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Maïga Halimatou Salissou, l’intrépide !
Publié le jeudi 8 mars 2018   |  Niamey et les 2 jours




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A seulement 33 ans, Maïga Halimatou Salissou (photo) est déléguée spéciale au niveau de la ville de Niamey (équivalent de Maire), ordonnateur du deuxième arrondissement, le plus vaste de la capitale. Seule femme nommée (ainsi que les autres) parmi l’équipe de la délégation spéciale par décret présidentiel en août 2017 pour administrer la ville de Niamey, cette ancienne sociétaire du secteur privé est connue bien avant cette promotion par son engagement pour la salubrité et l’assainissement à travers des actions citoyennes. D’autres l’ont aussi connu sur le terrain politique où elle n’hésite pas à orienter les débats, prendre la parole notamment sur les réseaux sociaux pour donner son opinion ou défendre les intérêts de son parti.

Immersion avec une véritable intrépide en cette journée de célébration internationale des droits des femmes.

« Bonjour DS (acronyme de Déléguée spéciale), nous avons besoin de carburant pour les tricycles. Les bons d’essence que j’avais sont finis. » « Hadjia (équivalent de Madame), voici les documents à valider ce matin.» « Excusez-moi du retard, j’étais arrivé au service à 8 heures, mais j’étais appelé au ministère. » Sollicitée de toute part, Halimatou Salissou gère les dossiers et affaires courantes ce lundi matin avant d’attaquer le terrain.

Il suffit de faire le tour sur les sites de salubrité quotidiens de la ville relevant de son arrondissement. Gilet enfilé, cette femme mariée et mère de deux filles brille par sa présence aux côtés des équipes de salubrité sur le terrain. « Je l’apprécie beaucoup, c’est bien de travailler avec elle, mais elle aime trop bouger. Depuis qu’elle est là, nous allons sur le terrain tous les jours. Elle ne s’arrête jamais. Ca nous fatigue, mais on s’adapte. », nous confie un de ses chauffeurs.

Il sonne 10 heures à Niamey, le soleil crache déjà ses rayons lumineux à 33 degrés. La déléguée spéciale monte à bord d’une voiture avec deux de ses agents. Objectif, aller surveiller le travail de salubrité effectué ce matin sur le terrain. « Nous avons un programme hebdomadaire qu’on élabore très tôt et on envoie les équipes sur le terrain. A partir de 9 ou 10 heures, on constitue une seconde équipe qui passe pour apprécier le curage, la salubrité, le balayage, le désensablement des voies. Ca nous permet aussi de contrôler l’effectivité du personnel présent sur le terrain. », explique-t-elle sur le chemin menant vers le premier site de contrôle non loin du ministère de la Jeunesse et des sports. Ici, l’équipe a fini son travail et a battu en retraite.

Le cap est mis sur le rond point Francophonie. Aussitôt arrivée, Halimatou Maiga enfile le gilet des agents de salubrité et commence son travail. « Ce n’est pas normal que les revendeurs qui longent les grandes artères ne puissent pas maintenir leur environnement propre. Nous les avons interpellé à plusieurs reprises, mais chaque jour, le rond point et le long de l’artère sont sales, nous sommes obligés de les faire partir des lieux.», s’offusque-t-elle avant de passer un coup de fil en ce sens. Après quelques échanges avec le chef d’équipe de la zone, le cap est mis sur le quartier Lazaret. Là, elle travaille d’arrache pieds une autre équipe de salubrité. « Mettez chaque fois vos gilets. Que les gilets soient visibles. C’est pour vous protéger et vous faciliter votre travail. », lance-t-elle aux agents. « Je ne vois pas les 50 personnes qui constituent ton équipe. Mentionne ceux qui ne sont pas présents dans le cahier de pointage. Si vous ne dénoncez pas ces absences injustifiées, vous porterez les responsabilités.», prévient-elle durant ses échanges avec le chef d’équipe à qui, elle a aussi proposé une méthode pour rendre le travail efficace. « Dispatchez votre équipe sur la zone. Faites-en des groupes et déployez-les sur les 100 mètres par équipe. Cela vous permettra d’avancer plus rapidement. », conseille-t-elle.

Simple, visiblement dotée d’un sens aigu du relationnel, la déléguée spéciale n’hésite pas à se fondre dans la masse et travailler aux côtés de ses agents. Deux téléphones portables dans les mains, toujours entre plusieurs coups de fil, Halimatou Maïga vient de recevoir un appel qui l’oblige à rentrer au bureau.

Patriotisme incarné

Halimatou Salissou est issue d’une fratrie de 16 personnes. Elle fait partie de cette jeunesse appréciée ici et là au Niger. « Les jeunes que je rencontre ici ou que je croise dans la diaspora disent souvent qu’ils croient en moi. Ca dissipe les peurs. Même si vous avez des doutes et que de l’autre côté, une partie de la jeunesse croit en vous, vous n’avez pas d’autres choix que de réussir, d’avancer.», narre-t-elle.

Bien avant d’être nommée déléguée spéciale, elle travaillait chez l’opérateur télécom français, Orange. Alors seule femme, responsable du stock marchand de la société sur les 8 régions du pays, ce pur produit du système éducatif nigérien a été promu chef service, après un audit satisfaisant sur la gestion du stock marchand global.

En fonction chez l’opérateur, cette diplômée en Marketing logistique et Comptabilité s’est fait remarquer par des actions citoyennes qu’elle organise avec d’autres jeunes dans le pays. Avec son association Jeunesse active citoyenne (JAC), elle n’hésite pas à cibler des quartiers, hôpitaux, écoles pour des actions de sensibilisation, de salubrité ou encore des dons alimentaires. « Nous avons l’habitude de mener des actions citoyennes dans les CSI (Centre de santé intégré) dans lesquels, on a eu à faire des réhabilitations de certains bâtiments, des dons et ça se faisait par la cotisation des membres. On n’avait pas de partenaire, aucune autre source de revenus que ce qui venait de nos poches.», informe-t-elle.

Même sur les réseaux sociaux, Halimatou Salissou n’a pas perdu ses réflexes de littéraire. Avec ses 5 000 amis sur Facebook et près de 6 500 followers sur Twitter, elle est constamment présente, prend la parole, mène le débat et arrive à réguler les discussions soit pour sensibiliser, soit pour prendre position sur un sujet d’actualité.

Aujourd’hui, elle se dit fière de pouvoir se rendre utile à son pays à travers son nouveau poste. « Si vous empruntez les artères de la capitale, sur une distance de 100 ou 200 mètres, vous remarquez le changement que vous avez apporté, ça vous permet de dormir tranquillement, de vous dire qu’en citoyen, vous avez fait votre part.» affirme-t-elle. Pour elle, l’insalubrité qui constitue un grand défi au Niger est un problème comportemental qui ne trouvera pas une solution du jour au lendemain. « Il faut que le citoyen sache que si la ville est propre, c’est pour son propre bonheur. C’est pourquoi nous menons des actions de sensibilisation pour qu’ils maintiennent leur environnement propre.»

Militante politique

Halimatou Salissou est aussi très engagée sur le plan politique. Militante du Pnds au pouvoir, elle ne se fait pas prier pour défendre son parti et épingler ses frères de l’opposition. Pour la manifestation de rue du parti au pouvoir le 4 mars dernier, Halimatou Salissou était à l’avant-garde de l’organisation. « Je fais partie de cette catégorie de militant qui se dit qu’il n’a pas forcément besoin d’être dans une structure pour apporter sa contribution, Ce que je fais, je le fais en toute indépendance et liberté d’esprit. J’ai adhéré au PNDS le premier jour où j’ai eu mes 18 ans, l’âge de voter. J’ai toujours défendu les valeurs qu’incarne ce parti, épousé son idéologie.», se justifie-t-elle.

Pourtant, cette femme au foyer évolue dans une société où les préjugés et clichés sur la femme ont la peau dure. « Il faut combattre ces clichés, c’est assez difficile. Dans les bureaux politiques des partis, les femmes sont minoritaires parce qu’elles n’arrivent pas à s’afficher. Qui dit politique dit sacrifice, ce sont des réunions tardives, des absences répétées au sein de la famille et dans le contexte nigérien, les gens ont tendance à prendre la femme comme une personne qui doit s’occuper des tâches ménagères. Donc, pour réussir, il faut premièrement établir cette confiance totale entre vous et votre époux, il faut qu’il vous soutienne de manière inconditionnelle, qui vous permette d’avancer. Au cas contraire, vous n’y arriverez pas.» souffle-t-elle avec une teinte de rage dans la voix. « C’est très difficile d’évoluer dans un contexte composé majoritairement d’hommes qui pensent qu’il faut prendre la femme comme un accessoire, un décor qu’on utilise que s’il y a des meetings pour chanter, danser, les mettre dans des camions. Donc, il faut se battre pour résister, » maintient-elle en prenant pour exemple le travail de son mentor, la Présidente de l’Organisation des femmes Tarayya (OFT), Ousseini Hadizatou.

A la question de savoir ce à quoi ressemble le quotidien d’une femme engagée tant dans la vie citoyenne que politique, elle répond. « Il m’arrive, que pour des actions citoyennes, de prendre mes enfants pour qu’ils aient un petit temps avec moi. J’espère qu’ils comprendront aussi dès le bas âge, qu’il faut savoir se rendre utile. Aussi parfois si tu rentres fatiguer, stresser, le simple sourire des enfants les dissipe.», confie-t-elle les yeux fixés dans le vide.

Un autre élément qui fait la personnalité d’Halimatou Salissou ; sa liberté de ton et de parole, malgré son militantisme connu de tous pour le parti au pouvoir. Elle n’hésite pas à prendre la parole pour dénoncer des injustices dans la société. « Je suis rentré dans le parti avec une liberté d’esprit de sorte que si un jour je ne me retrouve pas, je puisse sortir librement pour la simple raison que je suis venu de moi-même et je l’assume. C’est un idéal et ça me coûte. Mais je pense que si on est militant dans un parti et je parle sous le contrôle de mes supérieurs, c’est qu’ils auront voulu que nous (militants) arrivions à dénoncer quand ça ne va pas ou dire que ça, ce n’est pas bon, il faut qu’on change. Je pense plus à ce qui fera le bien de ma communauté que mon bien. Si c’est juste pour applaudir, nous ne servons à rien. », sonne-t-elle.

Changement

Femme de caractère, Halimatou Salissou marque sa génération. « Simple, honnête, ouverte, rigoureuse au travail, sociable, elle hait l’injustice et la médiocrité.», confie une de ses proches collaboratrices.

« Halima a toujours été comme ça depuis toute petite. Lorsqu’elle n’avait pas l’âge d’aller à l’école, elle a obligé ses parents à l’y inscrire. Elle a toujours été un peu différente, très curieuse et son parcours ne surprend personne dans la famille. Très sociable, simple, pratique, elle est bien fréquentable. La seule chose que je peux lui reprocher, c’est qu’elle est trop généreuse et malheureusement, certains en abusent.», témoigne un membre de la famille.

Cette simplicité, honnêteté et rigueur dans le travail, Halimatou Salissou veut la transmettre à la jeunesse toute entière. « Je viens d’une famille assez modeste et Dieu sait que je me suis battue dans la vie. Nous nous efforçons d’encourager tout ce que la jeunesse a de positif et combattre tout ce qui a trait aux mauvaises valeurs. D’inciter ces jeunes à entreprendre, avoir des idées créatrices, à ne pas attendre de l’Etat. Il faut oser réussir, dire que je peux le faire. ».

« Le profil importe peu. On peut être mathématicien ou physicien et se retrouver dans l’agriculture, l’élevage, etc. L’erreur est d’attendre un poste correspondant à son profil. Il faut créer soi-même un destin, s’adapter à la réalité. On fait 18 millions d’habitants, mais on n’a pas 18 millions de postes à offrir aux Nigériens. Tant que vous croyez en ce que vous faites, vous le faites avec détermination, avec amour, cela rapporte toujours. »

Guevanis DOH

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