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Les rails de Mahamadou Issoufou : Un imbroglio judiciaire pour le Niger
Publié le dimanche 7 aout 2016   |  Le Courrier


Corridor
© Autre presse par DR
Corridor ferroviaire Bénin-Niger


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Le 2 août 2016, Mahamadou Issoufou, l’homme fort du Niger depuis le 20 mars 2016, a indiqué, dans un message à la nation, que « Le chemin de fer, projet vieux de 78 ans, est enfin une réalité ». La conclusion coule de source : soit l’homme n’est pas conscient des réalités objectives dans lesquelles végète le Niger ; soit, il s’en fiche comme de sa première chemise. Outre que les rails posés par Bolloré sont impraticables pour nonconformité aux normes internationales, ils sont au centre d’un contentieux judiciaire extrêmement complexe qui va faire mal au Niger.
D’abord, une question de fond : comment faire la jonction entre les rails de Mahamadou Issoufou avec un écartement d’un mètre datant des années 50 et les rails béninois en sachant que, justement, le projet du Bénin vise à reprendre le tronçon existant en le conformant aux normes internationales actuelles, c’est-à-dire avec un écartement de 1, 435m ? L’intérêt du projet pour le Bénin est donc, la modernisation du chemin de fer alors que le Niger, sous l’instigation de Mahamadou Issoufou, s’incruste dans une période qu’on peut considérer comme préhistorique dans le domaine des rails. L’histoire, elle, est têtue et les faits montrent tout le désastre dans lequel Mahamadou Issoufou a précipité le Niger. Selon le journal Challenges, Africarail, détenteur des droits sur l’axe Kaya (Burkina Faso) – Niamey (Niger) – Parakou (Bénin), Aného (Togo) – Ouidah (Bénin), ainsi que sur l’axe Blitta (Togo) – Ouagadougou (Burkina Faso), a entrepris, au départ, des démarches tendant à recourir à la contribution du groupe Bolloré pour la concrétisation du projet. Challenges indique que c’est en 2011, qu’un comité de pilotage “ferroviaire et minier” a été créé à Bercy dans ce sens. Ce fameux comité, présidé par Michel Rocard, réunissait d’autres groupes français pour la mobilisation des fonds. C’est ce justifie la présence du groupe Bolloré. Mais, quelle ne fut la surprise du groupe Getfarail et Africarail, créé à l’effet de conduire le projet, de constater, quelques années plus tard, que Vincent Bolloré a obtenu du même président Boni Yayi une autorisation à huis clos pour commencer les travaux de construction des rails en avril 2014. Un accord est signé le 13 août 2015, avec le Premier ministre Lionel Zinsou, pour légitimer l’accord conclu entre Vincent Bolloré et Boni Yayi. Cependant, Mahamadou Issoufou et Boni Yayi, en dépit des règles de droit, ont décidé de créer une multinationale avec le Groupe Bolloré comme partenaire stratégique. Or, au Bénin, il se trouve qu’une deuxième convention a été signée avec le richissime Samuel Dossou dont la société, Pétrolin, a gagné, le 22 juillet 2010, l’appel d’offres pour la construction et l’extension du chemin de fer du Bénin jusqu’au Niger, et ce pour un montant de 800 milliards de francs CFA contre un coût de 1200 milliards de francs CFA pour le groupe Bolloré. La lettre de notification de l’adjudication de la concession à Pétrolin signée par les deux États (Niger et Bénin) le 22 juillet 2010 a permis à Pétrolin [Ndlr : le groupe de Samuel Dossou] de continuer son soutien apporté au réseau ferroviaire Bénin-Niger en attendant la finalisation de la Convention particulière ferroviaire. Lésés dans leurs droits légitimes, Africarail et Samuel Dossou intentent des procès, le premier, en France, contre les Etats du Bénin et du Niger ; le second, au Bénin, contre le groupe Bolloré. Samuel Dossou obtient de la Cour d’appel de Cotonou la cessation des travaux pilotés par Bolloré. Dans son arrêt, la justice béninoise a ordonné l’arrêt immédiat des travaux de Vincent Bolloré sur l’axe de l’OCBN (Bénin-Niger), sous astreinte de 100 millions de F CFA [152 000 euros] par jour de résistance. Le groupe Bolloré s’était exécuté.
Le groupe Bolloré, Africarail et Pétrolin sur le dos du Niger dans un dossier judiciaire qui va coûter cher aux contribuables nigériens
Quant à Africarail, qui a entrepris, en novembre 2015, une procédure judiciaire devant la Cour internationale d’arbitrage de Paris, il est finalement parvenu à un règlement à l’amiable. Dans une déclaration commune signée le 30 mai 2016 et sanctionnant deux jours de discussions (24 et 25 mai 2016), le Niger reconnaît les droits d’Africarail sur la construction et l’exploitation des ouvrages d’arts et des infrastructures ferroviaires comme convenu dans les accords de 1999 et de 2000. La déclaration commune a été signée par Ibro Zabaye, directeur du contentieux de l’Etat, et Mohamed Moussa, secrétaire permanent de la cellule d’appui au partenariat public-privé du cabinet du Premier ministre au nom du Niger. Leurs vis-à vis français étaient Michel Bosio, président de Getfarail et Michel Rocard, ancien Premier ministre de France. Les discussions ont eu lieu à Niamey. Cette volte-face du gouvernement issu du coup d’Etat électoral du 20 mars 2016 complique davantage un dossier qui est déjà un véritable imbroglio judiciaire. Car, si la piste envisagée pour trouver une issue de sortie honorable pour toutes les parties a été une négociation regroupant toutes les parties prenantes, elle n’est pas sans contrainte réelle. La plus grande contrainte, qui rend quasiment toute conciliation difficile, est que Mahamadou Issoufou a précipité le Niger dans la réalisation d’un chemin de fer à écartement métrique d’un mètre, contesté par Africarail car non adapté aux transports actuels et qui ne rend pas enthousiaste le Bénin qui veut plutôt refaire le tronçon Cotonou-Parakou sur la base d’un écartement de 1, 435m. Quel est l’intérêt pour le Bénin de défalquer des centaines de milliards pour reprendre son chemin de fer sur des normes dépassées ? Pourquoi le groupe Bolloré veut-il construire des rails dépassés à écartement métrique de 1m au lieu des rails standard de 1, 435m ? Selon la déclaration commune, « L’Etat du Niger réaffirme que AFRICARAIL est toujours concessionnaire du droit de construire et d’exploiter les ouvrages d’art et les infrastructures ferroviaires sur l’axe Kaya (Burkina Faso) – Niamey (Niger) – Parakou (Bénin), Aného (Togo) – Ouidah (Bénin), ainsi que sur l’axe Blitta (Togo) – Ouagadougou (Burkina Faso) constituant la grande boucle ferroviaire de l’Afrique de l’Ouest, conformément au Protocole du 15 janvier 1999 et au Protocole additionnel du 31 août 2000 ». C’est le point 3 de la déclaration commune. L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Le groupe Bolloré, qui a dû prendre ça mal, a probablement protesté et menacé de sévir. Ce qui est sûr, c’est qu’un communiqué imputé au gouvernement issu du coup d’Etat électoral du 20 mars, a apporté un démenti cinglant à ce que dit pourtant, clairement, la déclaration commune. Dans ce communiqué insolite, il est indiqué que cela fait suite aux publications et déclarations médiatiques du Groupement GEFTARAIL et AFRICARAIL S.A. sur le projet de boucle ferroviaire ainsi qu’à l’assignation de l’Etat du Niger devant le tribunal arbitral de Paris par le même groupement. Mieux, le fameux communiqué précise que « Le but de ces négociations [Ndlr : entre l’Etat du Niger et Getfarail] était de trouver un accord amiable pour mettre fin au protocole signé le 15 janvier 1999 par lequel quatre Etats avaient confié au groupement Geftarail la mission de mobiliser des ressources, de réaliser des études et de construire et exploiter certains tronçons de la grande boucle ferroviaire ». Le communiqué va plus loin, soulignant qu’au cours de cette négociation, « la délégation nigérienne a soutenu que la concession Bolloré est la seule valide car signée en bonne et due forme; alors que le B.O.T (built, operate and transfert) envisagé avec Geftarail n’est pas encore signé et que la délégation nigérienne a demandé une juste indemnisation des Etats par Geftarail pour le préjudice causé aux économies des Etats signataires du protocole]. Il faut rappeler que ce communiqué n’a été signé par aucune autorité nigérienne. Par contre, on y a adjoint la déclaration commune. À tous points de vue, ce communiqué n’est pas authentique. Il ne saurait provenir de ces mêmes personnes qui ont reconnu dans la déclaration commune qu’Africarail est l’unique détenteur de droits sur l’axe de l’OCBN. En tout état de cause, son contenu, aux antipodes de celui de la déclaration commune, ne semble pas sérieux pour être de l’Etat du Niger.

Le 10 août prochain, le Niger devrait avoir apuré les dettes constituées du Comité de pilotage d’AFRICARAIL envers la société GETFARAIL ou faire face à la machine judiciaire de la Chambre internationale d’arbitrage.

La publication de cette déclaration commune, qui est une belle victoire d’Africarail sur le groupe Bolloré, n’a pas plu à l’homme fort du 20 mars 2016. Et le point 3, plus que les autres, a semblé avoir provoqué l’ire de Mahamadou Issoufou. Et pourtant, le pire est ailleurs. Le pire, c’est qu’après les pirouettes de Niamey, l’heure de vérité est arrivée. Le 10 août, les engagements contractés par le Niger dans le cadre de cette déclaration commune arrivent à échéance. Ce point 10 stipule que « la présente déclaration deviendra caduque si elle n’entre pas en vigueur et/ou si les parties ne s’y conforment pas avant l’expiration de la suspension de la procédure d’arbitrage le 10 août 2016 ». Or, un des engagements forts de cet accord est que « L’Etat du Niger s’engage, de concert avec les autres Etats parties au Protocole, à apurer les dettes dûment constituées du Comité de pilotage d’AFRICARAIL envers la société GETFARAIL et ce à réception des factures et de leurs justificatifs, et à prendre à sa charge tous ses coûts directs dûment établis ». Le Niger et le Bénin ont-ils pu apurer ces dettes ? N’est-ce pas trop pour le Niger qui croule sous le poids d’un endettement inconsidéré depuis cinq ans ? C’est en tout cas sous condition du règlement prévu à l’article 5 et de la déclaration prévue à l’article 8, que les parties sont convenues de mettre un terme à la procédure d’arbitrage CCI N°21451/MCP/ DDA initiée par les sociétés AFRICARAIL et GETFARAIL à l’encontre des Etats du Niger et du Bénin. Première difficulté, il faut que le Bénin, qui n’a pas pris part aux discussions de Niamey entre, d’une part, l’Etat du Niger et, d’autre part, Getfarail et Afrcarail, soit entièrement d’accord et le confirme. C’est cela qui conditionnait la prise d’effet de la déclaration commune. Voici, donc, l’imbroglio judiciaire dans lequel Mahamadou Issoufou a impliqué le Niger et qu’il semble présenter comme un succès. Les rails de Mahamadou Issoufou ne sont pas simplement dépassés et impraticables. Ils valent au Niger un contentieux judiciaire dans lequel, il va encore baver plus que dans l’affaire qui l’oppose à Africard CO Ltd. Dans cet imbroglio judiciaire, les groupes français Getfarail, Africarial et surtout le groupe Bolloré, ne sortiront pas perdants. Avec la déclaration commune, le Niger s’est déjà lié les mains. Il reste à savoir comment le Niger va se sortir de ce guêpier alors que les groupes Africarail et Getfarail indiquent clairement à qui veut le savoir que « La procédure d’arbitrage ne concerne pas le groupe Bolloré mais seulement le Niger et le Bénin. Quant au groupe Bolloré, il estime ne pas être concerné par ces contestations, rejetant vers les États la responsabilité “des droits antérieurs qu’ils auraient pu accorder à des tiers”. Le comble ! Voici les rails que chante Mahamadou Issoufou.

Laboukoye

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