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Pour des élections apaisées au Niger en 2016
Publié le jeudi 6 aout 2015   |  actu Niger


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© Autre presse par DR
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Le rejet du chronogramme électoral élaboré par la CENI par les principaux partis de l’opposition vient marquer un pas supplémentaire vers le durcissement du dialogue politique au Niger. Cette situation, à quelques mois des élections générales prévues en 2016, est plutôt inquiétante. Inquiétante, tant les signes d’une crise post-électorale, de plus en plus perceptibles, appellent à la vigilance et au sens de responsabilité de tous.


Un rappel. L’écart entre les deux finalistes de l’élection présidentielle de 2011 était de 499391 voix, et ce, en dépit de l'apport des 653737 voix du Lumana. Le retrait de celui-ci de la mouvance présidentielle, laisse croire que les scores des deux finalistes de 2016 risqueraient d'être très serrés dans certaines localités du pays. Or, même dans l'ordre normal des choses, c'est à dire, dans un climat politique apaisé, plus les scores sont serrés, plus il est parfois tentant pour certains compétiteurs de contester les résultats, avec l'espoir que le recomptage des voix leur serait favorable. C’est une probabilité bien connue des politologues et autres experts des questions électorales. Et cette probabilité est encore plus forte, dans un climat politique plutôt tendu, comme celui qui est actuellement observé au Niger.

Les dissidences en cours dans certains partis politiques, n'arrangent pas non plus la situation, avec des ailes se prétendant plus légitimes ou plus importantes les unes que les autres. Sans compter, bien sûr, que les élections auxquelles participent un pouvoir sortant, sont assez souvent, entourées de soupçons sur le continent africain, à tort ou à raison. Il est par conséquent indispensable, que les potentiels candidats et leurs partisans, "accordent leurs violons", avant d'aller aux élections. ll y va de leurs intérêts propres, la victoire étant à la portée des deux bords. Mais il y va surtout et par-dessus tout, de l’enjeu du maintien de la quiétude sociale du pays.

En effet, les élections permettent une dévolution pacifique du pouvoir et concourent de ce fait à l’émergence et à la consolidation d’un climat politique apaisé. Mais elles peuvent également être de véritables vecteurs d’instabilité politique et de violences meurtrières. On peut à cet égard se rappeler des cas du Kenya et de la Côte d’Ivoire. Ces deux pays ont baigné dans la stabilité pendant des décennies, au sein d'un continent pourtant rythmé par des guerres civiles, coups d’États, assassinats politiques, etc. Mais ils ont subitement basculé dans des moments les plus sombres de leurs histoires, à cause des contentieux électoraux, qui y ont occasionné des centaines de morts et des milliers de déplacés.

Depuis les 16 et 17 janvier derniers, dates du lynchage criminel d’innocents chrétiens et du pillage éhonté de leurs biens, on sait que les Nigériens ne sont pas complètement ni au dessus, ni à l’abri de certaines irrationalités meurtrières. Des personnes ont été pourchassées, brûlées vives et pillées, du seul fait de leur identité religieuse. Il est d’ailleurs utile de rappeler que quelques sièges du parti politique au pouvoir avaient été incendiés à l’occasion. C’est bien la preuve que des Nigériens peuvent bien s’adonner aux violences identitaires. Face à ce terrible précédent c’est, bien au de-là d’un droit, un devoir de rappeler cela aux hommes politiques nigériens.

Et ceci d’autant que, le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Zimbabwe et même dans une certaine mesure l’Angola et le Rwanda, avaient des ressources et des potentialités qui leur ont permis de se reconstruire assez rapidement, après les épisodes de violences politiques qu’ils ont connus, au point de redevenir des acteurs incontournables au niveau sous-régional pour certains et continental pour d’autres. De même, l’insécurité qui sévit au Nord de son territoire, n’a pas empêché au Nigeria de ravir à l’Afrique du Sud sa place de la première économie du continent. Mais cela n’est pas du tout le cas du Niger, un pays qui est, depuis des décennies, classé en dernière position, du point de vue de son Indice de Développement Humain.

Les hommes politiques nigériens n’auraient par conséquent, dans tous les cas, pas moins que le devoir de redoubler d’efforts, afin de ne pas embarquer des populations déjà éprouvées par la pauvreté dans une dangereuse aventure. La classe politique nigérienne, aurait-t-elle d‘ailleurs véritablement la légitimité d’entrainer le pays tout entier dans une telle aventure ? La question mérite d’être posée, lorsqu’on sait que depuis l’amorce du processus démocratique, celle-ci peine à mobiliser ne serait-ce que le tiers du nombre total des inscrits sur les listes électorales du pays, en concédant de ce fait à l’abstention le rang du premier parti du Niger, comme il a été démontré dans un précédent article.

Il est donc grand temps, que les uns et les autres se donnent la peine d’opérer le noble et courageux choix de faire taire les passions, afin que la raison (ré) occupe une place importante dans la structuration du débat et des échanges politiques. Les propos et autres prétentions, qui ont été confrontés aux preuves de leur caractère plutôt surréaliste, méritent tout simplement d’être évités. C’est le cas, par exemple, du fameux passage dès le premier tour, que clament certaines forces politiques. Une prouesse que la structure du jeu électoral nigérien rend fort improbable.

En 1996 par exemple, des membres influents du bureau politique national du CDS Rahama, qui représentait la 2ème force politique de la 3ème République, ont adhéré au COSIMBA. Plusieurs hauts cadres du MNSD ont soutenu également la candidature du Général Ibrahim Baré Maïnassara, au nom de l’héritage du Général Seyni Kountché que celui-ci revendiquait. Les dissidences de certains notables de l’ANDP, issus de la région de Dosso, avaient été aussi observées. Mais cela n’a pas empêché aux principaux partis politiques de la 3ème République, de contester les résultats de certains scrutins de la 4ème République, et en particulier la présidentielle des 7-8 juillet 1996. De même, les grands partis politiques de la 5ème République, ont rejeté en bloc tous les résultats des scrutins de la 6ème République, en dépit des soutiens fortement médiatisés apportés par certaines personnalités de la 5ème République au projet de la refondation.

Le PNDS, principal parti politique de l’actuelle mouvance présidentielle, s’était particulièrement illustré dans la contestation des résultats des scrutins évoqués. Ce qui laisse supposer que ses leaders croyaient également, à l’époque, que l’adhésion de personnalités présumées influentes à un projet politique ou à une candidature, n’est pas forcément susceptible de se solder en spectaculaire victoire. Avec l’exigence de l’obtention de la majorité absolue, aucun parti politique nigérien, dans la configuration actuelle, ne peut remporter les élections dès le premier tour, sans l’appui d’au moins un des 3 plus grands partis politiques du pays et ce, dès le premier tour. C'est-à-dire, qu’au moins un leader des trois plus grands partis politiques, décident de donner des consignes de vote dès le premier tour en faveur d’un autre candidat, issu du tiercé des plus grands partis.

En 1993, Mahamane Ousmane n’aurait pas accédé au pouvoir sans l’appui de l’Alliance des Forces de Changement (AFC), constituée de plusieurs partis politiques, dont le PNDS et l’ANDP, à l’époque 3ème et 4ème forces politiques du pays. Pour ses deux mandats à la tête de la 5ème République, Mahamadou Tandja avait également eu besoin d’une coalition de partis politiques, avec comme principal allié le CDS, à l’époque 3ème force politique du pays. Tout récemment en 2011, Mahamadou Issoufou, a remporté le trophée avec l’appui d’autres partis politiques et en particulier le Lumana, à l’époque 3ème force politique du pays également. C’est, visiblement, une tendance, qui est en passe de devenir structurelle dans le jeu politico-électoral nigérien. Un autre fait récurrent du jeu politico-électoral nigérien mérite également d’être rappelé, compte tenu du contexte politique actuel. Il s’agit de l’influence qu’exercent les partis politiques sur les choix électoraux.

En effet, lors de la présidentielle de 1993 par exemple, 92% des électeurs des partis membres de l’AFC, ont respecté les consignes de vote qui leur ont été données. Ce pourcentage a été de plus de 99%, chez les électeurs des partis qui ont appelé à voter pour Tandja Mamadou au second tour. En 1999, le taux du respect des consignes de vote a été de 86% chez les électeurs des partis membres de la coalition qui a soutenu Mahamadou Issoufou et jusqu’à 98% chez les électeurs des partis qui se sont prononcés en faveur de Tandja Mamadou. En 2004, seulement 18% d’électeurs des partis ayant appelé à voter pour Tandja Mamadou ont refusé d’appliquer à la lettre les consignes données, pour désavouer le revirement spectaculaire de leurs leaders, qui avaient pris au début de la campagne l’engagement de plutôt soutenir Mahamadou Issoufou. Et en 2011, le report de voix a fonctionné à hauteur de 83% en faveur de Mahamadou Issoufou et plus de 99%, en ce qui concerne Seyni Omar, qui a obtenu 195.167 voix de plus, par rapport à la somme des scores réalisés au premier tour par les partis qui l’ont soutenu. Tous ces éléments, confortent l’hypothèse de la forte emprise des partis politiques nigériens sur les choix des électeurs.

Cependant, ce constat de l’emprise des partis politiques nigériens sur les choix électoraux, doit nécessairement s’accompagner de la prise en compte de la double dynamique de la personnalisation et de la personnification de ces partis politiques. Les liens existant entre les électeurs et les partis politiques sont, de ce point de vue, moins institutionnels que personnels. Les électeurs étant moins attachés aux partis politiques qu’aux fondateurs de ces partis ou ceux qui bénéficient de la confiance de ces « pères fondateurs ». Cet élément mérite fort bien d’être souligné, étant donné que l’on semble s’acheminer vers des règlements plutôt judiciaires des conflits de leadership en cours dans certains grands partis politiques. On sait déjà que le fait d’être membre du bureau d’un parti politique n’est pas forcément synonyme de la détention d’une véritable assise électorale. Mais les directions désignées par la justice, seraient-elles pour autant perçues comme légitimes et dignes de ralliements massifs par les sympathisants, adhérents et électeurs des partis concernés ?

Anticiper sur la question de la légitimité d’une direction d’un parti politique désignée par la justice et l’impact de ce fait sur les comportements des électeurs et l’acceptation des résultats électoraux ne suffirait pas. Un examen minutieux des performances électorales antérieures des partis politiques concernés s’impose également, dans le but d’évaluer les véritables poids électoraux des différends protagonistes. Cela permettrait de confronter les prétentions des uns et des autres à la réalité et éventuellement de faire des pronostics plus ou moins fiables, basés sur des éléments concrets, comme cela se fait ailleurs. Une attention particulière mérite par ailleurs d’être accordée aussi à toutes les localités où les scores des différents candidats risqueraient d’être serrés, pour maximiser les conditions de la transparence des scrutins et minimiser les risques de contestation de leurs résultats. C’est dire que, la situation actuelle du pays interpelle la classe politique, les acteurs de la société civile, la presse, les partenaires extérieurs du Niger, mais aussi les professionnels de la science politique du pays et autres experts des questions électorales et d’études d’opinion. Il importe de rappeler à ce niveau, que les démocraties qui sont aujourd’hui citées en exemple, ne se sont pas retrouvées du jour au lendemain avec des processus électoraux réguliers, libres et transparents. Leurs indéniables avancées résultent des engagements politiques et intellectuels, qui ne sont pas au dessus de la portée des citoyens nigériens.

Enfin, les échanges politiques en cours au Niger, paraissent bien loin des attentes des populations et présentent la classe politique du pays sous des aspects plutôt peu enviables. Mais on aurait peut être tord de sombrer dans la crainte désespérée du pire. Car ces hommes politiques ont été capables du meilleur par le passé. En 1999 par exemple, dans un continent particulièrement caractérisé par les contestations des résultats électoraux, l’un des deux finalistes du second tour, Mahamadou Issoufou, avait reconnu sa défaite et appelé son adversaire, Tandja Mamadou, pour le féliciter, avant même la proclamation officielle des résultats. Et quelques années plus tard, Seyni Oumarou, candidat malheureux de l’élection présidentielle de 2011, poussa la barre encore plus haut. Il reconnut non seulement sa défaite, mais aussi se déplaça au domicile de son adversaire Mahamadou Issoufou, conformément aux chaleureuses traditions nigériennes, pour le féliciter, avant la proclamation officielle des résultats. Ces deux gestes, empreints de fairplay et de grande noblesse, ont fini par faire des émules dans la sous-région. Les populations nigériennes méritent fort bien leur réédition. Elles valent bien également la création de conditions favorables au prompt retour d’un dialogue apaisé au sein et entre les partis politiques. La réinstauration d’un climat de confiance entre les principaux acteurs du processus politico-électoral, pour faire des élections de 2016, les élections les plus apaisées que le Niger ait jusque-là connues.

Dr. Elisabeth SHERIF

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