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Lettre à Mahamadou Issoufou : J’ai cherché à savoir si vous êtes au pays en ces temps de chaleur torride et j’ai appris, avec beaucoup d’envie, que vous êtes à Paris, en ce début de printemps
Publié le samedi 1 avril 2017   |  Le Monde d'Aujourd'hui




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J’ai appris que vous avez quitté, le samedi 24 mars 2017, Niamey pour Paris et que vous y resterez jusqu’au 31 mars avant de continuer en Italie. Pour une visite d’amitié et de travail en France, j’ai été surpris de constater qu’il n’y a pas eu assez de "bruit" autour de l’évènement. J’ai suivi les grands médias hexagonaux, particulièrement ceux qui gardent un œil sur l’Afrique mais je n’ai trouvé aucune mention de votre visite d’amitié et de travail. J’ai suivi le journal Afrique de France 24, TV5 Monde, je n’ai pas entendu la moindre allusion à votre visite d’amitié et de travail. Je suis également allé sur les portails officiels de l’ambassade de France au Niger, du Quai d’Orsay et de l’Élysée, mais toujours rien. J’ai trouvé tout ça curieux. Mais bon, j’estime que même si votre absence du pays est liée à une permission que vous vous êtes gracieusement offerte, lorsqu’on peut se permettre de contracter un prêt au nom de l’État sans en référer à l’Assemblée nationale, il n’y a pas de souci à se faire pour une simple permission. Abrégeons ces préliminaires inutiles. En fait, j’ai cherché à savoir si vous êtes au pays en ces temps de chaleur torride et j’ai appris, avec grande envie, que vous êtes à Paris, en ce début de printemps. Ah, quel bonheur d’être en France en ce temps de canicule (à tous points de vue) ! J’espère que vous y passez un bon temps et qu’avec votre retour au pays, un autre soleil se lèvera sur le Niger, un soleil de liberté, de progrès et d’espoir, comme l’a souhaité le président de l’Assemblée nationale de France, Claude Bartolone, lors de son passage devant le parlement nigérien. Ce soleil de liberté, de progrès et d’espoir, je l’ai perçu dans cette libération subite des prisonniers politiques. Une surprise ! L’évènement m’a d’autant surpris qu’il y a à peine une semaine, je faisais le serment de vous parler désormais de ces prisonniers politiques que vous devez libérer. Certains sont aujourd’hui libres, d’autres restent encore en prison. C’est le cas de Bakary Saïdou, Malla Ari et de Idé Kalilou, incriminés pour un fait que les bailleurs de fonds — ils ont même décerné un témoignage officiel de satisfaction pour Bakary — eux, ne reconnaissent pas et que la gendarmerie, dans son enquête, n’a pas, non plus, établi. Comme ceux qui ont été libérés vendredi soir, Bakary Saïdou, Malla Ari et de Idé Kalilou ont, tous trois, la particularité d’être de proches collaborateurs de Hama Amadou, le président du Moden Fa Lumana Africa. Ils sont en prison alors que rien ne le justifie. Ils sont en prison, c’est ma conviction et celle de très nombreux Nigériens, parce qu’ils sont opposants politiques dans un contexte où vous voulez embarquer tous les Nigériens dans votre galère. Ils ont le mérite de rester dans la noblesse et la dignité qui doivent caractériser un homme. C’est à leur honneur et à celui de leurs enfants qui souffrent d’avoir leurs pères si loin d’eux, privés de liberté pour des faits manifestement imaginaires alors que les vrais délinquants sont libres et tranquilles. Leurs enfants doivent être fiers.



Monsieur Issoufou, Bakary Saïdou, Malla Ari et Idé Kalilou croupissent en prison pour des motifs non établis dans un domaine où il est prouvé récemment que des gens ont détourné et vendu 5000 tonnes de riz à leurs profits personnels. Vous l’avez su par le biais de la presse qui en a fait la révélation. En mars 2016, alors que des millions de Nigériens étaient dans une situation alimentaire critique, des voyous, pour reprendre le terme du journal Le Courrier, ont détourné et vendu 5000 tonnes d’une aide alimentaire généreusement offerte par le Pakistan. Ce n’est ni plus ni moins qu’un crime contre les communautés nigériennes en proie à l’insécurité alimentaire. Ces individus sont facilement identifiables dans la mesure où le cheval de Troie de cet acte criminel est connu en la personne de l’actuel directeur général de l’OPVN [Ndlr : Office des produits vivriers du Niger], le seul habilité par les accords, à prendre possession des 15 000 tonnes de riz offertes par le Pakistan et stockées dans deux magasins au port de Cotonou. C’est, donc, par lui que ceux qui ont ordonné la vente des 5000 tonnes de riz sont passés. Voilà une affaire qui mérite une réaction spontanée de votre part mais face à laquelle vous vous complaisez dans un mutisme intolérable. Par votre silence bruyant, vous transmettez une vérité désormais admise de tout le monde, tant à l’intérieur du Niger qu’à l’extérieur : vous menez un faux combat contre la corruption et les délits assimilés. En réalité, par vos actes qui tendent à protéger ceux qui détournent les deniers et biens publics et/ou qui mettent en péril les intérêts stratégiques du Niger à l’extérieur, vous donnez une image désastreuse de vous-même et de la façon dont le Niger est géré. En tout cas, cette image est à mille lieues de ce que vous prétendez faire du Niger.

Monsieur Issoufou, j’ai parcouru le numéro hors série du journal « Marchés africains d’avril 2017 » qui a généreusement (???) consacré ses pages au Niger de la scandaleuse "renaissance", et j’avoue que je suis tombé des nues en lisant certains propos, notamment le rêve que vous prétendez nourrir pour le Niger. Je suis tombé des nues lorsque j’ai lu que vous dites « vouloir positionner le Niger parmi les 50 États les mieux gérés du monde », je me suis demandé où se trouvait le mal. Est-ce moi qui suis malade au point de lire de travers ce qui est écrit ? Je ne comprends pas, dans un pays où on ne parle que de scandales financiers dans lesquels l’unité de compte est le milliard et qui vous laissent totalement froid, que vous teniez de tels propos. Si je ne peux plaindre ce journal qui a réalisé une excellente affaire financière, je ne peux toutefois vous accorder le moindre bénéfice de doute, ni la moindre indulgence. Vous êtes parfaitement conscient du drame financier et politique que votre gestion a engendré et le discours que vous tenez ne traduit que le mépris que vous avez pour tous ceux qui s’en plaignent. Pour moi, comme pour beaucoup de compatriotes, vous êtes l’alpha et l’oméga des misères du Niger. J’ai d’ailleurs remarqué que Hassoumi Massoudou figurait sur la liste officielle de ceux qui devaient vous accompagner à Paris, même s’il était finalement resté à Niamey afin de répondre à la commission d’enquête parlementaire. Le simple fait de l’avoir prévu dans votre déplacement est un message clair : Hassoumi Massoudou n’est pas seul et tous ceux qui veulent le voir avec un mandat dépôt, doivent savoir que vous êtes derrière lui, bien debout.

« Positionner le Niger parmi les 50 États les mieux gérés du monde », dites-vous. Ah, le rêve, qu’est-ce qu’il peut nous faire voyager, loin, très loin de nos réalités. Il est beau, le rêve et ce bon vieux Ali Saïbou — que Dieu l’accueille dans son paradis éternel — nous a appris une chose : chacun peut rêver sans que cela coûte un copeck à quelqu’un d’autre. Alors, moi aussi, j’ai rêvé que le Niger renaîtra de ses cendres, après six années de gestion catastrophique, de violations répétées et délibérées des lois et règlements, de détournements massifs de fonds et biens publics tolérés, voire encouragés au sommet de l’État par une absence de reddition des comptes. J’ai rêvé que le Niger renaîtra de ses cendres et renouera avec les principes cardinaux de la République, de la démocratie et de l’État de droit.

J’ai rêvé que les caisses de l’État retrouveront leur santé financière, notamment grâce à une opération de récupération des fonds et biens publics détournés à des fins personnelles.

J’ai rêvé que le Niger tournera la page de ces faux coups d’État, de ces poursuites judiciaires faites sur la base de l’appartenance politique et des emprisonnements sans justification légale tandis que des prédateurs de deniers et biens publics, notoirement connus, se promènent, libres et tranquilles.

J’ai rêvé que ceux qui ont mis les intérêts stratégiques du Niger à l’extérieur, notamment dans l’affaire Africard, et qui ont détourné les 200 milliards de la Sopamin, rendront gorge devant la justice et que l’État rentrera dans ses droits.

De même, j’ai rêvé que ceux qui ont commis l’acte criminel de vendre les 5000 tonnes de riz du don pakistanais alors que des millions de Nigériens ont besoin d’une assistance alimentaire en 2016, seront été envoyés en prison et que le Niger récupéra intégralement les fruits de leur dol.

J’ai rêvé, enfin, qu’un nouveau soleil de liberté, de progrès et d’espoir, se lèvera bientôt sur le Niger et que les projets structurants que vous n’avez pas pu ou voulu réaliser seront remis sur pied et constitueront désormais le fer de lance du développement de notre pays.

Mallami Boucar

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