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Gestation de l’assujettissement total de la justice à l’Exécutif : Le Niger se dirigerait-il vers la création de tribunaux populaires ?

Publié le samedi 19 mai 2018  |  Le Courrier
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© Autre presse par DR
Symbole de la justice
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L'idée a fait long feu sous la Transition militaire de Salou Djibo où un membre du gouvernement actuel, aujourd'hui bien placé pour la concrétisation du projet, a émis l'idée de dissoudre les juridictions existantes pour les remplacer par des tribunaux populaires. La proposition a fait froid dans le dos autour de lui, y compris chez ses interlocuteurs militaires. Serait-ce cette idée qui aurait germé ? En tout cas, le gouvernement a transmis à l'Assemblée nationale pour adoption un projet saugrenu de création de cours d'appel dans toutes les régions, de tribunaux d'arrondissement communaux et de tribunaux communaux au niveau des communes. Un projet que le SAMAN juge utopique et dangereux pour l'État de droit et la justice, déjà mal en point. Dans une correspondance adressée au président de la commission des Affaires générales et institutionnelles de l'Assemblée nationale, le 4 mai 2018, le Syndicat des magistrats (SAMAN) a attiré l'attention sur l'incongruité de l'idée, mais également sur la remise en cause de l'indépendance du pouvoir judiciaire et les graves dérives auxquelles donnerait lieu la création de nouvelles juridictions. Pour le SAMAN, si l'idée est en soi généreuse, elle est toute fois chimérique. À l'appui de sa sentence, le SAMAN a rappelé qu'en 2013, le même argument de rapprocher la justice des justiciables a conduit à la création de 27 tribunaux d'instance dans 27 départements nés de la transformation des anciens postes administratifs en départements, mais qu'à la date d'aujourd'hui, aucun n'est opérationnel. Le SAMAN, qui soupçonne un projet de clochardisation du juge à des fins uniquement politiciennes, a notifié à l'Assemblée nationale que la réforme envisagée " passe obligatoirement par la construction et la dotation des sièges des futures juridictions, la construction des domiciles de leurs chefs et responsables, le recrutement d'au moins la moitié des effectifs actuels des magistrats et des greffiers pour leur animation ". Or, souligne-t-il, " les conditions actuelles de travail dans la quasi-totalité des juridictions existantes du pays sont éprouvantes et laissent à désirer en termes de moyens de fonctionnement, de cadre de travail et de ressources humaines".


L'idée de la création de tribunaux populaires trottait, déjà en 2010, dans l'esprit de certains gouvernants actuels

Si les conditions matérielles et financières sont à elles- seules suffisantes pour ne pas entreprendre ce projet dans le contexte actuel, elles sont par contre loin de représenter l'aspect le plus inquiétant du projet. Car, il ne s'agit nullement d'un souci de rapprocher la justice du justiciable, mais plutôt de satisfaire des considérations subjectives et personnelles. " C'est la première fois, dans l'histoire de l'organisation judiciaire du Niger, qu'il est ouvertement entrepris à travers un texte de loi, de ramener les juridictions au seuil de simples services administratifs et leur faire perdre leur caractère institutionnel ". Une disposition qui, si elle passe dans la loi, fait craindre le pire quant au profil des hommes qui seront désignés pour animer ces nouvelles juridictions. Si le SAMAN semble s'interroger sur la provenance de ceux qui vont animer ces juridictions en perspective, les géniteurs de l'idée, eux, pensaient déjà sous Salou Djibo, à nommer à la tête des tribunaux populaires qu'il proposait, des sociologues, agronomes, du tout-venant en somme. Dans un Niger où le chômage est si élevé, le gouvernement ne manquera pas de personnels s'il faut prendre des menuisiers à la place de maçons. Le fait de réduire des juridictions au rang de simples services administratifs n'est pas un hasard. Il corrobore peut-être l'idée de ces fameux tribunaux populaires.

Le gouvernement veut réduire la justice en simple appendice de l'Exécutif

L'idée macabre de tribunaux populaires pour remplacer les juridictions de droit serait-elle, en fin de compte, en train de voir le jour au Niger ? Qu'est-ce que l'Assemblée nationale, qui devait examiner et adopter le projet de loi, hier, mercredi 16 mai 2018, a-t-elle finalement retenu ? Par expérience, des observateurs notent qu'elle n'apportera pas de si grands amendements au projet du gouvernement.

Ainsi, tandis que les arrestations se comptent par centaines, captant l'attention de l'opinion nationale et des observateurs extérieurs de la scène politique nigérienne, l'Assemblée nationale, elle, fait le boulot. Proprement ! Comme les bourreaux des couloirs de la mort américains, Ousseïni Tinni et ses collègues continuent, dans le silence de cimetière d'un parlement vomi par les citoyens, d'adopter à tour de bras et sans état d'âme, des textes de lois qui pourraient être le terreau fertile sur lequel se ferait la germination de la dictature au Niger. Après le statut démentiel des notaires, en décalage net avec les valeurs sociales et religieuses de la société nigérienne, c'est au tour du projet de loi qui va achever d'enterrer la justice comme pouvoir indépendant de l'Exécutif. Une autre violation flagrante de la constitution. Outre les aberrations relevées ici et là, le SAMAN écrit que les articles 29, 56, 58, 61, 67, 69, 71, 95, 97, 98;99;100et101consacrent " une flagrante remise en cause des principes de la séparation des pouvoirs Exécutif et Judiciaire et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, en ouvrant la porte de l'absorption programmée du second par le premier ". Le mot est lâché. Le gouvernement veut réduire la justice en simple appendice de l'Exécutif et pour le SAMAN, c'est programmé de longue date. Où ? Dans d'obscurs ateliers qui n'ont rien à voir avec la commission des réformes du ministère de la Justice, cadre de regroupement de tous les acteurs du secteur.

Laboukoye
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