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Les clandestins ouest-africains risquent la mort pour une vie meilleure au Gabon
Publié le jeudi 21 mars 2013   |  AFP




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CAP ESTERIAS (Gabon) - Les corps jonchent la plage sur plusieurs centaines de mètres, à moitié dévêtus par les remous de l'eau. Parmi les 65 immigrés clandestins qui tentaient d'atteindre les côtes gabonaises, mercredi soir, au moins 30 ont trouvé la mort.

Leur pirogue a chaviré au large de Libreville, près du Cap Esterias (40 km au nord de la capitale gabonaise). Elle était encore visible dans l'eau jeudi après-midi, ont constaté des journalistes de l'AFP, qui ont dénombré 30 cadavres, dont plusieurs de très jeunes victimes.

"Nous avons été alertés vers 01H00 du matin, ce sont des clandestins qui tentaient de venir au Gabon, raconte un gendarme sur place. J'ai vu plusieurs filles qui ne devaient pas dépasser les quinze ans, c'est un désastre".

Il y a "au moins huit survivants" mais d'autres immigrés ont pu se cacher dans la forêt après l'accident, selon ce gendarme qui s'exprime sous le couvert de l'anonymat. Parmi eux, trois Burkinabé, deux Togolais, deux Béninois et un Nigérien.

Selon l'un des rescapés, les passagers de la pirogue étaient partis lundi soir de Calabar, dans le sud du Nigeria. "Il faisait très mauvais, on était presque arrivés quand le moteur s'est éteint. Une première vague est venue remplir la pirogue, et la deuxième nous a renversés", a expliqué à l'AFP Abdou Fataou, un Togolais de 34 ans. D'après lui, 65 personnes, dont 23 femmes se
trouvaient à bord du bateau.

Disséminés entre les rochers, les effets personnels racontent les espoirs déchus de ces immigrés qui voulaient refaire leur vie au Gabon, souvent perçu comme un eldorado. "Bonne et heureuse année 2013!", peut-on lire, écrit d'une main d'enfant, sur un cahier ouvert dans le sable. Quelques mètres plus loin, une pochette plastifiée renferme un rapport de stage. Son auteur, un jeune Togolais dont on ne sait encore s'il fait partie des victimes, venait de
décrocher son brevet de technicien.

Un peu partout, des vêtements, des CD, des sachets d'eau ou encore une bible en langue vernaculaire complètent les maigres bagages de ces voyageurs.

"Ici, c'est le passage obligé des clandestins. Les naufrages sont très fréquents, et il y a souvent des morts, c'était pareil l'an dernier", relève l'adjudant-chef Joseph Magnagna.

Au commissariat du Cap Estérias, recroquevillés à même le sol, deux garçons aux traits d'adolescents gardent le silence, les yeux dans le vide. Leur frère ne s'en est pas sorti, lui "est resté dans l'eau", raconte Diao Bassirou, 19 ans.

Originaires du Burkina Faso, ils ont payé chacun 350.000 Francs CFA (533 euros) pour faire la traversée. "On nous avait dit que ce serait un grand bateau mais en fait c'était une petite pirogue en bois. On n'a pas eu le choix (...) Là-bas, nous sommes pauvres, il n'y a rien, alors on est venus pour faire du commerce ici", ajoute l'aîné, Yacubo, 23 ans.

Producteur de pétrole au niveau de vie élevé, le Gabon, petit pays de 1,5 million d'habitants, attire beaucoup de main-d'oeuvre étrangère, souvent non qualifiée. Une grande part de elle-ci vit dans la clandestinité.

"Le plus souvent, ils viennent parce qu'un proche installé au Gabon les appelle, ils leur disent qu'il y a du travail pour eux ici", affirme l'adjudant-chef Magnagna.

Les pirogues les transportant sont souvent surchargées. En juillet 2008, un drame similaire avait fait une vingtaine de morts sur le bord de mer de la capitale.

"La mer va sûrement rejeter d'autres corps, et en attendant, on recherche le passeur: ça doit être un habitué, c'est son business, et c'est ce genre de personne qu'il faut dissuader", conclut l'adjudant-chef.

"Nigérian" selon certains rescapés, "Togolais" selon d'autres, "le passeur nous a dit de l'attendre sur la plage et nous a promis de venir nous chercher, commente Abdou Fataou. On ne l'a pas vu revenir".

Par Célia LEBUR

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