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Ali Idrissa : "Même si je suis menacé je me battrai pour le Niger"
Publié le mercredi 9 septembre 2015   |  Actuniger


Ali
© Autre presse par DR
Ali Idrissa Nani, PDG du GROUPE LABARI et coordonnateur national du ROTAB NIGER


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Dans notre pays riche en uranium, nous avons besoin d’un système équitable de répartition des ressources, mais ma campagne pour la démocratie et la liberté ne m’a attiré qu’intimidation, menaces et séjours en prison.


Tout a commencé en 1990. Je me battais pour la démocratie et de meilleures conditions pour les étudiants. Bien que notre pays ait obtenu son indépendance de la France en 1960, le Niger connaissait une instabilité politique chronique et était dirigé par un parti unique. J’étais jeune et tout ce que je voulais, c’était la liberté et la démocratie.

A l’époque, la situation était explosive, et il y avait de violents affrontements entre les forces armées du Niger et ses citoyens. J’ai perdu un de mes cousins ainsi qu’un ami proche, abattus par l’armée lors d’une manifestation dans la capitale, Niamey. La lutte pour la démocratie était dangereuse et angoissante, mais j’ai décidé de canaliser le chagrin et la colère générés par la perte de mes proches dans un engagement plus profond en faveur du changement. Avec d’autres militants, j’ai créé Croisade, une organisation de défense des droits de l’homme.

C’est ce qui s’est passé à cette époque qui a décidé de mon avenir en tant que militant.

Dans les années 90, je militais pour la démocratie mais la pénurie de nourriture en 2005 m’a fait prendre conscience que le Niger était aux prises avec un autre problème majeur : la corruption. Cette pénurie, qui n’a jamais été reconnue officiellement comme une famine, fut causée par la sécheresse, les criquets des sables, et des décennies de pauvreté. Dans un effort pour trouver des fonds afin de sortir de cette crise, le gouvernement nigérien a décidé de créer une taxe sur les produits alimentaires de base comme le blé, le lait et le sucre.

Cette nouvelle taxe a éveillé ma colère (car ce sont les plus pauvres qui en auraient pâti le plus), mais aussi ma curiosité : puisque nous étions le quatrième producteur mondial d’uranium, comment était-il possible qu’il n’y ait pas d’argent dans les caisses ? Si l’uranium représente 70 % de nos exportations, comment se fait-il qu’il ne contribue que 5.8 % à notre PIB ?

Pour comprendre l’écart entre l’extraction d’uranium et l’argent qu’il nous rapporte, j’ai enquêté sur l’entreprise responsable de cette extraction, Areva. Areva est une entreprise française dont l’Etat français possède 87 % des parts. Elle opère au Niger depuis 1971 et elle a refusé de se conformer au code minier de 2006, qui a fait passer la redevance sur les activités minières de 5 % à 12 %.

En 2013, lorsque les conventions entre notre pays et Areva devaient être renégociées, j’espérais que le gouvernement pourrait obtenir un meilleur accord. Avec des militants pour la transparence, nous avons fondé Rotab, un réseau d’organisations en faveur de la transparence et de l’analyse budgétaire. J’espérais que Rotab, en tant qu’organisme indépendant, aurait un impact sur les négociations. Après 18 mois d’intenses discussions, ponctuées par une visite du président François Hollande, un accord fut finalement atteint : Areva acceptait de payer un taux plus élevé de redevance minière, mais elle était toujours exemptée de TVA. Néanmoins, aucune information sur cet accord n’a été publiée et les conventions n’ont pas été rendues publiques, ce qui nous fait craindre qu’Areva ait pu faire pression sur le gouvernement nigérien pour qu’il lui permette de continuer ses activités minières.

Demander des réponses de la part du gouvernement nous a beaucoup couté, à ma famille et à moi. J’ai raté des moments précieux de ma vie familiale et de l’éducation de mes enfants. J’ai été victime de menaces et de pratiques d’intimidation, qui ont parfois retenti sur ma famille. L’année dernière, un jour vers 4 heures du matin, des policiers armés ont enfoncé ma porte et m’ont arrêté, sous les yeux ébahis de ma femme enceinte. Mes voisins, qui se rendaient à la mosquée pour la prière du matin, ont été alarmés de voir des policiers en civil tout autour de mon domicile. C’était lors de la visite de François Hollande, le jour où nous avions organisé une manifestation pour exiger la publication du contrat Areva. Comme le gouvernement voulait cacher l’existence de contestataires, ils m’ont emprisonné pendant la durée de la visite du président français.

Tout cela n’a pas été facile, et parfois je me suis demandé si je pouvais continuer. Beaucoup de choses ont changé depuis le coup d’état de 1999, car nous avons désormais un système démocratique et des lois en faveur des droits de l’homme. En théorie, nous bénéficions de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, mais en tant que militant, j’ai encore peur pour ma vie. Cependant, ce sacrifice m’a permis de faire connaitre au monde les problèmes qui touchent les Nigériens.

C’est le fait de savoir que j’ai le soutien de mes concitoyens qui me pousse à continuer. J’aimerais connaitre un Niger où nous travaillons ensemble pour assurer la stabilité du pays et promouvoir son développement. Mais cela n’arrivera pas tant qu’il n’y aura pas de répartition équitable des ressources naturelles, et tant que la corruption règnera. Cependant, même si j’ai souvent peur, et si je crains que ma vie ne soit en danger, je n’abandonnerai pas cette bataille pour le Niger, pour mon peuple, pour ma famille.


The Guardian

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