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Niger : passeur de migrants, le nouveau job bien payé de Hosseini
Publié le lundi 15 juin 2015   |  AFP


Des
© AFP par ISSOUF SANOGO
Des migrants en route vers la Libye.
Lundi 1er juin 2015. Niger


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Le coup de volant est précis, la conduite leste : Hosseini, ex-chauffeur pour touristes, est devenu passeur occasionnel de migrants africains, qu'il véhicule sans émotion d'Agadez, dans le nord nigérien, jusqu'à la frontière libyenne, comblé par l'argent qu'il reçoit en retour.

"Vous voyez les bandes de scotch blanc collées à l'arrière de ce pick-up ? La voiture sert pour les migrants. C'est pour éviter qu'assis sur la carrosserie, les jambes dehors, ils abîment la peinture avec leurs chaussures."

Foulard bleu enroulé autour du chef, le Touareg, dont le prénom a été changé, raconte posément les combines du métier.

A Agadez, les voitures ainsi maquillées, surnommées "les 4X4 talibans", font florès. Souvent sans plaque, ou pourvues d'une immatriculation libyenne, leurs passages à toute vitesse dans la ville centenaire rappelle que celle-ci vit à présent au rythme effréné du trafic de migrants.

Taxis blancs et touk-touks jaunes s'agglutinent à l'arrivée des véhicules venant de Libye, qui ramènent en fin de semaine leur cargaison humaine, souvent une dizaine de personnes entassées sur des ballots.

Sur la route ensablée attenante, des chauffeurs font déraper leurs 4X4, moteurs hurlants, dans une ambiance irréelle de rodéo mécanique en bordure de désert. La vitesse fait partie intégrante de la mythologie du passeur.

"Tu pars en convoi le lundi soir. Tu arrives le mercredi matin à la frontière libyenne, 900 km plus loin. A la tombée de la nuit, tu t'arrêtes dans les dunes pour éviter les bandits", raconte Hosseini, âgé d'une trentaine d'années. Le voyage retour démarre le jeudi. Arrivée à Agadez le vendredi soir.

"Il faut aller le plus vite possible. Tout le temps, tu roules à 140 km/h, parfois 160 km/h. Avec 300 litres d'essence embarqués que tu consommes en cours de route. A cette vitesse, si un pneu éclate, c'est fini."

L'AFP a pu se procurer une vidéo amateur d'un accident, survenu il y a deux mois. Trois 4X4 sont visibles. Le premier s'est englué dans du sable mou. Le second l'a percuté. Le troisième est garé un peu plus loin.

- "Des cadavres"-

Des soldats de l'armée libyenne sont présents sur les lieux du drame. L'un d'entre eux saisit le pied d'un migrant, coupé net lors de la collision. Une cinquantaine d'autres voyageurs regardent, debout. En arrière plan, quelques tas colorés dans le sable blanc. "Des cadavres", estime Hosseini.

Ce père de famille ne se définit pourtant pas comme un criminel. Ni comme un rouage d'une mafia.

"L'essentiel pour moi, c'est d'emmener mes clients à bon port, affirme-t-il. Il y a des gens qui partent et qui vont rentrer en Europe sans problème. Et il y a ceux qui vont mourir. C'est la vie."

Qu'importent également les conditions de voyage. S'ils sont moins nombreux au retour de Libye, à l'aller, une voiture transporte toujours 25 passagers.

Huit dans l'habitacle du 4X4 : deux à l'avant, six à l'arrière, imbriqués les uns dans les autres, mime-t-il. "On enlève les sièges pour faire de la place". Les 17 autres sont entassés dans la benne du pick-up, arrimés à des bouts de bois pour éviter la chute.

"Si l'un d'entre eux tombe, les autres tapent sur la carrosserie. Je m'arrête", assure Hosseini, ce que d'autres chauffeurs sont accusés de ne pas faire, abandonnant les migrants à une mort quasi certaine.

Un chauffeur allant jusqu'à la frontière libyenne touche 250.000 francs CFA (environ 380 euros), payés rubis sur ongle, dit-il. Celui qui accepte d'entrer en Libye, où les risques sont encore bien plus grands, banditisme aidant, reçoit 400.000 FCFA (600 euros).

"Je préfère être passeur que d'être dans le tourisme", son ancien job, moins rémunérateur, affirme Hosseini, qui a deux voyages à son actif mais compte en faire bien davantage. Pour ensuite acheter son propre pick-up et se mettre à son compte.

Tout Agadez connaît l'implication de sa jeunesse dans le commerce des migrants. Mais le travail étant rare, "il faut bien qu'ils fassent quelque chose", justifie un élu à l'AFP.

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