La Nigérienne est un air patriotique, un hymne, notre hymne national. Atterré par ce qui se produit sous nos cieux, je l’ai invoquée : elle est venue, affligée. Auprès d’elle, je me suis assis, écoutant ses strophes et ses refrains.
Je lui ai demandé si, sans l’avilir, nous pouvions l’entonner. Je lui ai demandé si, sans mentir, nous pouvions la chanter. Je lui ai demandé si elle souffre encore que nous le fredonnions.
Elle voulait le Niger grand et puissant. Mais que voyons-nous aujourd’hui? Petitesse et faiblesse. Elle voulait pour nous une nature belle, nous l’avons faite belliqueuse. Soyez fiers et reconnaissants de votre liberté nouvelle m’a-t-elle dit. Fiers, avons-nous une raison de l’être? Reconnaissants envers qui? À l’égard de ceux qui nous gouvernent, nous oppriment et nous narguent, ou à l’endroit de ceux qui s’opposent à eux, ambitionnent de les remplacer, sans aseptiser leurs desseins? Quant à notre liberté, elle a cessé d’être nouvelle.
Elle est sénescente, il nous en faut une autre. Et, quand nous la réclamons, on nous offre une pensée unique, on incrimine l’indépendance d’esprit, on active la censure, on interrompt les sources du savoir et celles de la communication, on ouvre grandes les portes des pénitenciers.
Elle nous incitait à éviter les vaines querelles afin d’épargner notre sang. Ces querelles sont encore là, stériles et sempiternelles, mettant aux prises les mêmes protagonistes, depuis un quart de siècle. Notre sang s’est versé, et ce qui en reste est épargné pour être sucé.
Elle souhaitait que les accents glorieux de notre race sans tutelle s’élèvent dans un même élan jusqu’à un ciel éblouissant où règne son âme éternelle. Nos accents, Nigérienne, ne sont pas glorieux parce que faits d’invectives et d’insultes, d’humiliations et de médisances, de mensonges et de diffamations. Notre race est dominée par ses propres turpitudes.
Notre élan s’est estompé. Et, si d’aventure nos accents s’élevaient, ils n’attendraient qu’un ciel obscur lourd de menaces. Ce ciel, notre âme devrait le quitter, car ce serait un calvaire que d’y vivre éternellement.
Malgré tout, Debout! Niger! Debout! dit La Nigérienne. Vous avez un peuple vaillant, une jeunesse qui peut contenter le cœur de votre vieux continent. Vous pouvez faire œuvre féconde. Que les tam-tams résonnent pour débusquer les desseins malveillants, les contempteurs et les détrousseurs du peuple. Que les Nigériennes et les Nigériens clament que le pays appartient à chacun et à tous. Qu’ils fassent grandir le Niger par de la mise en comment des efforts individuels et collectifs. Alors, sur le sol, sur l’onde, aux quatre coins du monde, le Niger comptera.
Debout! Niger! Debout! dit La Nigérienne, aujourd’hui, plus que jamais.
