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Contexte post-électoral au Niger : du silence de la COPA à l’avènement d’une nouvelle ère politique
Publié le vendredi 22 juillet 2016   |  Actu Niger


Elections
© AFP par Issoufou Sanogo
Elections 2016: Conférence de presse des leaders de l`opposition
Mardi 23 Février 2016. Les partis d`opposition déclarent qu`ils ne reconnaissent pas les premiers résultats partiels des dernières élections présidentielles.


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Selon les statistiques officielles, le pouvoir sortant aurait largement dominé la compétition du 1er tour de la présidentielle de 2016, avec 48,43% des suffrages exprimés valables. Un score contesté, principalement par les partis politiques de l’opposition regroupés au sein de la Coalition Pour l’Alternance en 2016 (COPA), qui annoncèrent, dans la foulée, leur intention de boycotter le 2nd tour et de ne pas reconnaitre le personnel politique qui en serait issu.

Cependant, contrairement au Front pour la Restauration et la Défense de la Démocratie (FRDD), qui a fait de la contestation des résultats de la présidentielle du 7-8 juillet 1996 un élément structurant du débat politique de la 4ème République, et à la Coordination des Forces pour la Démocratie et la République (CFDR) qui était restée en marge des institutions mises en place sous la 6ème République à l’issue des scrutins qu’elle avait boycottés, la COPA décida de siéger à l’Assemblée et de renouer avec la CENI, après seulement quelques semaines. Et les vives récriminations concernant aussi bien les résultats électoraux que les arrestations opérées dans ses rangs ont, depuis un certain temps, cédé la place au silence. Signe d’une résignation pour certains, mise en œuvre d’une stratégie politique pour d’autres, le silence de l’opposition nigérienne mérite d’être examiné. Quels sont les facteurs susceptibles de l’expliquer ? Quelles peuvent être les perspectives de sa durée, son évolution, mais aussi son éventuelle contribution à l’émergence d’une nouvelle ère politique au Niger ?

1- La COPA, faudrait-il le rappeler, regroupe des partis et personnalités politiques parmi lesquels figurent, les héritiers du régime militaire, fondateurs du MNSD parti-Etat et leaders par la suite du MNSD -Nassara, qui contractèrent, à partir de 1999, une alliance avec le CDS de l’ancien président de la 3ème République. Des personnalités et partis politiques donc, qui ont œuvré ensemble pendant de très longues années, avant de s’engager dans un face à face, au crépuscule de la 5ème République.

2- Les uns, comme le MNSD, se sont ainsi retrouvés dans le Mouvement Patriotique pour la Refondation de la République (MPRR), composé des partisans de la révision constitutionnelle devant inaugurer les institutions de la 6ème République. Et les autres, à l’instar du CDS et du MODEN-FA, né de la scission du MNSD, ont milité dans la Coordination des Forces pour la Démocratie et la République (CFDR). Une structure englobant les partis politiques, syndicats et acteurs de la société civile, farouchement opposés au mécanisme de la mise en place de la 6ème République. Leur bras de fer dura jusqu’au coup d’Etat du 18 février 2010, qui mit un terme à la 6ème République.

3- Après de brèves retrouvailles au sein de l’Alliance pour la Réconciliation Nationale (ARN) pendant la période électorale de 2011, leurs chemins se séparèrent à nouveau. Le MODEN-FA ayant décidé de soutenir le candidat de la coalition dénommée Mouvement pour la Renaissance du Niger (MRN). Faiseur du roi, il fit partie de la majorité gouvernementale jusqu’au 23 août 2013, avant de rejoindre le camp des opposants, aux côtés, principalement, du MNSD-Nassara et d’anciens membres du CDS, partisans du Président Mahamane Ousmane. Ensemble, ils formèrent, avec le concours d’autres partis politiques, l’Alliance pour la Réconciliation, la Démocratie et la République (ARDR) et par la suite la Coalition Pour l’Alternance en 2016 (COPA 2016), dans le cadre des élections de 2016.

4- Ces rapports de coopération et de conflits, que les leaders des plus grands partis de la COPA avaient eus par le passé, influent considérablement sur son fonctionnement et son dynamisme. En effet, le leader du MODEN-FA ayant fini la course du 1er tour en tête des candidats issus des rangs de l’opposition, pour certains cadres du MNSD, militer activement au sein de la COPA, reviendrait d’une certaine façon à contribuer à accroitre la visibilité de celui-ci. Une option pas facilement envisageable, eu égards aux luttes d’influence qui les ont opposés au sein de MNSD, à quoi s’ajoutent l’activisme de ses militants au sein de la CFDR et son choix du 2nd tour de la présidentielle de 2011.

5 - Par ailleurs, la crainte d’un éventuel débauchage de ses élus, pourrait expliquer la décision des partis politiques membres de la COPA de prendre part aux activités parlementaires, contrairement au désinvestissement total observé par les partis membres du FRDD et de la CFDR sous les 4è et 6è Républiques. Et ceci d’autant que, jamais dans l’histoire politique du pays, les soupçons et accusations d’achat de conscience ou de marchandage de positionnements au sein de la haute sphère politique n’ont été autant évoqués et médiatisés. Mais l’infléchissement de la position de la COPA, pourrait aussi avoir une dimension stratégique.

6- En effet, si les rumeurs de la raréfaction des ressources financières de l’Etat s’avéraient, cela pourrait entrainer la réactivation des foyers et mouvements syndicaux, en cas du retour persistant des retards dans le payement des salaires. La situation sécuritaire de la région de Diffa est, par ailleurs, de plus en plus préoccupante et particulièrement sensible pour le gouvernement. Le degré de satisfaction ou d’insatisfaction de l’armée vis-à-vis du régime en place, pouvant être lié à ses performances dans la gestion de ce dossier. D’autre part, le Chef de l’Etat étant, selon les dispositions de la constitution, à son dernier mandat, la question de sa succession pourrait intensifier les luttes de positionnement au sein du parti présidentiel, à même de captiver l’attention et l’énergie de ses cadres.

7- Les leaders de l’opposition sont pleinement conscients de la capacité de tous ces éléments à accaparer le gouvernement, au point d’accélérer le phénomène de son usure ou de… provoquer sa chute. Aussi, ils « bottent en touche ». Laissant le pouvoir s’essouffler, à force de se débattre, tout seul. Après tout, la place centrale que le MNSD occupa au sein des institutions de la 6ème République, ne lui confère pas toute la légitimité requise pour entreprendre durablement un bras de fer avec le pouvoir en place sur la régularité et la transparence des scrutins. Et les capacités d’action et d’influence du MODEN-FA ont été considérablement réduites par l’arrestation des leaders de ses branches les plus actives.

8- Ce repli tactique, permet ainsi à l’opposition nigérienne d’économiser son énergie, de ne pas devoir partager la responsabilité d’une instabilité politique de plus pour le pays, mais aussi d’éviter de s’aventurer sur un terrain que le pouvoir en place maitrise mieux. Celui de la contestation. Le PNDS, principal parti de la mouvance présidentielle actuelle, ayant toujours été le moteur des contestations post-électorales. Son essence plus ou moins syndicale, lui ayant même permis d’étendre le front de la contestation aux syndicats et organisations de la société civile.

9- Aussi, le fait qu’il soit, pour une fois, absent du camp de la contestation post-électorale, pourrait également expliquer la léthargie observée. L’étiquette de partis de notables assumée par certains leaders de l’opposition, ne constituant pas forcément un atout du point de vue de l’aptitude à entreprendre des luttes politiques, impliquant des marches et manifestations, à l’image des Journées d’Action Démocratiques (JAD) organisées sous la 4ème République et les mobilisations observées sous la 6ème République, en grande partie sous l’impulsion et le concours véhément des cadres et militants du PNDS.

10- Cette place prépondérante que le PNDS occupa dans les contestations post-électorales que le pays a connues, suscite, du reste, deux interrogations majeures. Celle de l’authenticité des motivations de sa posture antérieure d’une part, au regard de l’indexation dont il fait l’objet récemment. Et, d’autre part, celle de l’efficacité des méthodes et moyens utilisés dans ces contestations, en termes de leur contribution au processus d’institutionnalisation des mœurs et pratiques politiques de meilleure qualité, et apport concret sur l’amélioration des conditions de vie des populations. Les différends et crises politiques, ayant toujours eu des dénuements plutôt non politiques, extraconstitutionnels et militaires dans ce pays, dont le rang au classement de l’Indice du Développement Humain n’est toujours pas enviable.

11- L’opposition nigérienne peut à cet égard, du fait de l’expérience de la gestion des affaires publiques de ses leaders, ainsi que leur fine connaissance et maîtrise du jeu politique, profiter de cet épisode « silencieux », pour réfléchir davantage sur les voies et moyens permettant d’inaugurer une nouvelle ère politique au Niger. Deux écueils sont à cet égard à éviter. Celui qui résiderait dans la tentation de tourner, le plus rapidement que possible, la page des élections précédentes, d’un côté. Et, de l’autre côté, celui qui consisterait à aborder la question de leurs insuffisances, à travers les méthodes et moyens utilisés par le passé.

12- Les élections présidentielles et législatives de 2016, il convient de le rappeler, ont été émaillées d’insuffisances notoires, de la phase de leur préparation jusqu’à celle de la validation de leur issue. On peut noter par exemple le retard accusé dans l’élaboration du fichier électoral, à l’issue d’un recensement qui n’a pas pu faire l’unanimité aussi bien du point de vue de son exhaustivité que des disparités observées. Des cartes d’électeurs établies avec des informations inexactes, tellement inexactes qu’elles n’auraient pas permis, sous d’autres cieux, à leurs détenteurs de retirer un courrier recommandé.

13- A cela s’ajoutent les arrestations opérées dans les rangs de l’opposition, avant l’ouverture officielle de la campagne présidentielle, et qui ont amené des candidats à battre campagne ou du moins à suivre l’évolution de la « compétition » de leurs lieux d’incarcération, y compris le finaliste du 2nd tour. Une situation inédite au Niger, qui a été suffisamment relayée et raillée par les médias internationaux. Jamais non plus, dans l’histoire politico-électorale du Niger, le taux de participation n’avait été calculé à partir, non pas du nombre total des inscrits mais de celui… des suffrages exprimés valables. Une opération qui a été par la suite validée par le juge électoral, etc.

14- Ainsi, succomber à la confortable tentation de tourner rapidement la page de ces élections, reviendrait, d’une certaine façon, à : sous-estimer leur évidente dimension régressive ; négliger la capacité de nuisance, à long terme, des germes de division qui y ont été semés ; compromettre la possibilité d’un examen approfondi des dysfonctionnements techniques et organisationnels observés en vue de relever efficacement les défis qu’ils sont susceptibles de poser, pour les échéances électorales à venir, etc.

15- Mais céder, d’autre part, à la facilité d’emprunter la voie des contestations, tel que cela avait été fait antérieurement, serait prendre le risque de privilégier les méthodes favorables à l’exacerbation des tensions et à la polarisation à outrance du paysage politique, et de passer, une fois de plus, à côté d’un dénuement politico-constitutionnel. Un cas de figure qui, non seulement compromet le processus de maturation du processus démocratique nigérien mais aussi, et peut être surtout, ne serait même pas en mesure de persuader, à l’avenir, les acteurs clés de ces contestations, de ne pas se rendre coupables de ce dont ils accusaient les autres.

16- Il appartient, par conséquent, aux leaders de l’opposition de redoubler d’ingéniosité, afin de trouver le moyen de rompre le silence, à travers un discours innovant, engageant des actions concrètes, capables de mettre un terme à l’air d’éternel recommencement que revêt le jeu politique nigérien et à la paupérisation croissante des populations. Dans cette perspective, la COPA pourrait davantage placer la dimension coopérative du jeu politique au dessus des logiques de la compétition. Cela favoriserait l’instauration (ou réinstauration) d’un climat de confiance réciproque entre ses membres, qui lui permettrait d’élaborer, de façon plus efficace, une ligne de conduite claire et cohérente. Ceci, pas seulement pour défendre ses intérêts dans la perspective de la reconquête du pouvoir, mais aussi pour l’implacable nécessité de promouvoir un débat inédit, favorable à l’avènement d’une démocratie d’exercice, animée par des équipes agissantes, pleinement dévouées à l’objectif de la réalisation du bien être collectif.

Aussi, le défi pour la COPA ne résiderait pas uniquement dans sa capacité à convaincre ses cadres et adhérents de la nécessité d’une telle démarche. Il se situe également dans sa détermination à susciter la diffusion des principes qui la sous-tendent et leur appropriation par toutes les composantes de la classe politique nigérienne.

Dr Elisabeth SHERIF

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