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Intégralité de l’interview de Hassoumi Massaoudou à JEUNE AFRIQUE: « Nous sommes en train de gagner la guerre contre Boko Haram »
Publié le mercredi 15 juillet 2015   |  Jeune Afrique


Hassoumi
© Autre presse par DR
Hassoumi Massaoudou,ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique


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Nommé pour préparer les élections en 2016, il s’est retrouvé à devoir coordonner la lutte contre les islamistes nigérians. Les pays de la région n’ont pas fini de payer le prix du sang mais, dit-il, en six mois, la situation a radicalement changé.

A Niamey, leur proximité n’est un secret pour personne. Hassoumi Massaoudou et le président Issoufou se connaissent bien et depuis des années : tous deux sont passés par le secteur des mines. Ils ont exercé à la Somair avant de fonder ensemble, en 1990, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). En 2011, parvenu au sommet de l’Etat, Issofou a fait de Massaoudou son directeur de cabinet puis l’a nommé, deux ans plus tard, à l’Intérieur. Un poste stratégique qui fait de lui un élément clé du système Issoufou- à Niamey, un diplomate occidental le qualifie de « ministre de la Défense bis », plus au fait de l’opérationnel que le titulaire du poste. La rhétorique est volontiers guerrière, et Hassoumi Massaoudou peine à masquer son agacement lorsque l’on évoque les critiques des ONG ou de la société civile. Pourtant, il se moque comme d’une guigne de cette image de sécurocrate qui lui colle à la peau : « Il faut faire ce qu’il faut pour défendre la démocratie et l’Etat de droit. Pas question de finir comme ATT ! »

JEUNE AFRIQUE : Le Niger paie un lourd tribut à la guerre contre Boko Haram. Qu’est ce qui est le plus difficile sur le terrain ?

HASSOUMI MASOUDOU : C’est de bien coordonner l’action des différents États impliqués. Jusqu’ici, nous avons eu à mener cette guerre avec le Tchad, mais nous espérons que le Nigeria du président Buhari s’impliquera davantage et que la coordination entre toutes les armées, y compris celle du Cameroun, se fera de manière plus efficiente. Nous considérons que la mise en place, vers le 20 juillet, de l’état-major de la force de la Commission du bassin du lac Tchad à N’Djamena est un signe fort, tout comme l’est la création d’un état-major opérationnel à Maiduguri, dans le nord du Nigeria.

La passivité d’Abuja, du temps du président Jonathan, avait souvent été critiquée. Les choses ont-elles déjà changé ?

Il est vrai qu’à l’époque la volonté d’en finir avec Boko Haram ne s’était pas suffisamment exprimée. Aujourd’hui encore, notre armée et celle du Tchad occupent des villes en territoire nigérian, dans l’État de Borno, et attendent toujours que les Nigérians prennent le relais. Mais nous pensons que les choses vont changer avec le président Buhari. Le fait qu’il se soit rendu au Niger et au Tchad et qu’il aille bientôt au Cameroun, dont nous espérons qu’il interviendra lui aussi en territoire nigérian, est un signe encourageant. Pour le moment, le terrorisme au Niger est un terrorisme importé.

La guerre contre Boko Haram peut-elle être gagnée ?

Malgré les apparences, malgré ces attaques spectaculaires qui sont encore perpétrées, elle est en train de l’être. Il y a six mois, Boko Haram occupait tout le Borno. La frontière entre le Niger et le Nigeria, c’était la frontière entre le Niger et l’État de Boko Haram ! Six mois plus tard, ils ont perdu toutes leurs places fortes. Ils ne sont plus en mesure d’administrer des villes et des régions entières. C’est pour cela qu’ils mènent une stratégie de guérilla.

Les îles du lac Tchad ont été évacuées en mai parce qu’elles constituent un refuge idéal pour Boko Haram. Où en sont les opérations sur le terrain ?

Ces îles n’ont pas été évacuées au sens où il n’y a pas eu de contact entre l’armée et la population. Il est faux de dire que nous avons fait déguerpir les gens. Je rappelle qu’une de nos positions a été attaquée sur l’île de Karamga [le 25 avril]. Des militaires et des civils ont été tués. Moi-même, je me suis rendu sur place. J’ai vu des cadavres flotter dans le lac et des rescapés nous demander en tremblant de les emmener avec nous. Nous avons par la suite décidé de retirer nos hommes, et c’est pour cela que le gouverneur de Diffa a demandé aux populations de quitter les îles dans un communiqué radiotélévisé. Le problème, c’est que nous ne nous attendions pas à un tel afflux : 30 000 personnes sont arrivées le premier jour, nous avons été débordés !

Les autorités locales n’ont-elles pas demandé aux habitants de quitter les îles dans un certain délai sous peine d’être considérés comme des éléments de Boko Haram ?

On n’a pas dit « sous peine de ». Le communiqué leur demandait de partir dans les jours qui suivaient parce qu’on allait engager des opérations dans les îles. Nous avons attendu un peu, pour qu’il n’y ait pas de bavure, et, quand nous avons été assurés que l’essentiel des civils était parti, tout ce qui bougeait a effectivement été considéré comme une cible.

Les gens pourraient-ils revenir s’ils le souhaitaient ?

Ils le pourraient, il n’y a pas d’interdiction. Mais je doute qu’ils le fassent parce que ces îles sont le dernier refuge de Boko Haram, et que Boko Haram n’a pas de projet de conversion, de conquête des cœurs et des esprits... Il n’y a pas de possibilité de coexistence avec les civils.

Les attentats qui ont ensanglanté N’Djamena à la mi-juin vous inquiètent-ils ? N’y a-t-il pas un risque qu’il y ait aussi des cellules dormantes à Niamey ?

La zone de Boko Haram se situe à plus de 2000 km de Niamey. Niamey est très loin, dans une région plus proche d’Aqmi et de ce qui se passe au Mali. Il n’y a pas de risque zéro, mais c’est surtout pour Diffa que nous sommes inquiets. Une attaque y a été commise début février, et nous avons pu en empêcher d’autres. Nous y avons déclaré l’état d’urgence, ainsi qu’à Maïné-Soroa. Dans ces deux villes, nous avons effectué des perquisitions et retrouvé dans plusieurs maisons des gilets d’explosifs. Nous avons procédé à de nombreuses arrestations et démantelé des cellules dormantes qui étaient prêtes à passer à l’acte en même temps.

Il y a, au Niger, des mouvements salafistes financés par des pays du Golfe et qui n’hésitent pas à faire du prosélytisme... Est-ce un sujet de préoccupation ?

Pour le moment, le terrorisme au Niger est un terrorisme importé. En revanche, il est vrai que nous avons des sectes wahhabites, qui bénéficient de financements venus du Golfe, et des mosquées dont les prêcheurs viennent parfois du Moyen-Orient ou du Pakistan.

Tout a changé en début d’année.

Soyons clairs : ce qui s’est passé les 16 et 17 janvier [des manifestations anti-Charlie Hebdo ont viré à l’émeute ; des églises ont été détruites, et une dizaine de personnes sont mortes] est le fruit d’une instrumentalisation politique de l’opposition. Mais la bonne chose, c’est que ces événements ont permis un réveil des associations islamiques parce que les musulmans ont eu honte. Nous avons pris des décisions que nous n’aurions pas pu prendre avant, avec l’accord de tout le monde. Nous avons décidé d’interdire, dans certaines mosquées, les prêcheurs qui viennent du Moyen-Orient et nous allons prendre des mesures visant à encadrer, sur le modèle marocain, la pratique de l’islam et des prêches.

Les prochaines élections se tiendront en 2016. Il y a, au Niger, un certain nombre de tensions politiques et sociales... Les scrutins pourront-ils se dérouler dans un climat apaisé ?

Oui, même si l’opposition fait tout pour que l’on n’aille pas aux élections, pour que l’armée interrompe le processus démocratique.

De qui parlez-vous ?

Essentiellement de Hama [Amadou] et de Seyni [Oumarou] : ce sont des enfants des régimes d’exception. La démocratie, ce n’est pas leur affaire. Ils n’acceptent pas le fait démocratique si ce n’est pas avec eux. Voilà le fond du problème. Mais nous irons aux élections. Le recensement électoral est terminé, la commission électorale a été mise en place de manière consensuelle... L’opposition a eu toutes les garanties.

Vos relations avec certains membres de la société civile sont tendues. Vous êtes même nommément accusé d’être responsable d’un certain durcissement sécuritaire...

Puisqu’ils parlent de moi, je voudrais parler d’eux. De qui parle-t-on ? De Moussa Tchangari et de Nouhou Arzika ? Le premier est le numéro deux de l’Organisation révolutionnaire pour la démocratie nouvelle. C’est un petit parti maoïste. M. Tchangari n’est donc pas un membre de la société civile ; c’est un homme politique qui rêve du grand soir et qui pense que Boko Haram est une insurrection populaire. Quant à Nouhou Arzika, il était l’un des acteurs du tazartché [« la continuité », en haoussa ; mouvement par lequel le président Tandja a tenté de se maintenir au pouvoir]. C’était le Blé Goudé nigérien sous Tandja ! Voilà le genre de personnes dont on parle. Des gens qui sont financés par Oxfam et que l’on brandit comme des représentants d’une société civile pure qui se battrait contre des méchants comme moi ! Je dis, moi, qu’on est en guerre et qu’on ne peut pas jeter l’armée en pâture à n’importe qui. Que nos libertés sont en jeu. Que nous n’accepterons pas que, par laxisme, ce qui s’est passé au Mali se passe au Niger. Vous vous rappelez Amadou Toumani Touré ? C’était le bon élève des ONG, il était célébré partout... Nous ne voulons pas finir comme lui.

Parce qu’on est en temps de guerre, la critique est proscrite ?

Dans les cas de MM. Tchangari et Arzika, nous ne parlons pas de critiques, mais de mensonges proférés contre une armée en opération, à des fins de trouble à l’ordre public. Mais nous sommes critiqués tous les jours à l’Assemblée nationale, dans la presse, y compris sur notre gestion de la situation à Diffa ! Les gens ont la liberté de critique au Niger. Il n’y a pas un pays dans la sous-région où la presse est aussi libre et impertinente que chez nous.



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