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DJIBRIL SAIDOU (Expert en communication): « CETTE PRÉSIDENTIELLE EST UN SOLILOQUE ÉLECTORAL SANS ENJEUX»
Publié le mardi 15 mars 2016   |  ActuNiger


DJIBRIL
© Autre presse par DR
DJIBRIL SAIDOU (Expert en communication)


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Djibril Saidou est journaliste de formation. Après une quinzaine d’années dans le métier au cours desquelles il a travaillé comme correspondant de presse pour des agences de presse africaines et américaines et collaboré avec quelques grands titres en Europe et en Afrique, notre confrère nigérien est depuis quelques temps consultant et expert en communication auprès de certains organismes. Djibril Saidou est souvent invité comme contributeur à la dynamique des médias, de la démocratie, dans des forums en Afrique et sur le vieux continent. Dans cet entretien qu’il nous a accordé via Facebook, il décortique la situation sociopolitique au Niger suite aux élections couplées des 21 et 22 février 2016.

Les observateurs des élections couplées au Niger s’accordent à dire que le scrutin s’est bien déroulé. Etes-vous de cet avis ?



Si l’on considère le caractère pacifique des électeurs qui ont pris d’assaut les bureaux de vote, on peut dire que le scrutin des 21 et 22 février (puisque le vote s’est poursuivi le lundi 22 février) s’est déroulé dans la tranquillité. Il n’a pas été noté de violences significatives ayant émaillé le scrutin du côté des votants. Seul bémol, les nombreuses péripéties qui ont coché ce scrutin, avec des dysfonctionnements à maints endroits, le manque de matériel électoral ou le retard dans son acheminement à certains lieux, le non-respect du délai dans l’ouverture de certains bureaux de vote, y compris à Niamey la capitale, ainsi que la disparition de quelques urnes, tel que rapporté par des observateurs électoraux et plusieurs partis politiques et candidats. Il faut aussi ajouter la dissimilitude des chiffres ; plusieurs voix, y compris dans le camp présidentiel, se sont élevées pour crier au « broyage » des chiffres sur les procès-verbaux. Donc, il faut dire que la sérénité apparente dont ont fait preuve les électeurs ne doit point voiler toutes ces anomalies relevées çà et là lors de ce scrutin.

Les principaux partis de l’opposition réunis au sein de la Coalition pour l’Alternance (COPA) au regard de ces dysfonctionnements et irrégularités, avaient dit qu’ils ne reconnaîtraient pas les résultats de ce premier tour. On s’attendait alors à de fortes contestations, mais il y a eu finalement plus de peur que mal.

C’est ce que je disais tantôt. Il n’y a pas que les partis de l’opposition, même dans le camp soutenant le Président Mahamadou Issoufou, il y a eu des dénonciations. Finalement, il n’y eut pas de grandes contestations, les protagonistes ayant certainement fait confiance à l’arbitre électoral, pour qu’il tienne compte de tous les recours, et procède, le cas échéant, à l’annulation de certains résultats. Vous savez, au Niger, les acteurs font fortement foi aux institutions, notamment en la Justice constitutionnelle et cela a certainement dopé l’espoir des plaignants de se voir « réhabilités » dans leurs droits.



Mais contre toute attente, la COPA est revenue à la charge pour se retirer du second tour. Que s’est-il passé ?



Entre-temps, et devant la validation quasi totale des résultats globaux provisoires, la COPA a décidé de ne pas agréer le « verdict » de la Cour constitutionnelle. Je crois que c’est une manière, quelque peu élégante et courtoise, pour elle, devant l’impossibilité et l’interdiction de faire appel de toute décision de la Cour constitutionnelle, de se démarquer du processus, de rejeter les résultats. Elle est restée, de mon point de vue, logique et cohérente dans sa démarche. Car elle a déjà fait part de sa décision de ne pas entériner les chiffres proclamés par la CENI. Il faut pareillement préciser que la Cour constitutionnelle a aussi rejeté un recours formulé par le MNSD, un des principaux partis de la COPA, arrivé 3e à l’issue du scrutin. Visiblement ces décisions de la haute juridiction ont douché quelque peu l’opposition, qui a préféré ainsi se retirer des élections ; ce qui est synonyme aussi de l’absence de Hama Amadou, son candidat, au second tour de la Présidentielle du 20 mars prochain.



Le maintien en détention de Hama, le challenger d’Issoufou, est une des raisons évoquées par la COPA pour jeter l’éponge. Pourtant au premier tour, elle n’avait pas trouvé à redire.



C’est quelque peu cocasse. Mais quand on regarde le « cas Hama Amadou », je crois que cela aurait été un baroud d’honneur pour l’opposition de faire de sa mise en liberté un préalable pour le premier tour. D’autant plus que toutes ses demandes de liberté provisoire ont été rejetées et il s’est lui-même défendu de réintroduire un quelconque recours dans ce sens. Il a lui-même accepté d’aller aux élections tout en étant dans une cellule. Maintenant, pour une question d’équité, d’égalité, d’équilibre et même d’élégance, je crois que les élections au Niger méritent mieux, elles valent de mettre en compétition deux candidats à «armes égales».



Le dossier Hama est du ressort de la justice. Et en bonne démocratie, il y a la séparation des pouvoirs. Exiger la libération de l’ex-occupant du perchoir, n’est-ce pas demander à l’exécutif de s’immiscer dans des affaires judiciaires ?



Autre fait, c’est que dans la détention de Hama Amadou il ne faut pas perdre de vue qu’un des mis en cause, l’ex-ministre d’Etat Abdou Labo, lui, a battu campagne au titre de son parti en toute liberté, après avoir obtenu une liberté provisoire. Cela crée déjà une certaine dissemblance entre les candidats. Certes l’affaire est prétendument judiciaire, mais je crois qu’un sursaut politique aurait aussi son « mot » à dire.



Le cas Hama ne peut être comparé à celui d’Abdou Labo qui a d’abord été incarcéré avant de bénéficier d’une liberté provisoire, alors que le détenu de Filingué avait, lui, pris la fuite…



Effectivement comparaison n’est pas raison. Dans le cas d’Abdou Labo, il a été emprisonné avant de bénéficier d’une liberté provisoire, pendant que Hama Amadou était, lui, en exil après qu’il a fugué. A l’époque, je faisais partie de ceux qui ont estimé que cette fuite n’était pas la bonne voie pour lui, d’autant plus qu’elle a fait le lit à tout ce qui a suivi par la suite : il a été déchu de son poste de président de l’Assemblée nationale puis une fois de retour, cueilli et placé en prison. Alors même qu’il a donné des garanties de comparaître devant le juge.



Certainement que cette fuite-exil a aussi exacerbé son cas puisqu’on y voit aussi un délit de fuite pour se soustraire d’une procédure judiciaire. Mais c’est un sujet de dissertation beaucoup plus infini.



Ce qui est curieux, comme Abdou Labo, Hama Amadou est poursuivi comme complice dans cette sulfureuse affaire de supposition d’enfants. Je crois qu’à partir du moment où il a accepté de revenir se « rendre » à la justice, on aurait pu lui faire un « procès » et lui permettre d’être en liberté comme tous les présumés dans cette affaire. Pour moi, son cas inclinerait beaucoup plus vers une solution politique, consensuelle que purement judiciaire.



Donc, vous pensez comme certains que l’élection serait plus crédible si on libérait Hama ?



Je crois que l’élection aurait été moins fade et « disproportionnée » si Hama était libre. Surtout qu’il n’était même pas, comme le dit Issoufou lui-même, le principal challenger. De toutes les façons, le Président Issoufou a obtenu 48,4 %. Hama aura donc fort à faire pour rattraper le gap, surtout devant le ralliement à Issoufou de la quasi-totalité des « petits » candidats. Bien que le scrutin du 20 mars soit très ouvert, il suffit juste que les protagonistes procèdent à une mitigation méthodique des possibilités de triches. Je suis aussi d’avis que l’élection aurait été plus équilibrée, plus « jouable », plus légitime, si en face nous avions deux candidats… libres.



Le second tour pourra-t-il se tenir à bonne date avec ce retrait de la coalition de l’opposition ?



Si l’on voit les dispositions légales, le retrait de l’opposition du processus électoral doit être matérialisé par un acte officiel de désistement adressé à l’institution compétente, dans les 72 heures qui suivent la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle. Une fois que ce formalisme est satisfait, la loi prévoit que c’est par ordre de classement que les candidats se « relaient », donc les 2e, 3e et 4e ayant désisté, ce sera au 5e et ainsi de suite. Sauf qu’ici, depuis quelques jours les 5e, 6e et 7e ont, eux aussi, fait allégeance au candidat Issoufou dont ils «s’approprient » le programme pour le second tour. Quel crédit pourrait-on accorder à une candidature-alibi, à un candidat qui a déjà accepté de soutenir un autre ? Tout porte à croire que Issoufou risque d’affronter Issoufou. Une sorte de soliloque électoral, sans véritable enjeu.



En tant qu’analyste politique, quel scénario se dessine avec cette nouvelle crise politique au Niger ?



Je n’ai pas la prétention d’être un « analyste », mais juste un observateur de l’actualité politique dans mon pays. J’essaie d’observer avec froideur ce qui se passe. Et le scénario le plus probable, c’est que nous irons vers une crise politique au Niger, ce qui risque d’ouvrir le ballet des médiateurs, et donc de mettre une véritable « diversion » dans le développement du pays et son aspiration à la démocratie. Rappelez-vous que depuis 2008-2009, la CEDEAO a commis un médiateur régional pour le Niger. Il s’agit de l’ex-chef d’Etat du Nigéria, le Général Abdoul Salami Aboubacar, lequel serait certainement en train de préparer sa valise pour débarquer à Niamey. Et je me demande, quel type de légitimité va couvrir le futur chef de l’Etat, devant ce tollé quasi généralisé.



Entretien réalisé par Adama Ouédraogo Damiss et M. Arnaud Ouédraogo

(L’Observateur PAALGA, Burkina Faso)

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