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Le Niger conforte son statut de «laboratoire de la démocratie en Afrique»
Publié le samedi 24 aout 2013   |  Citoyen Nigérien




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Décidément, le Niger n’a pas fini de nous surprendre. Expérience après expérience, ce vaste pays sahélien, aura en l’espace de cinq décennies, testé la plupart des options consacrées par la République « à la française ». Coups d’Etat, dictature, Soulèvements populaires, cohabitation, motion de censure, élections douteuses, élections libres et justes etc., autant d’évènements qui se produisent à un rythme impressionnant. Le dernier coup d’éclat qui secoue le microcosme politique de ce pays fait pointer la menace de nouvelles turbulences.

En effet, depuis quelques jours, le gouvernement d’Union Nationale (ou « gouvernement de large ouverture »), mis sur pied par le président nigérien Mahamadou Issoufou, fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause ! Ce gouvernement, le premier du genre (du moins officiellement, puisqu’à l’issue de la Conférence nationale de 1991, l’équipe constituée par Cheffou Amadou rassemblait des ministres issus de tendances très diverses) a accueilli en son sein des personnalités pour certaines controversées. C’est le cas de M. Albade Abouba, ministre de l’Intérieur et proche ami de l’ancien Président Tandja Mamadou, renversé par un coup d’Etat militaire alors qu’il tentait de modifier la Constitution pour rester au pouvoir. Il en est de même pour Wassalke Boukari, plusieurs fois ministre dans les Régimes précédents, présenté par certains comme une figure emblématique de la gérontocratie qui prévaut dans ce pays, où le renouvellement de la classe politique semble inenvisageable. Il est donc légitime de s’interroger et même, de critiquer les choix du Président Issoufou. Et c’est ce que font beaucoup d’analystes en tentant de démontrer en quoi cette option est malvenue et infondée. Cependant, les arguments qu’ils avancent me paraissent d’une pertinence relative. Il serait, en effet, tout aussi intéressant de s’interroger sur les motivations véritables de ce président et par la même, de porter un regard critique sur la situation politique globale du Niger. Et là, comme nous le verrons, les choses ne sont pas aussi simples…

Ø Le gouvernement d’Union Nationale, un leitmotiv chez Mahamadou Issoufou

Ceux qui connaissent le parcours politique de celui que les Nigériens surnomment « zaki », le lion, savent que ses discours ont toujours été offensifs tout en s’efforçant de sortir des cadres traditionnels dans lesquels s’enfermaient ses congénères. Sa ligne politique a toujours été claire, constante : donner au Niger la stature d’un Etat qui compte et redonner aux Nigériens la fierté d’appartenir à une nation grande par son histoire. En homme d’Etat averti, il a toujours préféré le dialogue au jusqu’auboutisme. C’est sans doute cette qualité essentielle qui lui a permis de se hisser à une place stratégique dans la diplomatie internationale et de pouvoir développer des relations très fructueuses, à la fois avec Washington et Bruxelles et avec Istanbul et Téhéran. C’est ainsi qu’il a été invité au sommet du G8 à Deauville, à la Maison blanche par Barack Obama ; puis a reçu sur le sol nigérien l’ancien Président iranien Mahmoud Ahmadinejad ainsi que le Premier ministre Turc Recep Tayip Erdogan. Une prouesse que même ses plus fervents pourfendeurs saluent volontiers. C’est peut-être la preuve qu’en dépit de ce qu’en disent certains, le lion n’est pas mort.

Mahamadou Issoufou l’a dit et répété : sortir le Niger du gouffre passera à la fois par la diversification des partenariats avec les pays amis, les institutions internationales et le renforcement des atouts internes. Justement, l’un de ces atouts n’est-il pas l’esprit d’ouverture et de responsabilité des fils et des filles du pays ?

En effet, il est compréhensible que dans un Etat épris de paix et de liberté, les gouvernants puissent en appeler à la responsabilité de chacun, à la base comme au sommet, pour remettre le pays sur les rails et le réconcilier avec le progrès et l’optimisme. Je le réaffirme, c’est une très bonne idée. De mémoire de Nigérien, aucun responsable politique, depuis l’avènement de la démocratie, n’est allé au-delà des discours et des déclarations d’intention pour unir les citoyens dans les moments de crises profondes, si fréquentes dans ce pays. Issoufou l’a fait, mais encore une fois, il doit faire face à l’irresponsabilité et à l’égoïsme d’une « caste » politique qui ne soucie que de son escarcelle et de son goût déraisonné du pouvoir.

Au lieu de saboter les travaux engagés, ils feraient mieux d’en contrôler la réalisation. C’est cela un acte de vérité et de responsabilité.

Ø Une démocratie qui n’est qu’à ses balbutiements et qui peine à être efficace

L’une des limites les mieux admises des systèmes démocratiques est la tyrannie de la majorité. La souveraineté du peuple, son omnipotence est devenue la cause et la conséquence de toutes les décisions. On l’évoque, on l’invoque, on le manipule au gré des intérêts qu’on défend. A une époque, maintenant lointaine, c’était le suffrage censitaire. Aujourd’hui, chaque citoyen a une voix : l’heure est au suffrage universel. On gouverne à coup de pourcentages ; quand on en a quelques uns de plus que l’adversaire, on devient, de fait, le champion, celui par lequel s’exprime la masse. On clame alors que les fils et les filles du pays ont fait leur choix. Et on leur accorde même le droit à l’erreur, pourvu qu’ils patientent le temps d’un quinquennat. Ils jugeront les actions du régime et revoteront. Entre temps, on soigne sa cote de popularité, on fait des aménagements de circonstance. Et en général, quand arrive l’heure du vote, les citoyens auront à choisir entre un membre du gouvernement qui a été sanctionné par les urnes et le président actuel. Autant dire que l’éventail est très large.

Limites des systèmes démocratiques, disais-je donc, mais Churchill a déjà tranché cette question. « La démocratie est le pire système, à l’exception de tous les autres » disait-il. Alors on s’en accommode. Cependant, si on (doit) en garde(r) le principe, on peut en discuter les méthodes. Et en la matière, je pense que la formule de l’union nationale est un signal fort pour un pays comme le nôtre, régulièrement en proie à des famines et des crises politiques.

Les détracteurs de ce projet ont un argument en apparence séduisant : un gouvernement d’union nationale signerait la fin de la démocratie puisqu’il marquerait la disparition pure et simple de l’opposition au profit d’un bloc politique unitaire et univoque. Selon cette théorie, le président de la République serait donc une sorte de conspirationniste véreux, mu par un tel désir de nuire qu’il serait même prêt à inviter ses opposants à la table Niger pour partager le copieux et fastueux repas au nez et à la barbe de son propre peuple. Foutaise !

Sortons un peu des effets d’annonces pour ne considérer que les faits : Au plan sécuritaire, le Niger est sans doute le pays le mieux sécurisé de tout l’espace saharien, en proie aux rébellions chroniques et à la menace djihadistes. Bien que pris en tenaille entre AQMI au nord et Boko Haram au Sud, le pays s’en tire à très bon compte. Mahamadou Issoufou, a-t-il, oui ou non, recruté des soldats, à qui il a assuré des formations de très haut niveau et qu’il a doté de matériels de qualité ? Evidemment, les mauvaises langues diront que c’est la providence qui a épargné le Niger. Posez la question aux forces de défense et de sécurité, ces hommes et ces femmes qui paient de leur vie pour sécuriser les populations (on se souvient des attaques d’Arlit et d’Agadez ainsi que de leur présence massive au Mali), elles vous diront qu’avant « zaki », la puissance de feu de l’armée de l’air nigérienne (pour ne citer que cet exemple) et ses moyens de renseignement étaient quasi-nuls.

Au plan alimentaire, l’ambitieux programme 3N constitue une avancée majeure qui, si les Nigériens s’en emparent de façon constructive et sans démagogie, pourrait sortir le pays des sentiers battus. En effet, bien que certains aspects de ce projet accusent de sérieux retards (barrage de Kandadji par exemple), il est possible de le mener à son terme et de rendre les nigériens auto-suffisants en matière d’alimentation. J’en veux pour preuve les importants progrès réalisés dans le domaine de l’irrigation. On sait maintenant que les vastes prières collectives pour avoir un bon hivernage ne sont qu’un leurre destiné à masquer les incapacités et l’absence de vision des gouvernants. Merci Issoufou !

Au plan sanitaire, le recrutement de 2000 médecins en deux ans et la multiplication des hôpitaux et centres de santé est une très bonne nouvelle pour tous. En plus des nombreux centres de santés partout dans les régions, un hôpital de référence est en construction à Niamey pour un budget de 13 milliards de FCFA. Rappelons que la structure de santé publique à peu près correcte (l’hôpital national) date de 1922.

Au plan des infrastructures, plus de routes ont été construites en deux ans que pendant cinquante ans d’indépendances. Les structures hôtelières de grand standing poussent de terre et ambitionnent de revaloriser le tourisme. Deux hôtels cinq étoiles sont en construction pour un budget global de plus de 45 millions d’euros. On en verra à coup sûr l’impact très prochainement.

La filière viande est en pleine revalorisation et des investisseurs Malaisiens sont attendus dans les prochains mois pour moderniser ce secteur crucial pour notre économie.

Je m’arrête là. Le constat est clair : Il y a au Niger une dynamique indéniable qui a été lancée par le Régime de la 7e république, mais qui malheureusement se confronte à la mauvaise foi et à l’amateurisme d’une horde de politicards vieillissants, voraces et en complet déphasage avec l’époque. Jamais aucun Programme électoral n’est apparu aussi clair et aussi lisible, bien que beaucoup de points puissent être revus et corrigés. En dernière analyse, n’est-ce pas aussi cela la responsabilité collective des enfants d’une même nation ?

Ø Comment répondre à la stratégie autrement que par…la stratégie

Ce qu’on appelle allègrement « politique politicienne » pourrait se définir comme le fait de faire de la course aux mandats électifs une fin en soi et non un moyen pour servir tout en grandissant sa personne et son aura dans la conduite des affaires publiques. De Pékin à Niamey, en passant par Paris, la nébuleuse d’acteurs et d’institutions qui constituent le monde politique ressemble à un terreau fertile à la prolifération de mafieux en tout genre, uniquement soucieux de défendre leur bout de gras en se délectant de voir la masse populaire sombrer dans le marasme et l’incertitude. Je serais tenté de dire « tous pourris » si j’étais un adepte du Poujadisme, mais on ne m’y prendra pas (eh oui, je suis un peu plus futé que cela). Fort heureusement, certains d’entre eux sortent du lot et ont un minimum de sens civique. C’est le cas du Président Issoufou.

Alors face à des adversaires qui font de la stratégie l’essentiel de leur combat politique, comment résister autrement qu’en déambulant dans les méandres des coups-bas ? Mon choix se veut cornélien : dans l’intérêt de la majorité, je préfère utiliser les armes de l’adversaire. C’est aussi cela la démocratie. L’Opposition est composée d’un très fort taux de « vieux dinosaures » insatiables qui ont tous été mis à l’épreuve du pouvoir et qui, en vingt ans, ont appauvri le Niger de façon considérable. En fin stratège, le président Issoufou leur a proposé d’arrêter de piailler pour se joindre au projet républicain qu’on a appelé « Renaissance ». A partir du moment où ils ont accepté d’entamer des négociations (au lieu de balayer la proposition d’un revers de la main), je considère que la proposition leur était apparue appétissante. Et lorsqu’après l’avoir considérée de plus près, ils se sont rendu compte qu’il s’agissait d’une invitation à l’effort et non au réconfort, ils ont préféré la refuser. Et sans surprise, les plus affamés de la meute (qui sont par ailleurs des ténors des anciens régimes de triste mémoire) se sont fait prendre au piège, fissurant ainsi la cohésion de leur famille politique et, affaiblissant de fait l’opposition. Bonjour, la crédibilité !

Quant au principal allié du lion, Hama Amadou, il a préféré faire la tête, comme un enfant à qui on refuse une friandise. Motif : Les portefeuilles qui lui reviennent ne sont pas assez juteux. Quel culot de la part d’un monsieur dont on sait très bien que l’ambition est de devenir un jour locataire du palais de la Présidence. Pourtant, l’idée du gouvernement d’union nationale a été lancée par…Hama Amadou lui-même.

On se souvient qu’en fin 2012, le très puissant Président de l’assemblée nationale avait créé la surprise en affirmant depuis le perchoir : "la stabilité n’est plus pour la classe politique nigérienne un choix dans ces temps effrayants, mais une obligation ; un devoir collectif qui appelle chacun à transcender ses sentiments et ses calculs ; un devoir impérieux qui peut nous imposer à tous y compris au président de la République, d’aller tous ensemble dans la même direction, ne serait-ce que pendant quelques temps, pourquoi pas au sein d’un gouvernement d’union nationale".

Son intention s’est précisée au fil des analyses et il est apparu qu’il voulait faire chanter son allié dont il a été l’un des artisans de la victoire. Mais encore une fois, les conseillers de « zaki » ont bien fait leur boulot. Quelques jours seulement après cette annonce fracassante, le Président faisait sienne cette idée iconoclaste qu’il n’a cessé de martelé depuis lors. Aujourd’hui, il met tout ce beau monde face à ses propres contradictions. Et les masques tombent : Aucun des principaux partis du champ politique nigérien n’est prêt à abandonner son pré-carré ne serait-ce que pour satisfaire les attentes du peuple.

Le grand vainqueur dans toute cette histoire, c’est Issoufou, et je fais le pari que de nouvelles alliances vont se lier dans les prochains jours. Elles vont créer une nouvelle majorité et décrédibiliser l’opposition et ce sera tant mieux. Car le programme de la Renaissance a encore de beaux jours devant lui.

Ø Préférons une politique de l’action aux critiques stériles et intuitu personae

Le diagnostique de l’état de nos institutions a été fait et refait. On sait ce qui cloche, on le sait tous. Il faudrait arrêter de nous faire croire qu’on invente le fil à couper le beurre par des analyses simplistes et rébarbatives. Le mieux serait plutôt de mener une réflexion en profondeur sur les problèmes structurels qui entravent la marche de notre pays vers le développement.

Nous devrions commencer par accepter que l’idée le Programme de la Renaissance est un projet sans précédent dans l’histoire de notre pays. Je le répète, aucun autre Président avant Issoufou n’a eu une vision à si long terme. Une large majorité de nigériens y ont adhéré mais l’opposition s’obstine à en faire un échec. Pourquoi ? Pour récupérer le pouvoir.

D’autre part, la constitution d’un gouvernement relève des prérogatives régaliennes du Chef de l’Etat. Je trouve donc marrante cette attitude qui consiste à nous parler de « crise politique », de « menace d’une intervention de l’armée » et d’autres sottises du même genre. Comment peut-on faire évoluer un pays dans lequel on va jusqu’à nier les pouvoirs discrétionnaires du Président de la république. Si Issoufou cède à ce chantage, il perdra purement et simplement sa stature de leader plébiscité par les électeurs.

Enfin, et pour abréger mon plaidoyer en faveur de cette politique, je dirai qu’il est inconcevable d’accepter le statuquo sous prétexte qu’on défend des principes, par ailleurs erronés. Pour une fois qu’un gouvernement agit, laissons le faire.

A ce stade de mon coup de gueule, j’entends les voix qui maugréent et qui étouffent des jurons (ou les crie fort, ça dépend). Alors à toi qui croit connaître mon appartenance politique simplement en lisant ces lignes, je t’annonce que tu te trompes. Je ne suis pas un inconditionnel du « Guri Système », mais simplement un nigérien qui en a plus que marre de voir l’histoire sans cesse se répéter. Un nigérien qui prend position parce que convaincu que face à une recette qui marche, il faut se serrer les coudes et opérer une union sacrée. Je t’exhorte à ne pas rejeter en bloc le projet de société qui a été entamé, mais de peser de tout ton poids pour que ceux que tu as élus (ou pas) l’appliquent dans ses moindres détails. Ne perds pas ton temps sur des questions de forme, des querelles politiciennes nauséabondes, utilise plutôt ton énergie pour que tous les chantiers engagés soient menés à leur terme. Trouve des amis, des connaissances, des jeunes (et moins jeunes) qui partagent tes idées et deviens acteur du progrès de ton peuple. Tu as des économies ? Fais mûrir une idée d’entreprise et prends toi en main, le pays en a besoin. Ne te laisse pas aveugler par de beaux discours et ne cède pas à l’émotion passagère, c’est un mauvais guide. Ne crois pas que l’idée d’union nationale est un mirage, fais en sorte qu’elle devienne réalité. Parce qu’en de compte, c’est parce que beaucoup ont déserté le terrain de cette union qu’elle est devenue imparfaite.

Rabiou Taro

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