans par leurs oncle et tante. En 2007, les époux avaient été jugés coupables en correctionnelle, avant que le mari, ancien ministre du gouvernement burundais et fonctionnaire à l'Unesco, ne soit disculpé en appel.

En condamnant la France à payer 30.000 euros à l'une des orphelines, la Cour avait constaté une violation de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme interdisant l'esclavage. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) avait aussitôt alerté le gouvernement et le Parlement sur la nécessité "de compléter le code pénal afin de renforcer l'efficacité" des sanctions.

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