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A Agadez, l’interdiction du trafic des migrants passe mal
Publié le mercredi 14 juin 2017   |  AFP


Des
© AFP par ISSOUF SANOGO
Des migrants en route vers la Libye.
Lundi 1er juin 2015. Niger


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"C'est comme si on donnait une claque à un enfant sans qu'il sache ce qu'il a fait de mal". Issouf Maha, maire de Tchirozérine, près d'Agadez, porte du désert au Niger, résume ainsi le "ressenti des populations" après la loi interdisant le transport des migrants au Niger.

En mai 2015, le gouvernement nigérien a fait adopter un texte interdisant le trafic illicite de migrants. Les contrevenants risquent "de un à 30 ans de prison", "des amendes de 3 à 30 millions de francs CFA (4.500 à 45.000 euros)", ainsi que "la confiscation" des véhicules.

La loi a commencé à être appliquée de "manière vigoureuse à partir d'août 2016", a affirmé à l'AFP le ministre de l'Intérieur Mohamed Bazoum. Plus "d'une centaine de passeurs" ont été interpellés, une centaine de véhicules saisis et "près de 7.000 migrants ramenés à Agadez", ajoute le ministre qui estime qu'il faut lutter contre "tous les trafics (migrants, armes, drogue) qui sont interconnectés".

Conséquence: passeurs et "coxeurs" (rabatteurs) sont désoeuvrés, mais commerces, banques et transporteurs pâtissent aussi de l'absence de milliers migrants, qui, malgré leur pauvreté extrême, faisaient vivre la ville, point de passage vers la Libye et l'Europe.

"Moi je suis aide-coxeur. Maintenant, la police nous appelle les +complices+", ironise Achama Akomili, 35 ans, pour décrire la criminalisation d'une activité encore légale il y a quelques mois à peine.

"Avant je gagnais bien ma vie. Je payais mon loyer avec les migrants et les coxeurs. Je nourrissais ma femme avec ça, j'aidais ma famille. Actuellement ça ne va pas. On continue parce que on n'a pas d'autre travail. On n'a pas le choix. Avant, chaque jour je pouvais gagner 30-40.000 (45-60 euros). Actuellement, je peux faire une semaine sans rien gagner. Ici, il n'y a rien", dit-il, assurant qu'il va lui aussi être obligé à prendre le chemin de "l'exode".

- 'Affaires à l'arrêt' -

Taher Soufiane, 29 ans, passeur-chauffeur depuis 2013 est tout aussi désoeuvré depuis qu'il est sorti de prison. Il a été arrêté alors qu'il était sur la route avec une vingtaine de migrants à l'arrière de son pick-up. "On ne savait pas que c'était vraiment interdit", souligne-t-il.

Il est passé devant un juge et ne sait pas s'il a écopé d'une peine avec sursis ou s'il est en liberté provisoire. "On m'a dit que si je recommençais, j'irais en prison longtemps. On m'a confisqué ma voiture, on m'a pris mon travail, je reste assis toute la journée. J'ai trois enfants. Pourquoi l'Europe interdit ça et ne nous donne rien ?".

"Je ne vends plus rien. Les affaires sont à l'arrêt", se plaint Issouf Halidou, commerçant au marché, qui propose toute la panoplie nécessaire aux migrants: "Petit bidon (pour eau), 500 F CFA (75 centimes), Gants 500 F CFA, Masque (cagoule) 500, Lunettes 500, Chaussettes 500, Blouson 3000 (4,5 euro), Lait 1.500, Gari (manioc) 1.000, Sucre 600...". Il assure ne plus savoir quoi faire de ses stocks.

Dans les banques on se tait mais les innombrables publicités pour les sociétés de transfert d'argent (AlIzza, Ria, Western Union, MoneyGram, Joni, Sigue, Wari, Money Express, Oryx...) donnent une idée des sommes colossales qui transitaient par Agadez.

"Avant, il y avait la queue devant les banques. On pouvait avoir plus de 300 migrants par jour dans une agence! Aujourd'hui, rien ou presque. C'est dur de savoir quel est le manque à gagner mais cela impacte, c'est sûr. C'est une perte pour la région", affirme un employé sous couvert d'anonymat. Il estime probable que certains organismes licencient si l'interdiction se poursuit.

"La critique est fondée, convient le ministre de l'Intérieur. Compte tenu de l'ampleur de trafic de migrants irréguliers, il s'était développé une économie qui faisait vivre de nombreuses personnes. Il y a une nécessité, et nous avons pris l'engagement de développer une économie alternative à cette économie criminelle".

Soutenu par l'Europe, le Niger a adopté un "programme de 300 milliards de CFA" (460 millions d'euros), plan global avec une composante sécuritaire (30%) mais aussi économique et civile (70%), qui doit "concerner tous les domaines d'activités", explique M. Bazoum.

Cette somme fait fantasmer les habitants d'Agadez: "Quand est-ce qu'on va voir l'argent que l'Europe a donné ? Toujours il y a des réunions mais pour nous il n'y a rien. On a des femmes et des enfants et on attend", peste Abdoulaye Alora, coxeur de 45 ans.

Issouf Maha, également secrétaire général de l'association des municipalités de la région d'Agadez, craint que l'interdiction de travailler avec les migrants ne pousse les chômeurs vers des activités illicites déjà omniprésentes: trafic de cocaïne, d'armes ou de voitures volées.

Mais selon un observateur, le soutien européen à la lutte contre le trafic des migrants au Niger est un coup d'épée dans l'eau: "On traite les symptômes pas les causes. Tant qu'il y aura plus de 50% de chômage des jeunes dans les pays africains, il y aura des migrants qui passeront par Agadez ou ailleurs".

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