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Le Sahel N° 8865 du 26/1/2015

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Forum Africain du Film Documentaire : Une édition sous le signe du deuil et de la paix
Publié le jeudi 30 avril 2015   |  Le Sahel


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© Autre presse par dr
Forum Africain du Film Documentaire : Une édition sous le signe du deuil et de la paix


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Pour sa 9ème édition, le Forum Africain du Film Documentaire avait du blues à l'âme. Sans doute à cause de l'hommage qui y était rendu à deux grandes figures de la culture nigérienne récemment disparues : Moustapha Alassane, le père du cinéma d'animation africain, mort le 17 mars 2015 à Ouagadougou, et Boubakar Ba, le fondateur de l'Université de Niamey, qui nous a quittés le 19 avril 2014. Les minutes de silence successives ont ponctué le Forum par ces rappels au deuil. Et comme c'était décidément la coloration de cette édition 2015, la soirée de clôture officielle, le mercredi 29 avril, a été annulée pour cause de deuil national, en mémoire des dizaines de soldats nigériens tués samedi au combat sur une presqu'île du lac Tchad.
Mais le deuil, le souvenir, c'est aussi, évidemment, le socle de l'avenir, de la paix retrouvée. La date de l'ouverture officielle, d'ailleurs, coïncidait avec la journée de la Concorde, célébrée chaque 24 avril en mémoire des accords de paix qui ont mis un terme à la rébellion des années 1990. Au Palais des Congrès, la soirée était dédiée à la paix et au développement, le Forum lui-même étant placé sous le thème de la Culture de la Paix, domaine d'expertise si cher au Niger et reflété largement par la programmation.
Inoussa Ousseini, ambassadeur du Niger à l'Unesco et père du Forum, s'est expliqué de ce choix, dans un contexte nouveau marqué par des défis inédits. Au-delà des accords de paix dont il a organisé la célébration le 24 avril 1996 en tant que ministre de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et de la Communication, Inoussa Ousseini a tenu à rappeler les efforts particuliers conduits par le Président Diori Hamani en faveur d'une « politique de brassage ethnique et de bonnes relations avec ses voisins, économiquement et militairement plus puissants. » Cette diplomatie de la paix, a-t-il poursuivi, renforcée par les régimes successifs, est aujourd'hui la préoccupation prioritaire du Niger et de la communauté internationale. Ces mots résonnent très fort alors que le Niger est engagé ces derniers temps dans plusieurs conflits armés, sur son territoire d'abord, à l'Ouest, au Nord et à l'Est, et à l'extérieur du territoire, au Mali et au Nigeria.
Pour la soirée d'ouverture, placée sous la présidence du ministre de la Culture et présence du ministre d'Etat à l'Agriculture, des membres du corps diplomatique et d'un public venu nombreux «Tsinkaye hasken tahiya » un spectacle de son et lumière produit par Inoussa Ousseini et réalisé par Oumarou Hadary, Maïmouna Nadelou, Boubacar Boureima et Mahamane Bakabé, s'est concentré sur les relations entre éleveurs et agriculteurs et les incompréhensions entre générations, pour prôner le dialogue et la justice, à travers une intrigue souvent comique, en danse, musique, photographies et vidéo. A la demande générale du public, ce spectacle sons et lumières sera rejoué au Palais des Congrès, le 1er août 2015 à l'occasion des festivités entrant dans le cadre de la commémoration de la fête de l'indépendance et de la fête de l'arbre. Le spectacle de sons et lumières était appuyé par la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix. Ensuite, le public a pu voir le dernier film d'Elhadji Sani Magori, «Les Médiatrices». Le documentaire raconte comment des cantatrices, traditionnelles et modernes, ont pu régler par leur chant le conflit qui opposait les villages de Galmi et Dogarawa. L'incroyable Zabaya Hussein, infatigable, y cotoie Fati Niger, Zara Dibissou et Hamsou Garba.

Inoussa Ousseini, absent de l'événement pour cause d'obligations de santé, a confié le relai à des jeunes cinéastes actifs dans l'organisation du Forum. Il a toujours tenu à ce que le Forum soit un «creuset de formation et d'émulation pour les jeunes ». La transmission, sans aucun doute, est l'un des objectifs profonds du créateur de l'événement, à côté de l'hommage et du souvenir. Sani Magori l'a donc représenté, en tant que coordinateur, entouré par les jeunes réalisateurs qui ont bénéficié depuis dix ans de diverses aides à la formation. Parmi eux, notons la présence de la fille de Mamani Abdoulaye, Amina, qui travaille sur un documentaire sur son père, avec l'aide du producteur et réalisateur français Christian Lelong, également à Niamey pour le Forum, notamment à travers son film sur Moustapha Alassane, «le cinéaste du possible».
Le ministre de la Culture, des Arts et Loisirs, Ousmane Abdou, a inauguré l'événement en ces termes : « Placé sous le signe de la renaissance du cinéma, au moment où l'on assiste à la disparition des salles de projection, le Forum africain du film documentaire est un événement culturel qui vise à développer au sein des populations nigériennes le sentiment de fierté et d'appartenance à un ensemble unique et prêt à relever le défi. ».
Comme lors des éditions antérieures, Inoussa Ousseini vise en effet à tendre des passerelles entre le cinéma et les sciences humaines, entre le cinéma nigérien et la culture nigérienne dans son ensemble. C'est pourquoi l'événement dépasse toujours le cadre du cinéma à proprement parler pour évoquer, comme cette année, une figure de la science la plus dure avec Boubakar Ba, mathématicien, premier normalien et agrégé de mathématiques africain. Une exposition réalisée par Jean-Dominique Pénel a été proposée au public pendant toute la semaine pour retracer un parcours scientifique et intellectuel tout à fait exceptionnel. Seidik Abba publie parallèlement «Entretiens avec Boubakar Ba» aux éditions L'Harmattan. L'ouvrage est disponible à la librairie Farandole.
La troisième invitée française de cette édition du Forum, avec Jean-Dominique Pénel et Christian Lelong, était Véronique Joo' Aisenberg, responsable de la cinémathèque Afrique à l'Institut français. A l'occasion de deux conférences au Centre culturel franco-nigérien et à l'Institut de Formation aux Techniques de l'Information et de la Communication, elle a décrit le fonds de la cinémathèque, 1600 films africains soutenus par le Ministère des Affaires étrangères, « sur tous supports, de tous genres et de tous pays ». Un tiers de ces films sont numérisés, à raison d'une centaine par an. Le rôle de la cinémathèque est la conservation, la numérisation, l'édition et la diffusion des œuvres. Un soutien aux festivals africains, en plein essor, est également organisé. Plusieurs cinéastes nigériens figurent dans le fonds. Notamment Moustapha Alassane, dont l'œuvre devrait être restaurée, «reconnu partout dans le monde du cinéma comme quelqu'un qui a compté», selon la cinéphile.
La projection du western culte de Moustapha Alassane «Le Retour d'un Aventurier», mettant en scène un groupe de jeunes gens déguisés en cow-boys qui sèment le désordre au village, trouvait bien sa place dans la thématique de cette année. Car les villageois puisent finalement dans la ruse et la tradition les moyens de ramener la paix au bord du fleuve.
Au total, les projections ont été organisées sur trois sites : le Centre culturel franco-nigérien, l'espace Alternative et l'Université Abdou Moumouni. Outre les films déjà mentionnés plus haut, ont été montrés au public « Capitaine Thomas Sankara » de Christophe Cupelin (Belgique, 80 minutes), « Chronique de guerre en Côte d'Ivoire » de Philippe Lacôte (RCI), plusieurs dessins animés de Moustapha Alassane (« Le voyage de monsieur Sim», «Kokoa » et «Samba le Grand»), et plusieurs documentaires et fictions de 13 minutes : «Nana Benz» de Joël Tchedre (Togo), «Hawan Idi», d'Amina Mamani Abdoulaye (Niger), «Je danse donc je suis» d'Aïssata Ouarma (Burkina Faso), «Jinariya» de Rahamatou Keita (Niger) et «Croix d'Agadez» de Sherifatou Paraiso (Niger).
Nathalie Prevost

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