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La Sonidep, l’ogre de Gorou Banda et le Pr. Albert Wright
Publié le samedi 3 juin 2017   |  Le Courrier


Le
© Autre presse par DR
Le Président Issoufou Mahamadou a inauguré dimanche la centrale électrique de Gorou Banda
Le Président de la République, Chef de l’Etat, SEM Issoufou Mahamadou, a procédé, dimanche 2 avril 2017, à l’inauguration officielle de  la Centrale thermique diésel de 100 MW de Gorou Banda, sur la Route de Say.


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Albert Wright avait vu juste. Gorou Banda, selon toute probabilité, n'est pas soutenable à moyen et long terme. Selon le témoignage d'un technicien au fait des conditions difficiles dans lesquelles Gorou Banda tourne, chacune des turbines coûte à l'Etat 52 800 000 par jour, en raison de 200 francs le litre de gasoil. Par mois, ça fait 1 584 000 000, soit 19 008 000 000 FCFA par an. De quoi anéantir financièrement la Sonidep qui souffre déjà des façons de faire de ce client qui consomme sans être en mesure de payer. Car, la Nigelec, censée gérer Gorou Banda n'a pas les capacités financières pour faire face à la voracité de l'ogre de Gorou Banda. Politiquement, Mahamadou Issoufou peut tordre le bras à la Sonidep afin qu'elle continue de livrer le gasoil nécessaire à Gorou Banda. Mais, financièrement, il amplifiera les problèmes financiers du Niger et à terme, conduira à la faillite des deux sociétés. Pour le moment, la Sonidep livre, la mort dans l'âme et l'ogre continue d'avaler. Jusqu'à quand les Nigériens vivront cette insouciance qui frise la folie ?

Albert Wright à propos de Gorou Banda

Les longues semaines de coupures d'énergie électrique enregistrées ces dernières semaines, particulièrement dans les régions de Niamey, Tillabéry et Dosso, ont relancé de vifs débats sur la problématique de l'indépendance énergétique de notre pays. Pour le gouvernement, le début de solution viendrait avec la centrale thermique en construction à Gorou Banda, (non loin de Niamey). Pour en savoir davantage sur ce projet, nous avons approché l'ingénieur énergéticien Albert Wright, ancien collaborateur du Professeur Abdou Moumouni à l'Office de l'énergie solaire de 1972 à 1985.

Dans le cadre de la bataille pour l'indépendance énergétique de notre pays, le gouvernement a lancé un projet de réalisation d'une centrale thermique d'une puissance de 100 MW à Gorou Banda. En tant que spécialiste du sujet, pensez-vous que c'est à terme la solution au problème énergétique du Niger ?

Je dirai oui et non. Mais davantage non ! D'où vient le projet de la centrale de Gorou banda ? Franchement je n'en connais pas très bien l'historique. Il y'a dans nos pays l'erreur de ne pas faire assez de communication. On vient de le vivre avec la crise énergétique. On ne sait pas trop ce qui se passe. Mais quand même, j'ai rencontré le Directeur de l'ONERSOL, afin qu'il me dise s'il a été associé au choix de ce projet. Et il m'a certifié qu'il n'y a pas été associé. Tout comme moi d'ailleurs. Or, lorsqu'un gouvernement prend la décision d'implanter une centrale de cette importance pour couvrir les besoins du pays, il est nécessaire de procéder au préalable à une large concertation, notamment avec toutes les compétences du pays, afin de s'assurer qu'on n'est pas en train de faire un mauvais choix. Et moi je pense sincèrement que construire en 2013 une centrale diesel de 100 MW, ce n'est pas un choix pertinent dans un pays comme le Niger qui dispose de tant de potentiel solaire. Ce choix, dis-je, n'est pas judicieux tant du point de vue économique qu'environnemental.

Au plan économique va, selon le ministère en charge du dossier, " produire annuellement 500 gigawatts (GW). " Je sais que pour produire un (1) GW électrique, il faut environ 250 tonnes de gasoil. C'est dire que le fonctionnement de cette centrale, même si on minore à 240 tonnes par GW en cas de performance des machines, va nécessiter 130.000 tonnes de gasoil par an. Même lorsqu'on prend le litre de gasoil qui se vend à la pompe à environ 540f à Niamey à 500f, en considérant que l'Etat ne paie pas les taxes y afférentes, le fonctionnement de la centrale va coûter, rien qu'en carburant, environ 52 milliards de francs CFA chaque année.

Au coût du carburant, il faut aussi ajouter celui des lubrifiants. Pour ce dernier, selon les spécialistes (ingénieurs électriciens), il faut compter à peu près 15% du coût du carburant. Sans compter les coûts d'exploitation, les charges diverses qui peuvent s'élever au moins à environ 12%, le personnel…etc. A tout ceci il faut ajouter l'entretien et le renouvellement du parc car un moteur, ça s'use. Et en général, c'est calculé pour des durées de vie de 15 ans. Autrement dit, tous les 15 ans il faudra faire face à des charges, soit de changement de pièces de rechange, soit pour tout ou partie du système. Ainsi les charges annuelles d'exploitation vont être environ de l'ordre de 80.000.000.000 FCA, soit pratiquement l'équivalent du coût de la centrale elle-même. Calculez cela sur six (6) ou sept (7) ans. Vous aurez beaucoup de mal à rentabiliser votre centrale, surtout si votre intention, comme nous l'a dit le ministre de l'énergie est " de maintenir un coût acceptable de vente du KW. " Si vous vendez 500GW d'électricité annuelle produite par la centrale à 79F le KW, je ne fais pas le calcul sur la base des 79,25 FCFA comme c'est le cas actuellement, vous allez encaisser 39,5 milliards. Alors, regardez un peu l'écart pour ne pas dire l'anomalie : vous brûlez 52 milliards de gasoil, pour encaissez environ 40 milliards. Pensez-vous que c'est judicieux ? NON !

Dans ce contexte, cela signifie que le déficit sera supporté, soit avec le budget de l'Etat, ou nécessairement en augmentant le prix du KW. Et pour rentabiliser une centrale diesel, il faudrait vendre le KW au moins à 180 F, soit plus de deux (2) fois son coût actuel.

Et sur le plan environnemental? Au plan environnemental, les dégâts seront également sans nul doute énormes. Vous savez que les pays industrialisés ont pollué la planète avec le rejet par leurs usines de gaz à effet de serre : Co2, So2…etc., et que suite à cela, nous sommes en train de vivre la dégradation du climat. Il y'a eu la conférence de Rio à laquelle d'ailleurs le Niger est partie prenante, et nous avons aussi signé le protocole de Kyoto dans lequel nous avons pris des engagements, peut-être pas dans le court terme, la production de gaz nocifs à l'environnement, tels que le gaz carbonique. Or, une centrale comme celle de Gorou banda rejetterait beaucoup de Co2, résultat de la combustion du diesel. La centrale de Gorou Banda va brûler environ 356 tonnes de gasoil par jour, soit l'équivalent de 10 citernes de 35 mètres cube.

Cela ferait une quantité de 462 kilotonnes de Co2 à rejeter dans l'atmosphère tous les ans. En termes financiers, cela peut coûter entre 4.000.000.000 et 5.000.000.000 CFA de pénalités par an au titre de contribution au " fonds carbone " auquel contribuent les pays développés pour le financement de contrepartie des pollutions atmosphériques engendrées par leurs usines.

En outre, j'ai appris que la centrale sera construite sur les collines qui sont à Harobanda, derrière le fleuve. Peut-être que le vent ne souffle pas en direction de la ville ; mais le jour où cela va se produire, centre urbain sera soumis à des fumées de combustion du diesel, sans compter les risques que nous respirions du Co2. C'est inévitable, et même sûr ; surtout quand on lit les rapports d'impact environnemental pour la centrale de Salkadamna, bien qu'elle soit à charbon. Voici ce que dit le rapport : " la mise en place du projet aura des impacts négatifs importants sur les composantes environnementales et sociales des sites concernés, telles que : vibration, pollution par des affluents, de l'huile qui risquent de gâter la qualité de l'eau, le bruit, la qualité de l'air…etc. " Donc vous voyez, ces types de centrales sont toujours génératrices d'inconvénients et d'agressions contre l'environnement ; et c'est pourquoi il y'a justement eu le protocole de Kyoto qui invite les pays industrialisés à prêter une attention particulière, lorsqu'ils conçoivent de tels projets.

Que faire ?

Pour les raisons susmentionnées, en tant que spécialiste du solaire dans un pays ensoleillé, je suis en train de mener aujourd'hui un véritable combat pour inviter mes concitoyens à fournir l'effort, d'aller vers l'exploitation de la ressource solaire. Une centrale solaire à concentration, CSP (Concentrated, Solar Power Plant), ça existe. L'Espagne est en passe d'en installer une d'une puissance de 1789 MW ; en Californie (USA) cela va faire bientôt 40 ans, depuis 1986, qu'une telle centrale en fonctionnement existe. Personnellement j'ai invité les responsables de la NIGELEC à y envoyer nos ingénieurs pour voir et appréhender les problèmes que posent tant l'implantation que les charges de suivi et de maintenance des telles centrales. Parce que, qu'on le veuille ou non, les sources d'énergie comme le pétrole, le charbon et même l'uranium sont des énergies fossiles qui sont en train de s'amenuiser ; et en s'amenuisant, elles coûtent de plus en plus chères. Lorsqu'on a des ambitions, des visions d'avenir pour son pays, je pense qu'il faut aller vers la ressource qui va nous assurer la pérennité de notre approvisionnement en énergie électrique ; Et je crois que chez nous, cette ressource est disponible, c'est-à-dire le soleil. Donc une centrale solaire thermodynamique à concentration de 100 MW, comparée à celle de Gorou banda, est capable de produire avec le niveau d'ensoleillement que je connais au Niger, jusqu'à 800 GW par an d'électricité. Pour la construire il faut compter 3 à 4ans. Si le projet est bien ficelé, il va incorporer l'exigence de la formation d'ingénieurs, techniciens supérieurs et autres maintenanciers. Ainsi on fera travailler en synergie le centre national d'énergie d'énergie solaire, la faculté des sciences, et l'EMIG. Une pareille centrale solaire serait une grande première et fera du Niger le leader en Afrique de l'Ouest.

Revenons maintenant aux termes techniques : la centrale dis-je, produirait au moins 800 GW et aura l'avantage de nous assurer la formation d'un pool de compétences en matière de solaire ; elle coûtera environ 300 milliards de FCA et je crois que c'est peut-être çà le problème. On trouvera certes l'investissement initial très élevé, mais une fois que réalisée, elle commence tout de suite à se rentabiliser, parce qu'elle tourne sans diesel, ni charbon. Sa source c'est le soleil ; vous n'aurez plus que les coûts du personnel à supporter. Faites le calcul et comparez !

Au bout de combien de temps, on peut avoir besoin de renouveler certaines pièces ?

Je ne veux pas mentir. C'est pourquoi j'ai pris la précaution de préciser que j'ai toujours demandé à mes collègues de la NIGELEC d'aller aux Etats-Unis, en Californie précisément où il existe une expérience d'une quarantaine d'années de fonctionnement de CSP, pour appréhender les problèmes susceptibles de se poser relativement au renouvellement de matériels et autres. J'ai personnellement été formé aux USA dans une centrale solaire à concentration. Mais, je n'y suis resté que trois mois. Et puis, c'était la première centrale réalisée aux Etats Unis. Donc, je n'ai vu que ce prototype. Je ne connais pas tous les incidents de marche et toutes les difficultés que cela peut soulever. Mais enfin, je continue à suivre, grâce à l'internet, la marche de ces centrales et je vois qu'elles sont en train de prospérer dans le monde. Le Maroc vient de faire un projet d'une de 20 MW, l'Algérie programme la réalisation d'une de 7200 MW à l'horizon 2020, pourquoi pas le Niger ? Pourquoi rester les bras ballants, alors que nous avons la ressource ? Voilà ma préoccupation. Abu Dhabi vient de réaliser et inauguré le 18 Mars 2013 SHAMS 1 qui est la plus grosse centrale thermodynamique à concentration de 100 MW, et cela lui a couté 300 Milliards de Francs CFA, soit 600 Millions de Dollars. Abu Dhabi est un pays qui nage sur du pétrole. Il y a des réserves de plus de 93 Milliards de Barils. Nous, nous n'avons que 3,5 Milliards. Est-ce parque ces gens ne sont pas intelligents ? Non ! Des pays pétroliers sont déjà en train de miser sur le solaire ; nous, pays du solaire, maigrement pétrolier, allons nous restés assis les bras croisés ? Je pense que c'est un cri de coeur que je lance !

Et pour la petite histoire, à propos du moteur solaire thermodynamique à concentration, on peut dire que notre compatriote Abdou Moumouni est l'un des pionniers, inventeurs de ces types d'application. En juin 1973 déjà, à Paris, en ma présence, il a pour la première fois exposé la réalisation de ce type de centrale solaire, en disant qu'il allait y ajouter une source chaude à collecteur cylindroparabolique. Aujourd'hui on peut constater que son idée a été ''piquée'' et réalisée par les Américains qui, dès 1984 en Californie, vont installer les premières centrales du genre.

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