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A propos de l’IDH au Niger : nous vivons le « comble de l’athéisme » selon le Professeur Nasser Ary Tanimoune
Publié le mercredi 16 decembre 2015   |  Nigerdiaspora


Professeur
© Autre presse par DR
Professeur Nasser Ary Tanimoune


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Nigerdiaspora : Professeur Ary Tanimoune, l’Indice de Développement Humain (2014) pour le Niger est connu depuis lundi 14 décembre. On retrouve des résultats similaires à ceux de l’année dernière…
Professeur Nasser Ary Tanimoune : En effet ! Et, il est tout autant sympa de retrouver, chaque année et à peu près au même moment, le mélodrame nigérien sur le classement mondial du pays par rapport à l’Indice de Développement Humain. Ce serait juste un n-ième mélodrame, si cette année la discussion n’intervenait pas à la veille des élections.
Sinon, vous avez raison, on retrouve des résultats similaires : le Niger est toujours classé au dernier rang mondial, mais le développement du Niger, mesuré à travers l’IDH, s’est amélioré. Evidemment, on pourra toujours disserter quant à savoir si on aurait pu faire mieux, ou même pourquoi on ne fait pas mieux !

Nigerdiaspora : Mais alors pourquoi au Niger, l’IDH est toujours un sujet de crispation ?
Professeur Nasser Ary Tanimoune : Pour moi, il y a au moins deux (2) raisons qui expliquent cela.
D’abord, je crois que le mélodrame nigérien tient autant à la méconnaissance des contours de l’IDH, à l’absence de pédagogie (ou de volonté d’explication) des gouvernements depuis au moins 15 ans, qu’à la mauvaise foi des commentateurs. On pourra toujours disserter sur la méthodologie discutable et les données suspectes, mais ce ne sera que l’arbre qui cacherait la forêt.

Ensuite, ce qu’il faut savoir, c’est qu’au Niger, le faible niveau de l’IDH est principalement structurel : quatre décennies de politiques de l’éducation approximatives, un système économique durablement enraciné dans la recherche de la rente plutôt que la production (c’est en effet plus rentable, et rapide, d’engranger un revenu provenant des fameuses commissions, qu’un revenu en contrepartie d’une valeur ajoutée réelle) et enfin, un accroissement de la population pour le moins non-adapté à nos moyens.

Dans ces conditions, il serait alors illusoire de vouloir une amélioration significative de la valeur de l’IDH sur la base de changements conjoncturels, c'est-à-dire par exemple le temps d’un cycle de gouvernement, surtout lorsque les réalisations sont soumises à contestations de tout ordre.

Nigerdiaspora : Pourrait-on faire mieux en termes d’IDH ?
Professeur Nasser Ary Tanimoune : Au Niger, nous devons avant tout résoudre le paradoxe résultant de ce qu’on appelle le « comble de l’athéisme ». En effet, convenez avec moi que c’est très paradoxal d’avoir un athée qui s’astreigne à ne boire que de l’eau sous prétexte qu’il y a un Dieu pour les ivrognes… C’est exactement le cas au Niger : l’opposition d’aujourd’hui accuse le pouvoir actuel d’être incapable d’améliorer l’IDH, tout comme les opposants d’hier accusaient les gouvernants à l’époque d’une incapacité similaire. C’est certainement de bonne guerre… mais alors, voyez-vous, c’est cela le drame au Niger ; un demi-siècle après les indépendances politiques, nous sommes encore incapables d’avoir un consensus, aussi minimal soit-il, par rapport à des objectifs de développement de base.

Nous passons plus de temps à discuter quant à savoir s’il y a eu réellement, par exemple, 2000 classes construites par an, au lieu de 2010 ou 2012 classes par an. Evidemment, pour des enjeux électoraux, cette question est légitime, mais elle ne l’est nullement pour des enjeux de développement.

Nigerdiaspora : Finalement, comment faire ?
Professeur Nasser Ary Tanimoune : La question qui devrait préoccuper tous les nigériens et les nigériennes est plutôt de savoir de combien de classes a-t-on besoin pour couvrir ne serait-ce que les conséquences mécaniques de la démographie ? Ou par exemple, quelle aurait été la situation du pays, en termes d’IDH, s’il n’y avait pas eu les réalisations de ces dernières années ?

En effet, tout le monde est d’avis que la tendance démographie au Niger est non-adaptée par rapport à nos moyens ; tout le monde est aussi conscient que les effets mécaniques de l’accroissement de la population se traduisent par : plus de classes, plus d’écoles, plus de centres de soin, plus de personnels pour l’éducation et la santé, etc. Seulement voilà, il semble que nous soyons incapables (autant les dirigeants, gouvernants comme opposants, que leurs supporteurs respectifs) de nous entendre sur le minimum à entreprendre pour enraciner structurellement le développement du Niger. Ce dont nous avons besoin, c’est un genre de consensus national sur les objectifs de développement – après tout, cahin-caha, les responsables politiques ont bien pu s’entendre sur la nécessité d’avoir un cadre de dialogue pour les consensus politiques.

Mais non, au Niger, nous espérons toujours à obtenir un bon résultat (miracle) alors même que nous posions mal un problème. Il n’y a donc rien de surprenant lorsque nous faisons fait du surplace.

Et, ce n’est pas près de s’améliorer. Vous avez certainement remarqué qu’à deux mois des élections générales et législatives, on ne connait toujours pas les programmes ou même une petite idée des projets des candidats déclarés et investis. Le débat s’enflamme chaque jour un peu plus par rapport à ce qu’ils sont, et non pas sur ce qu’ils veulent faire… L’essentiel du débat est centré autour des personnalités, pour ne pas dire des personnes, présentées comme étant immaculées, pour ne pas dire vierges !

Nigerdiaspora : N’est-ce pas un peu pessimiste ?
Professeur Nasser Ary Tanimoune : Heu… j’aurais dit plutôt réaliste, mais bon ! Disons que j’aime bien ces vers de Shakespeare : "Il y a une vague dans le destin des hommes qui // saisie au flot, conduit à la fortune, // ratée, tout le voyage de leurs vies, // sombre dans le vide et la misère".

Dans le cas du Niger, une chance qu’il y pourrait y avoir plusieurs vagues… à nous d’en saisir une, au flot !

Nasser ARY TANIMOUNE, Professeur agrégé
School of International Development and Global Studies, Université d’Ottawa

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