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Niger : mais que se passe-t-il pour les activistes de la société civile en détention ?
Publié le mardi 15 mai 2018   |  nigerdiaspora


Niger
© Autre presse par DR
Niger : mais que se passe-t-il pour les activistes de la société civile en détention ?


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Des avocats nigériens montent au créneau, un mois et demi après une vague d’arrestations qui a touché de célèbres figures de la société civile.
Dimanche 25 mars, Moussa Tchangari, secrétaire général d’AEC (Alternative espaces citoyens) est arrêté à son bureau vers 11 heures, alors que des manifestations censées « dénoncer les mesures antisociales » de la loi de finances 2018 doivent débuter vers 16 heures à Niamey. Un peu plus tard, c’est Ali Idrissa, président du Rotab (Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire), qui est interpellé à son tour. Puis, Nouhou Arzika, le président du Mouvement pour la promotion de la citoyenneté́ responsable (MPRC). Après 48 heures de garde à vue, ils sont accusés avec 19 autres personnes d’« organisation et participation à une manifestation interdite » – la mobilisation avait été interdite par les autorités pour des raisons de sécurité – et de « complicité de destruction de biens », puis transférés en prison. Depuis, aucun d’entre eux n’a été entendu par un juge.

Un collectif d’avocats pour dénoncer des irrégularités juridiques

Ce vendredi 11 mai, sept avocats ont organisé une conférence de presse à Niamey. Ils font état de « doutes sérieux sur la sérénité de l’instruction ». « Nous avons d’abord rappelé les irrégularités dans les procédures. Des mandats de dépôt ont été préparés avant même l’inculpation de ces activistes. Le parquet a quant à lui refusé de donner suite à notre demande de désistement du juge d’instruction, alors que c’est en principe à la présidence du tribunal de se prononcer », explique Me Boudal Effred Moulouf, qui fait partie du collectif d’avocats réunis à Niamey.

Ils ont aussi annoncé le dépôt d’une plainte contre X pour « détention arbitraire » de Moussa Tchangari et la saisine de la Commission nationale des droits de l’homme, en vue de favoriser l’évacuation à Niamey d’Ali Idrissa. Détenu à la prison de Filingué, à 180 km au nord-est de Niamey, ce dernier est malade depuis plusieurs jours. « Il ne sait pas de quoi il souffre, mais sa situation se dégrade. Il a été présenté à un médecin qui n’a pas pu diagnostiquer sa maladie et a recommandé qu’il soit transféré à Niamey pour y faire des examens », indique son avocat Me Boudal. Son transfert était prévu le 4 mai. Mais l’affaire s’est compliquée en raison de « problèmes de pneus » du véhicule, qui relevait d’un cran le risque d’évacuation sanitaire sur une route connue pour son mauvais état. Ali Idrissa, à ce jour, reste détenu à la prison de Filingué, et privé de soins.

Mobilisation internationale

Dans la twittosphère, les messages de soutien à cette figure nigérienne de la lutte anticorruption se multiplient.

Pour la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, ces militants de la société civile font l’objet de « harcèlement judiciaire ». Amnesty International évoque de son côté « un point culminant de l’intolérance » dans son communiqué du 16 avril. Il réagit à une autre salve d’interpellations de militants de la société civile survenue le 15 avril, à l’issue d’une manifestation interdite, à nouveau contre la loi de finances 2018. Il s’agit cette fois de Maïkoul Zodi, coordinateur de la campagne internationale « Tournons la page », d’Ibrahim Diori d’Alternative espaces citoyens (AEC) et d’Abdourahamane Idé Hassane, qui dirige une association de jeunesse. Ils sont visés par les mêmes chefs d’inculpation que leurs collègues et ont, eux aussi, été placés sous mandat de dépôt. Ces arrestations « révèlent la détermination des autorités nigériennes à museler les défenseurs des droits humains », déclare la chargée de campagnes sur l’Afrique de l’Ouest d’Amnesty International Kiné Fatim Diop.

L’association nigérienne AEC ne dit pas autre chose. Il s’agit d’ « intimider les membres de la société civile qui organisent des manifestations de plus en plus gigantesques pour exiger la révision de la loi de finances », estime-t-elle. Le budget 2018, adopté en novembre 2017 dans un Parlement largement dominé par les députés de la majorité, est contesté dans la rue depuis le mois d’octobre. Selon ses opposants, cette loi consacre une réduction du pouvoir d’achat. Ils dénoncent des hausses d’impôts, de nouvelles taxes, et dans le même temps, des « exonérations fiscales exagérées au profit des filiales des multinationales notamment du secteur de la téléphonie mobile dont les actionnaires majoritaires sont proches du pouvoir », selon les termes d’un communiqué d’AEC.

Durcissement du pouvoir

Dans un entretien à l’ORTN, la télévision publique nigérienne, le 29 mars, le président nigérien Mahamadou Issoufou a affirmé que la loi de finances 2018 était « soutenue par l’immense majorité des Nigériens ». Ce que réfute pourtant l’historien et politologue Yahaya Issoufou, maître de conférences à l’université Abdou-Moumouni de Niamey. « Depuis la fin 2017, les manifestations de la société civile drainent un monde fou. Le régime est de plus en plus impopulaire et fait l’objet de critiques aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays », résume-t-il. Le président nigérien souffre selon lui d’un déficit de légitimité depuis les élections générales de 2016, boycottées par l’opposition. Son leader principal, Hama Amadou, accusé de trafic d’enfants, avait alors fait campagne depuis sa cellule de la prison de Filingué, avant d’être évacué vers la France pour des raisons de santé. Un cas qui rappelle amèrement celui d’Ali Idrissa.

« L’opposition a été étouffée et les voix les plus dissonantes au Niger sont devenues ces dernières années celles de la société civile. Le Niger a la chance d’avoir une société civile qui a toujours été à l’avant-garde. Parmi ceux qui sont emprisonnés, vous avez des leaders comme Moussa Tchangari qui ont emmené́ le changement en 1989, avec la mobilisation qui a débouché́ sur la tenue de la conférence nationale souveraine », poursuit Yahaya Issoufou. Des acteurs majeurs dans l’avènement de la démocratie, et de plus en plus inquiétés par la justice depuis le deuxième mandat de Mahamadou Issoufou. Ce durcissement concerne aussi la presse. Au soir de la manifestation du 25 mars, la radio-TV Labari, dirigée par Ali Idrissa, a été fermée. Des journalistes couvrant des manifestations lycéennes ou étudiantes ont aussi fait l’objet de violences policières ces derniers mois, comme le relève RSF (Reporter sans frontières). « Nous régressons dans tous les domaines. L’école est à terre, l’université ne fonctionne plus depuis deux bons mois, le système de santé est à double vitesse, et les Nigériens n’arrivent pas à joindre les deux bouts », analyse l’universitaire. Et de conclure : « C’est pour toutes ces raisons que cette loi de finances 2018 est aussi impopulaire. »

Par Agnès Faivre

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