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Leadership politique au Niger : autopsie de la classe politique
Publié le mercredi 18 septembre 2013   |  actuniger.com


Mahamadou
© Autre presse par DR
Mahamadou Issoufou, président du niger


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Les hommes politiques nigériens sont-ils de vulgaires récidivistes ? Consultez les pages de l’Histoire récente de notre pays, c’est la quatrième (4ème) fois depuis la Conférence Nationale Souveraine (CNS) que les « bonnets blancs » provoquent des crises politiques majeures qui placent le pays sur l’orbite des incertitudes. Comme l’a si bien remarqué un confrère, nos hommes politiques travaillent plutôt pour la déstabilisation, pour ne pas dire, la destruction de leur propre pays. Des prédateurs politiques, en somme !

Arrêtons-nous un peu pour ausculter le comportement de ces hommes et de ces quelques femmes politiques, d’une certaine génération d’ailleurs, et qui constituent ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui, « les principaux artisans du bordel » nigérien. Ceci afin de tenter de comprendre les déterminismes qui président leurs réflexes, mais également, de pouvoir désormais anticiper sur les conséquences de leurs comportements.

Qu’est-ce qui pourrait expliquer la récurrence d’une telle prédation politique de leur part ? Pourquoi n’arrivent-ils pas à s’entendre l’essentiel ? Comment recadrer les choses pour que le pays ne subisse plus les effets des humeurs contradictoires de quelques politiciens mégalomaniaques ? Des questions de fond, pour contribuer à faire tomber tous les masques !

Personnalisation du débat politique

L’une des « identités remarquables » de la scène politique nigérienne, c’est la personnalisation excessive du débat politique. En effet dans notre pays, tout comme dans beaucoup de pays africains d’ailleurs, les électeurs se définissent plutôt par rapport à des « personnes » et, rarement à des « idéologies ». Ainsi dans un parti, la personnalité du leader est plus importante que « les fondamentaux » du parti. D’où naturellement ce culte exagéré de la personnalité observable dans nos partis et sur l’arène politique nationale. Cette manière de faire la politique, celle qui consiste à concentrer le leadership d’un parti dans les mains d’un individu ou même d’un groupe d’individus, sans aucun mécanisme fiable de contrôle et de régulation, est à la base de « l’inamovibilité » de nos leaders. Un flou bien juridique et artistique dont profite amplement le « PF », président à vie du parti et a le droit de se (re)présenter aux présidentielles autant de fois que sa santé et sa libido politique le lui permettent.

Le « chef » fait alors du parti sa chose personnelle. Tous ceux qui osent le défier, opposent un avis contraire à ses décisions ou même le gênent tout simplement, sont brutalement vilipendés à coups de « déclarations » injurieuses et livrés à la vindicte populaire des zélés militants. Les pauvres infortunés n’ont d’autres solutions que d’aller créer leurs propres partis. Et ainsi, l’histoire peut se répéter à loisir. Ils sont nombreux, les partis politiques nigériens nés des rivalités de personnes, opposant la plus part du temps, le président à ses principaux lieutenants. A regarder de près, la quasi-totalité des « grands » partis se distinguent par un « taux de natalité » très élevé. Tenez le MNSD a « enfanté » du MODEN/FA (rivalités Tandja/Hamma), auparavant, il aurait enfanté de l’ANDP (Tandja/Djermakoye) ; La CDS, parait-il, bat tous les records dans ce domaine. Le PNA Al Ouma (Ousmane/Jakou), le RSD Gaskiya (Ousmane/Cheffou), pour ne citer que les plus connus, sont catalogués comme étant ses « enfants ». Ajouter sur cette liste des « enfants » de la CDS, « l’aile Abdou Labo ». Le PNDS a enfanté du MDC (Issoufou/Me Souley). Tous ces partis sont nés suites à des querelles intestines opposant le président à un ou plusieurs apparatchiks du parti.

Voila qui explique aujourd’hui l’incapacité pour l’élite politique nigérienne à se régénérer. C’est incontestable, la scène politique de notre pays est sclérosée. Il lui manque les mécanismes pertinents lui permettant de sélectionner et de pistonner les meilleures compétences. Depuis la CNS et même bien avant, cette « scène » est animée par les mêmes acteurs qui se décomposent et se recomposent indéfiniment. Résultat : les mêmes causes produisant les mêmes effets, ces mêmes acteurs reproduisent toujours les mêmes erreurs ; des erreurs qui se traduisent par des querelles de personnes, sur fond de régionalisme, qui se transforment après en crises politiques de grande amplitude qui, par trois fois, ont débouché sur des coups d’état opportunistes de l’armée. De fréquents retours à la case de départ qui ont annihilé tous les efforts de développement et rendu malheureux et aigris les peuples de ce pays.

L’environnement politique est, comme on le voit, structurellement immature. Les partis ne disposent pas en leur sein d’outils et de mécanismes pour la sélection et la promotion des cadres les plus compétents et les plus méritants. Tout se trame dans les réseaux quasi mafieux des « parents, amis et connaissances » (PAC). Du coup, népotisme et favoritisme aidant, ce sont « les minables » et « les médiocres », qui n’ont besoin que d’un peu de « tof » et d’un zeste de bagou, qui contrôlent « le système » et semblent le monopoliser pour toujours. Facilement reconnaissables à leur look de villageois endimanchés, leur incompétence est patente et se traduit par l’utilisation abusive des langues nationales dans les discours et par des fautes monstrueuses, quant il leur arrive de parler ou d’écrire sous l’œil vigilent de Molière. La faible capacité de consommation des crédits et d’investissements que le pays traine comme une infirmité, n’est qu’un des avatars de cette situation.

Autre élément à verser dans ce registre « d’environnement politique », c’est l’absence totale de débat politique sur les questions de fonds. Jamais au Niger l’opinion n’a été servie, ne serait-ce qu’une fois, d’un débat instructif sur la politique agricole, la reforme des retraites, l’emploi des jeunes et des femmes, la reforme de l’éducation, la maitrise de la population, la croissance économique, la solidarité sociale, etc. Le débat politique se limite, au Niger, aux élucubrations de quelques journalistes inféodés et surtout, aux querelles des chefs. Les problèmes du pays se résument presque toujours à des problèmes de personnes. C’est toujours entre untel et untel que ça ne va pas et non des divergences idéologiques, autour desquelles les citoyens peuvent au moins intervenir pour dire leurs attentes. Ici le « vrai débat politique » n’a jamais existé. La preuve, tous les partis ont les mêmes programmes, ce qui les différencie, ce sont les hommes qui les président. Il n’ya ni « gauche », ni « droite », ni « centre ». En somme, un pays sans boussole politique ! Ce qui explique les alliances contre nature que les analystes ne cessent de dénoncer. A ce jeu de « décomposition » et de « recomposition », la classe politique actuelle coute déjà au Niger, le prix de 5 Républiques. Et visiblement, au vu des derniers développements, tout semble indiquer que le calvaire du Niger et des Nigériens n’est pas encore terminé.

Pour clore ce chapitre, comprenez alors qu’en matière de politique au Niger, tout se passe comme si les gouvernants sont des chefs traditionnels et les citoyens, dans leur grande majorité, des sujets zélés de Sa Majesté. Vu sous cet angle, nos dirigeants et nos hommes politiques, ne sont que la parfaite image de nous-mêmes.

Des reflexes antis développementalistes

Il n’ya pas que « l’environnement politique » pour expliquer la trajectoire politique cahoteuse de notre pays. Le comportement de nos hommes politiques et singulièrement des dirigeants, laissent souvent perplexes les citoyens, mêmes les plus « suivistes » et les plus optimistes. Tant les décisions qu’ils prennent, les actes qu’ils posent et les stratégies qu’ils élaborent et mettent en place, sont nettement en déphasage, voire en totale contradiction, avec les attentes des nigériens. Le « gouvernement d’union nationale » en est une parfaite illustration de ce « hiatus permanent » entre le peuple et ses dirigeants.

Qui sont-ils réellement ? Quels déterminismes les conditionnent à des résultats aussi décevants ? Ils, ce sont tous ces « porteurs de bonnets » dont la date de naissance se situerait entre 1940 et 1960. Ce sont en majorité les éléments de cette génération qui continuent de gouverner le Niger depuis la conférence nationale souveraine. Ayant bénéficié des retombées des premières heures de l’Indépendance, ils ont dans leur majorité fait des longues études et sont normalement, des cadres pointus, chacun dans son domaine. Malheureusement, même diplômés qu’ils sont, il apparait clairement qu’il leur manque cette autre chose qu’on pourrait décrire par « ouverture d’esprit » ou « leadership positif », capable de valoriser et de mutualiser leurs compétences au profit de leur pays. Voila pourquoi ils nous renvoient cette image de mésentente perpétuelle et de trahison mutuelle qui les caractérise. Ils ne s’entendent que quand le pouvoir leur échappe tous, dit-on assez souvent.

L’intérêt général est une expression galvaudée chez nos politiciens. On savait déjà que c’est la « politique du ventre » qui détermine les positionnements sur les scènes politiques africaines. Mais au Niger, peut-être plus que partout ailleurs, la chose est plus proéminente. Personne ne veut rester dans l’opposition ; personne ne veut s’accommoder de « coquilles vides », encore moins de « menus fretins ». Le plus ahurissant, c’est que désormais, l’homme politique nigérien, n’a plus de scrupule à refuser un poste, sous prétexte qu’il n’ya rien à y glaner. Non seulement il exige d’être sur la table où se partage le « gâteau national », mais il veut surtout être du côté de « la crème ». Même ceux qui ont été sanctionné par le peuple en les renvoyant à l’opposition, ne se privent nullement du loisir de vouloir être sur la table où se partage le gâteau national. On a vu les appétits et les défections que l’offre du « GUN » a suscités dans les rangs de l’opposition. « La chasse aux prébendes » est le sport le plus pratiqué par les politiciens nigériens.

Un autre comportement pernicieux qui caractérise nos hommes politiques, est leur manque total de discrétion et de discernement politique. Remarquez que depuis la CNS, « le secret du Niger est dehors ». Les gens racontent tout, y compris les secrets d’état à leurs femmes, à leurs courtisans et même, à leurs « gabdis ». Trop d’espace est laissé inoccupé par nos gouvernants, espace vite occupé par tous ces réseaux informels qui gravitent autour du pouvoir et le manipulent. Résultats : Toutes les décisions prises au sommet sont connues d’avance ; Les rumeurs et les « non dits » deviennent alors des évidences sur lesquelles se fondent les analyses politiques qui engagent tout le pays. Un exemple très palpant. Le divorce entre Mahamdou Issoufou et Hama Amadou est intervenu suite au fait que les entourages des deux personnages se reprochent des choses dont ils n’ont jamais eu le courage de discuter en face. Le premier reproche à son second de fomenter un complot politique pour le « mettre en cohabitation » et l’empêcher de briguer un second mandat. Le deuxième reproche au premier et à ses semblables d’avoir élaboré « un plan B » destiné à décapiter tous les partis en vue. Aucun des deux camps n’a jusqu’à présent apporté la moindre preuve de ce qu’il reproche à l’autre. L’un dans l’autre, cela contribue à entretenir un climat de méfiance permanent dans le pays.

Témérité et jusqu’auboutisme sont également des traits de caractères assez répandus dans la junte politique nigérienne. « Les politiciens se moquent du peuple ! » s’est indigné un confrère. En effet, quand une bagarre éclate dans l’arène politique, on a l’impression qu’aucun arbitre ne peut y mettre fin. Même les tribunaux n’y peuvent rien. Personne n’écoute l’autre et personne n’est prêt à des compromis. On dégaine les flèches par journalistes interposés, et on tire sur tout ce qui bouge. Un trait de caractère qui amplifie les malentendus et les transforme en une crise politique. Il faudra ici rappeler à nos hommes politiques qu’une bagarre au sommet de l’état n’a rien à voir avec une bagarre entre deux chefs de famille dans un quartier.

Parmi les traits distinctifs des politiciens nigériens, l’on pourrait aussi ajouter leur faible niveau intellectuel et politique. On le sent bien, malgré leurs diplômes, nos politiciens ne sont pas compétitifs sur le plan africain, à plus forte raison sur le plan mondial. Ils ne nous apprennent rien de nouveau dans leurs discours et dans leurs interventions. Sans doute qu’ils n’ont pas lu les centaines de livres indispensables pour leur permettre d’occuper pleinement leur place et d’assumer correctement leur leadership. « Le règne de la médiocrité », tant décrié par les nigériens, est sans doute une dérivée du faible quotient politique et intellectuel de nos politiciens. Ce qui pourrait expliquer les tâtonnements, le manque d’initiatives et d’innovations qui ont caractérisé toutes les gouvernances depuis la CNS.

Enfin, on pourrait ajouter sur cette liste de « reflexes anti développementalistes », les manipulations ethniques et régionalistes que nos politiciens usent et abusent pour se positionner sur l’échiquier national. C’est connu, nos politiciens n’hésitent pas à faire vibrer les cordes sensibles de l’ethnicité ou du régionalisme à chaque fois qu’il y a conflit ouvert entre eux. Les schémas les plus exploités sont les oppositions Est – Ouest (rivalités supposées Haoussa – Zarma) et Nord – Sud (Touaregs et « Noirs »). Un exemple : En 2007 quand la « bagarre » éclata entre Tandja Mamadou (un peul de l’Est) et Hama Amadou (un peul de l’ouest), les relations entre Haoussas et Zarmas avaient connu des pics de frayeur. Pendant cette période, Tanja Mamadou s’exprimait systématiquement en Haoussa, tandis que Hama Amadou s’exprimait régulièrement en Zarma depuis son fief de « Haro banda ». De la pure manipulation ! Heureusement les nigériens n’ont pas mis du temps à comprendre leur jeu. Il n’y avait aucun problème entre l’Est et l’Ouest, ni entre Haoussas et Zarmas ; si de rivalité il y avait, ça ne pouvait être qu’une rivalité « peulo-peule ».

Un nouveau leadership est-il possible ?

A première vue la situation parait inextricable dans un environnement politique aussi immature et peuplé d’acteurs reproduisant des actes et des reflexes totalement anti développementalistes. Cependant, à regarder de près, il existe bien des prémices de changements qualitatifs.

La fin du « suivisme politique » a sans doute sonné. Désormais et après avoir été roulés dans 7 républiques, les nigériens ne sont plus véritablement les moutons de panurge d’hier. Dans tous les partis, on hésite plus à contester le chef, surtout quand il opère des choix hasardeux. C’est une preuve que le quotient politique du nigérien a progressé. Si la situation évolue comme telle, l’homme politique nigérien sera alors étroitement contrôlé par son électeur et il ne prendra plus de décision le concernant, sans son consentement.

La fronde de la jeunesse est à prendre avec beaucoup de sérieux. Actuellement, ces jeunes nigériens ont l’impression d’être « bloqués » par les « anciens ». On évite de le dire, mais il ya un vrai conflit de « générations politiques » au Niger. Au vu des qualités dont elle fait montre, pour peu qu’elle soit bien « coachée », il est fort à parier que les lignes pourraient bouger, si « la jeunesse » investissait en masse les arcanes du pouvoir. Le leadership positif généré par nos « jeunes » ministres, de la 5ème à la 7ème Républiques, autorise les nigériens à plus d’optimisme.

Pour favoriser l’éclosion de ce nouveau leadership, il faudra surtout s’attaquer aux problèmes de fond qui minent nos partis politiques : Caporalisation de l’appareil du parti par un individu ; financement occulte du parti ; non respect des quotas de représentativité des couches sociales ; Absence de profil pour les directions des partis ; etc. Des reformes doivent être opérées pour corriger la pratique actuelle à travers des innovations dans la charte des partis politiques. Par exemple, on pourrait systématiser la tenue de primaires dans tous les partis à la veille des présidentielles, pour introduire un mécanisme d’alternance dans les partis. A propos de financement des partis politiques, la reforme doit recadrer les pratiques en interdisant les financements de nos structures politiques via les « Elhadjs » avec comme rétribution soit de prendre en main une partie de l’appareil, soit pour avoir des marchés publiques. Le leadership du parti, de la base au sommet, doit être également codifié : Il ne faudra plus permettre à une personne qui ne peut justifier d’un BEPC de prendre la tête d’une section départementale, à une personne qui ne peut justifier d’un BAC de prendre la tête d’une section régionale, à une personne qui ne peut justifier d’au moins un BAC + 2 de siéger dans un BPN. Ainsi, les choses allaient se décanter d’elles-mêmes.

En outre, il faudra que les intellectuels nigériens, en particulier les membres de la société civile actuelle, trempés dans le « Tazartché » ou moulés dans le « Guri », cessent de rêver. Ils doivent abandonner leur confort douillet des Syndicats, ONGs, Cabinets d’études ou entreprises, pour se jeter dans l’arène politique. Car le terrain a été abandonné aux « médiocres ». Fini le temps des critiques, il faut se jeter à l’eau et offrir à ce pays de nouvelles espérances. Il est plus qu’impertinent pour un acteur de la société civile, de se mettre à l’écart pour donner des leçons politiques à des hommes politiques.

Avec un train de reformes assez audacieux, on peut changer l’environnement et la pratique politiques dans notre pays. Après, il faudra changer de … mentalité !


EL KAOUGé Mahamane Lawaly

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