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Lettre à mes compatriotes Mes chers compatriotes, Diffa a plutôt besoin de sécurité, de tentes, de couvertures, de grains, d’eau, d’éducation et de santé, pas de folklore aux relents politiciens
Publié le vendredi 1 juillet 2016   |  Le Monde d'Aujourd'hui


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© Autre presse par OMS/C. Black
Des enfants souffrant de malnutrition aiguë reçoivent des aliments enrichis et des antibiotiques.


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J’ai appris, comme beaucoup d’entre vous, la nouvelle de la radiation d’un certain nombre d’officiers de l’armée nigérienne. Je ne voudrais pas commenter cette décision de Mahamadou Issoufou qu’il assume totalement en tant que chef suprême des armées nigériennes mais je ne peux m’empêcher de relever que les salaires de es officiers ont été suspendus à peine deux mois après l’annonce du fameux coup d’État déjoué et qu’en fin de compte, ils viennent de subir la plus grave des sanctions sans avoir été jugés et convaincus de ce qu’on leur reprocherait. Cette démarche est propre aux régimes communistes, pas à une démocratie et à un État de droit.
Mais bon, laissons les forgerons s’occuper de la forge.

Mes chers compatriotes, la vie d’une nation en construction comme le Niger est toujours sujette à des contraintes, à des obstacles et à toutes sortes d’écueils que l’on parvient à surmonter, pour peu que les citoyens aient la même compréhension des enjeux du moment et décident de regarder dans la même direction. Toutefois, cela ne peut se faire ni par la coercition ni dans l’injustice, encore moins lorsque les autorités politiques censées incarner cet idéal et donner montrer la voie par l’exemple, pataugent au quotidien dans le déni du droit, la violation des lois et règlements ainsi que les fraudes et les malversations financières de grande ampleur. Cela est d’autant plus évident que partout où l’injustice est érigée en système de gouvernance et que les premiers contrevenants à la loi se recrutent au sein de la haute sphère au pouvoir, voire jusque dans les institutions qui ont une vocation d’arbitre, alors il ne faut pas se faire d’illusions. Le leadership se mérite, il ne s’impose pas. Pas plus qu’il ne se décrète. Et à moins d’admettre que nous sommes dans un système de gouvernance hors-la-loi, on ne peut s’imaginer que ceux qui sont à la tête de l’État actuellement puissent réussir à entraîner les Nigériens dans une quelconque direction. Le mobile a beau être des plus sublimes, des plus nobles, celui qui n’est pas un exemple dans la société ne peut réussir grand-chose. La preuve, c’est le 20 mars 2016 où l’écrasante majorité des Nigériens, pour montrer leur désaffection totale vis-à-vis de Mahamadou Issoufou et de ses souteneurs, ont décidé de boycotter le second tour de l’élection présidentielle. Il n’y a pas pire supplice pour un gouvernant ou un leader quelconque de se retourner et de constater qu’il est seul ; que les foules qu’il pensait guider lui ont depuis lors tourné le dos, regardant dans la direction contraire pour scruter quelque chose de plus beau et de plus conforme à leurs attentes.

Mes chers compatriotes, telle est aujourd’hui la situation du Niger. Une situation qui explique tout le reste. Mais, vous savez, lorsqu’on est animé de mauvaise foi, on peut oser brandir du noir et prétendre que c’est du blanc. Je vais être clair : la presse d’État ne rend pas service au Niger. En lisant, ces derniers temps, les éditoriaux aux allures de …du directeur général de l’Onep [Ndlr : Office national d’édition et de presse], on sent tout de suite le roussi. Heureusement que les Nigériens sont peu nombreux à lire ces fadaises qu’il m’est arrivé de lire. Car, lorsqu’une presse d’État, qui doit être au service de la République, se mue en censeur, voire en juge pour stigmatiser, vilipender puis condamner une catégorie de citoyens qui n’ont eu d’autre tort que de critiquer la politique des gouvernants, alors il faut craindre le pire. Lisez bien ce que Mahamadou Adamou a écrit, probablement pour faire plaisir quelque part : « pendant que l’heure doit être à un sursaut patriotique et à une mobilisation générale de tous les Nigériens pour galvaniser notre Armée nationale; pendant que l’heure doit être à une union sacrée derrière notre drapeau national; pendant que l’heure doit être au renoncement des idées particularistes pour ne voir que l’intérêt général; pendant que l’heure doit être à une paix de braves et au rassemblement derrière les autorités que Dieu nous a choisi, des individus mal intentionnés et pyromanes à l’excès, répandent leur venin perfide pour démobiliser et démoraliser nos braves et vaillants FDS ». Qui sont ces compatriotes qui sapent le moral des troupes et qui, si l’on va dans la logique de l’auteur, pourraient être à l’origine des drames que notre pays a connu, notamment à Karamga et à Bosso, récemment ? Ne vous perdez pas en conjectures, Mahamadou Adamou les désigne tout de suite. Ils sont connus car ce sont forcément ces opposants qui refusent encore de s’aligner derrière le faux que « Dieu nous a donné », précise-t-il. Voici ce qu’il déclame : « Cette manière basse et éhontée de faire la politique doit être condamnée et combattue sans merci. Elle s’apparente ni plus ni moins à une sorte de haute trahison, à une connivence avec l’ennemi et à une collaboration déguisée pour déstabiliser le Niger; déstabiliser nos institutions républicaines et faire le lit de la chienlit ». Ça y est ! Suivez le raisonnement. Tandis que les vrais fils du pays, Mahamadou Issoufou et les siens, auraient toute leur énergie tournée contre Boko Haram, les apatrides, qui pourraient avoir pour noms Seïni Oumarou, Mahamane Ousmane, Hama Amadou, Amadou Boubaar Cissé et d’autres, travailleraient activement à ruiner le Niger. Et la sentence tombe, comme un couperet. Ces gens mériteraient la potence puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que « d’une haute trahison, une connivence avec l’ennemi et une collaboration déguisée pour déstabiliser le Niger ; déstabiliser nos institutions républicaines et faire le lit de la chienlit ». Le procureur Mahamadou Adamou n’a pas pour autant fini son violent réquisitoire contre « ces terroristes intellectuels qui, ajoute-t-il, « en s’attaquant, par la médisance et la calomnie, à l’armée qui, jour et nuit, se bat héroïquement contre les forces du mal pour préserver notre pays et la dignité de son peuple, ont déclaré la guerre à toute la Nation. Ils doivent dès lors être considérés comme des ennemis du peuple et traités comme tels. La loi doit être alors appliquée dans toute sa rigueur contre ses pêcheurs en eaux troubles ». Après un tel réquisitoire, on ne s’en sort, si l’on est désigné coupable, qu’avec, dans le meilleur des cas possibles, une condamnation à vie. Sinon, c’est la potence, directement. Mais laissons le procureur Mahamadou achever son réquisitoire puisqu’il n’a fini de verser tout son venin. « En appelant au renversement d’un régime démocratique, issu des urnes, ces apatrides poursuivent les mêmes objectifs que la nébuleuse et abjecte Boko Haram, à savoir déstabiliser notre pays et détruire notre cohésion sociale ». Et comme il est révolté par cette conduite criminelle de compatriotes, pardon, d’apatrides dont on doit s’occuper au plus vite, le procureur Mahamadou clame son ras-le-bol : « Trop, c’est trop ! La démocratie et l’État de droit dont nous nous sommes librement dotés, ne doivent pas servir de tremplin à des aventuriers sans foi ni loi et qui ne sont mus que par une haine noire et aveugle ». Tout est dit. Il ne reste plus qu’à attendre les répercussions de ce violent réquisitoire sur ces compatriotes qui refusent de s’aligner derrière la « renaissance culturelle », signe patent qu’ils sont de mèche avec l’ennemi. Mes chers compatriotes, comme vous pouvez aisément le constater, j’ai été choqué de constater que chez nous comme ailleurs où cela est déjà arrivé, la presse, celle qui est sous le contrôle des gouvernants plus que celle qui est dite privée, peut être potentiellement dangereuse pour la démocratie et l’État de droit, voire pour la cohésion sociale dont le sieur Mahamadou se pare pourtant, sans honte, pour son pamphlet. Et comme le ridicule ne tue point, il parle de démocratie, d’État de droit, de cohésion sociale que des gens, mal intentionnés comme il dit, auraient pour objectif de saborder. Bien entendu, Mahamadou Adamou, qui est d’abord connu comme le militant d’un parti allié au Pnds Tareyya, ne peut être qu’aveuglé pour pouvoir cerner avec perspicacité la délicatesse de la situation et ce qu’il peut faire de mieux pour le Niger. Il ne peut donc se rendre compte que son écrit, parce qu’il sent la commande politicienne ou répond en tout cas à une démarche politicienne qui n’a rien de républicain, participe justement d’une action de sape du climat politique nécessaire à la mobilisation autour d’objectifs communs. Mauvaise foi, quand tu nous tiens ! La débacle financière que l’on connaît aujourd’hui est-elle le fait d’opposants politiques ? L’insécurité alimentaire qui frappe plus de deux millions de compatriotes est-elle le fait d’opposants politiques ? Le coup d’État électoral du 20 mars 2016 est-il le fait de Seïni Oumarou ou de Mahamane Ousmane, de Cissé ou de Hama Amadou ? Les commanditaires des fraudes du concours de la santé se recrutent-ils au sein de l’opposition politique ou au sein du pouvoir ? Est-ce Mahamane Ousmane ou Mohamed Bazoum qui a stigmatisé des officiers de l’armée sur des bases ethniques ? Alors, il faut arrêter cette tendance malheureuse qui conduit fatalement à exploiter les pires drames à des fins politiciennes. Ce qui frappe Diffa est un drame et nul n’a le droit de l’exploiter à des fins politiciennes. Nos compatriotes qui y vivent ont plutôt besoin de tentes, de couvertures, de grains, d’eau, d’éducation et de santé, pas de folklore aux relents politiciens. Malheureusement, il faut bien se rendre à l’évidence qu’une société civile qui est insensible aux violations des droits de l’homme, aux violations des lois et règlements, aux détournements de deniers publics, aux fraudes dans les concours professionnels, voire à un coup d’État électoral, ne peut que poursuivre d’autres objectifs en initiant une manifestation populaire de soutien aux populations de Diffa. Que Dieu nous vienne en aide.

Mallami Boucar
30 juin 2016

Source : Le Monde d'Aujourd'hui

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