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Discours de SEM Issoufou Mahamadou, Président de la république du Niger, devant la 71ème session de l’assemblée générale de l’ONU
Publié le samedi 24 septembre 2016   |  Presidence de la Republique


Discours
© Autre presse par DR
Discours du président de la république du Niger Issoufou Mahamadou à la Conférence sur le Développement de l’Afrique à l’Université de Harvard le 03 avril 2015


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Monsieur le Président,
Excellences Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Honorables chefs de délégations,
Mesdames, Messieurs,
Cela fait maintenant soixante et onze ans que notre organisation, l’ONU, a été créée dans le but d’assurer la paix, la sécurité, la coopération, le développement économique, et le respect des droits de l’homme à travers le monde. Durant ces soixante-et-onze années, notre organisation a connu des succès dans ces domaines.
Succès qui auraient été impossibles sans le travail et le dévouement sans faille dont ont fait preuve les dizaines de milliers de femmes et d’hommes employés aujourd’hui par l’ONU. Je voudrais, ici, leur rendre hommage. Je voudrais aussi rendre hommage au Secrétaire Général Ban Ki Moon, qui a su diriger notre organisation avec courage et sagesse, tout au long des dix dernières années.
Permettez moi de le féliciter pour le travail accompli, notamment à l’occasion de la Conférence de Paris sur le climat, où son engagement a été déterminant dans l’obtention d’un accord, et aussi pour son rôle dans l’adoption en 2015 des objectifs de développement durable pour 2030. Je voudrais enfin, lui témoigner à nouveau toute notre reconnaissance pour son engagement envers l’Afrique et le Niger en particulier, où nous avons toujours pu compter sur son soutien tout au long des crises multiformes qu’a connues notre pays ces dernières années.
Monsieur le Président,
Le 27 Septembre 2015, nous avons adopté le Programme de Développement durable pour l’horizon 2030, dont l’ambition est d’éradiquer la Pauvreté à cette échéance et de ne laisser personne à la traîne dans le processus. Au coeur de ce Programme, nous nous sommes particulièrement engagés à placer l’homme au centre du développement et à respecter les exigences et les limites de notre planète Terre dans nos modes de production et de consommation.
L’adoption, deux mois plus tard, de l’Accord de Paris sur le Climat est venue compléter cet important Programme à travers un paquet d’actions visant notamment d’une part à limiter l’élévation de la température moyenne du globe à moins de deux degrés Celsius grâce aux mesures courageuses d’atténuation des causes du réchauffement climatique et d’autre part à prendre des mesures de résilience face au changement climatique.
Dès lors, le thème sous lequel vous avez bien voulu placer notre présente session, à savoir, “les Objectifs de Développement Durable: une impulsion nouvelle pour transformer notre monde”, est, on ne peut plus, en phase avec la vision et la vocation transformatrice de ce programme.
Monsieur le Président,
Rappelons que l’évaluation, à fin 2015, des objectifs du Millénaire pour le Développement, montre que même s’ils n’ont pas tous été atteints, des progrès remarquables ont été enregistrés. C’est ainsi qu’en matière de lutte contre la pauvreté on note que l’objectif de réduction de moitié du nombre de personnes vivant dans l’extreme pauvreté a été atteint dès 2010. De même en matière d’éducation, le nombre d’enfants en âge d’aller à l’école et non scolarisés a été réduit de moitié et en matière de santé la mortalité infantile et maternelle a elle aussi été réduite de moitié.
Ces résultats positifs cachent malheureusement d’énormes disparités et inégalités. En effet ces résultats ont été fortement influencés par les progrès enregistrés en Asie et en Amérique Latine grâce à un taux de croissance élevé et soutenu sur la période. Les pays Africains, en particulier ceux situés au Sud du Sahara ont enregistré peu de progrès et font encore face à des défis importants en matière de développement et de lutte contre la pauvreté.
Monsieur le Président,
Les résultats obtenus dans la réalisation des OMD constituent le point de départ à partir duquel nous commençons notre marche en vue de la réalisation des ODD à l’horizon 2030. Notre capacité à réaliser nos objectifs à cette échéance dépendra aussi de notre capacité à faire évoluer les conditions politiques et économiques au niveau de chaque pays et au niveau mondial. Elle dépendra également de notre capacité à honorer les engagements que nous avons pris à la conférence de Paris sur le changement climatique.
S’agissant des conditions politiques et économiques, la situation actuelle n’incite pas à l’optimisme. Il est donc indispensable de concevoir et d’assoir une autre gouvernance politique et économique mondiale.
Sur le plan économique, il est évident que le fonctionnement de l’économie mondiale doit être profondément réexaminé.
Ainsi, il est nécessaire de trouver un meilleur équilibre entre le capital financier spéculatif et le capital industriel, par une orientation plus massive des capitaux vers l’économie réelle. Cette nouvelle orientation peut permettre aux pays en voie de développement de recevoir davantage de capitaux, de réaliser davantage d’investissements et par conséquent de soutenir une croissance économique plus forte qui, à son tour, contribuera à la croissance et à la stabilité de l’économie mondiale.
Les mesures internationales d’appui à la promotion des investissements directs étrangers dans les Pays les Moins Avancés constituent un sujet important dont il conviendrait d’accélérer la mise en place. Elles sont d’une importance cruciale dans le cadre du soutien dont ce groupe de pays a besoin pour travailler avec plus de succès au développement économique et social.
La prise en compte de la nécessite du renforcement de l’aide aux pays qui en ont le plus besoin, notamment les moins avancés, est une manifestation de la dimension inclusive de ce programme. Nous saluons en particulier la volonté d’accélération de la mise en oeuvre du Programme d’Action d’Istanbul, réaffirmée dans la Déclaration issue de sa Conférence d’examen à mi-parcours tenue en mai dernier à Antalya en Turquie.
L’ opérationnalisation en 2017 de la Banque de Technologie pour les pays les moins avancés dont le premier Plan Stratégique pour trois ans a été approuvé par le Conseil des Gouverneurs en Juillet dernier, sera un instrument précieux pour la promotion des infrastructures, la diversification des productions, et la création de valeur ajoutée indispensable à la génération et au relèvement des revenus des populations dans ces pays.
La réforme du système financier international, la création de nouvelles possibilités d’accès à des sources de financement, l’établissement d’un cadre adéquat pour la restructuration des dettes souveraines, sont autant de mesures indispensables à la consolidation des capacités économiques des pays en développement en matière de financement du Développement durable. Il en est de même de la mobilisation du secteur privé et son encouragement à une plus grande prise en compte des impératifs du développement collectif.
Au titre des Nations Unies, nous encourageons le processus du positionnement à long terme des Fonds, Programmes et Agences de l’Organisation en faveur du Développement. Nous l’avons bien compris, il s’agit dans cette démarche de promouvoir la cohérence et la complémentarité indispensables à l’efficacité des actions de Développement de ces structures.
Les programmes qui sont au centre des Objectifs du Développement Durable doivent permettre effectivement à l’Afrique de s’insérer davantage dans le commerce mondial. Mais cette insertion ne sera profitable au continent que s’il est mis fin à l’échange inégal. Plusieurs études ont d’ailleurs montré que si la part des pays africains dans le commerce mondial augmentait de seulement 1%, cela représenterait un revenu annuel supplémentaire de plus de 200 milliards de dollars, soit environ 5 fois le montant que reçoit l’Afrique au titre de l’Aide publique au Développement. C’est dire que l’Afrique recevra encore plus de ressources s’il était mis fin à l’échange inégal.
L’Afrique se doit aussi, grâce à une volonté politique affirmée, de developper le commerce intra-africain qui est estimé à seulement 10% de ses échanges, afin d’atteindre un niveau conséquent qui conforterait davantage sa place dans le commerce mondial.
L’atteinte des Objectifs de Développement Durable ne saurait se réaliser sans une grande synergie dans l’action, une solidarité agissante, et surtout, le respect de tous les engagements pris au titre des moyens de mise en oeuvre du partenariat mondial pour le développement.
Monsieur le Président,
Sur le plan politique, il faut une réforme profonde de l’Organisation des Nations-Unies.
La gouvernance des Nations Unies, incarnée par le Conseil de Sécurité, nécessite une révision qui a trop tardé, qui aurait ajouté à son efficacité et à sa légitimité dans le traitement des questions essentielles de paix et de sécurité internationale. Cette révision devra rectifier aussi bien l’anachronisme caractérisé, illustré par l’actuel système de représentation géographique au sein de cette institution que ses méthodes et modes de prise de décisions dont les conséquences, souvent désastreuses, produisent des effets contraires aux solutions recherchées.
Sur les modalités de prise de décision du conseil, il est indispensable que les pays les plus concernés, notamment les pays voisins des pays en conflit, soient associés et écoutés dans la résolution des dits conflits. Ces pays voisins, qui partagent souvent les mêmes communautés de part et d’autre de leurs frontières, sont les premiers à en souffrir des effets. Le Conseil de Sécurité doit nécessairement prendre en compte les préoccupations exprimées par ces pays afin d’éviter une situation du genre de celle qui prévaut actuellement en Libye.
Le domaine des opérations de maintien de la paix revêt un intérêt tout particulier pour le Niger qui est engagé dans un combat sans merci contre le terrorisme et la protection de son territoire. À l’expérience et, face à l’évidence de l’inadéquation du concept actuel des opérations de maintien de la paix, qui a montré ses limites à maintes occasions, nous sommes convaincus qu’il gagnerait à être perfectionné.
À ce sujet, le Niger estime qu’il est indispensable de procéder à la révision des mandats de certaines missions des Nations Unies pour les rendre offensifs, afin de mieux répondre aux impératifs de protection des civils. Il s’agit d’une évolution stratégique majeure que mon pays soutient fortement, en raison notamment de la tendance générale du retournement des attaques contre les civils par des belligérants et autres groupes non étatiques.
En effet, pour les populations concernées, il est inconcevable que les missions déployées sur le terrain pour les protéger, restent impuissantes face aux actes terroristes et aux exactions qui leur sont infligées sous le prétexte d’absence de mandat approprié. Elles ne peuvent pas comprendre que l’institution incarnée par ces opérations de maintien de la paix ne puisse pas leur éviter des massacres imminents aux moments les plus cruciaux, grâce a des actions décisives et plus efficaces.
Monsieur le Président,
En réalité, personne ne peut prévoir ce qui va se passer d’ici 2030. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous ne pourrons pas réaliser les ODD s’il n’y a pas de changement profond de la gouvernance politique et économique actuelle. Nous vivons dans un monde incertain. Nous vivons dans un monde instable qui fait face à des menaces de toute sorte, visibles et invisibles. La mise en oeuvre des ODD dans un monde instable et chaotique sera donc un processus non linéaire, un processus instable et chaotique.
C’est dire que dans un tel processus de petites causes peuvent produire de grands effets. Il nous revient, ici, en mémoire, la fameuse métaphore de l’effet papillon “le battement d’aile d’un papillon au Brésil peut provoquer une tempête au Texas.” L’effet papillon, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les signes de tension que nous voyons çà et là dans le monde sont telles qu’une petite étincelle peut provoquer un vaste incendie. Ces signes de tension sont pour le moment masqués par la lutte contre le terrorisme mais les rivalités et autres compétitions des puissants de ce monde peuvent nous mener à l’irréparable.
Monsieur le Président,
Les petits pays font souvent les frais des rivalités des grandes puissances. Il arrive ainsi qu’ils subissent les conséquences de certaines de leurs erreurs d’appréciation. Le chaos dans lequel se trouve actuellement la Libye et ses conséquences sur les pays voisins en témoignent. Ces conséquences et la présence d’organisations terroristes dans le Nord du Mali ainsi que dans le bassin du lac Tchad où sévit Boko Haram, si elles doivent perdurer, compromettront irrémédiablement les capacités de ces pays à réaliser les Objectifs du Développement Durable à l’échéance 2030.
Au Niger, où la secte Boko Haram mène des incursions régulières, nous comptons plus de 167 000 déplacés internes et une centaine de milliers de réfugiés, exposés à des risques de famine et d’épidémies ainsi que plus de 18.000 enfants privés d’école.
Il est donc urgent de stabiliser la Libye et de faire sortir ce pays du chaos. Il est urgent de stabiliser le Mali et d’y neutraliser les terroristes. De même qu’il est urgent d’appuyer la force mixte multinationale qui opère dans le bassin du lac Tchad contre Boko Haram.
Monsieur le Président,
Les menaces terroristes qui se trouvent à ses portes ont amené mon pays à orienter des ressources importantes dans le secteur de la sécurité. Sans cela, le Niger aurait pu réaliser les OMD et commencer le processus de mise en oeuvre des ODD dans les meilleures conditions. Mais bien que 10% de ses ressources budgétaires aient été orientés dans la défense et la sécurité, le Niger a pu:
– réduire la pauvreté de 63% en 2011 à 45% en 2015
réaliser l’OMD1 visant la réduction de moitié des personnes qui souffrent de la faim
réduire de manière substantielle le taux de mortalité infantile et maternelle
réaliser l’OMD relatif à l’accès à l’eau et à l’assainissement en milieu urbain.
La poursuite de la mise en oeuvre du programme de Renaissance nous permettra d’améliorer ces résultats et d’avancer dans la mise en oeuvre des ODD. Mon ambition est, à l’issue de mon dernier mandat, de laisser aux Nigériens un pays radicalement transformé, un Niger où les institutions démocratiques seront plus fortes, un Niger où la lutte contre la corruption aura progressé, un Niger où les inégalités auront reculé et la classe moyenne se sera renforcée, un Niger uni, en paix et en sécurité, un Niger où « la faim zéro » est une réalité, un Niger bien équipé en infrastructures de toutes sortes, un Niger qui aura progressé sur la voie de sa transition démographique, un Niger où l’école sera gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, un Niger où 40% de nos enfants fréquenteront les centres de formation professionnelle et technique et en sortiront avec un métier, un Niger où les universités formeront les cadres parmi les plus compétents de la sous-région, un Niger où l’accès aux soins de santé, à l’eau potable et à l’assainissement sera garanti, un Niger où les emplois, notamment pour les jeunes, seront abondants, enfin un Niger résolument engagé dans la réalisation de l’unité de notre continent, bref un Niger résolument engagé dans la réalisation des Objectifs du Développement Durable.
Je vous remercie.



Source: Presidence de la Republique.

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