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Hommage à Abdoulaye Mamoudou Béré, ainsi tu es parti…

Publié le dimanche 8 juillet 2018  |  Tamtaminfo
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La nouvelle, la triste nouvelle est tombée, brutale et rude encette soirée du 2 juillet. Un ami m’alerte. Le grand frère Abdoulaye est rappelé à Dieu ! Allahou Akbar !


Et comme pour refuser le destin, je me mets à psalmodier : ce n’est pas possible, ce n’est pas possible… Et pourtant, c’est la triste réalité. Le destin a, encore une fois, frappé de son bras lourd. Imparable et impitoyable !

Et puis dans ma mémoire encore embrouillée par le choc, se défilent, pêle-mêle, en pans entiers, des souvenirs de ma rencontre avec celui que j’appelais affectueusement « Béré », c’est-à-dire « grand frère », en langue zarma.

Car Abdoulaye a été pour moi, et certainement pour beaucoup de journalistes nigériens, un grand frère, ce grand frère disponible et généreux dans l’âme. Un homme tout bâti d’humilité et de sagesse ; de prévenance et de correction. Il avait la voix mesurée, l’ouïe fine, le regard maîtrisé. Il parlait peu, écoutait beaucoup. Il avait le sens des phrases courtes, percutantes. Mais Abdoulaye était surtout cet homme cultivé et ouvert, ce journaliste perspicace et bourré de talents.

J’avais la connaissance de mon illustre aîné en… 1982, à travers un article signé de sa main dans le quotidien Le Sahel. « Les télécommunications au bout du fil… », avait-il titré rendant compte avec brio et maestria d’un débat radiotélévisé qui avait pour invité le Directeur général de l’OPT del’époque.

Etudiant en journalisme à Dakar, j’avais « dévoré » le compte rendu en m’extasiant devant la qualité irréprochable de l’écriture. Un chef-œuvre pour tout dire. Je retenais le nom de l’auteur : Abdoulaye Mamoudou. Et puis, le temps passe. Il me reste à terminer ma formation, et même à accomplir mon service civique national avant de connaître l’auteur de l’article qui m’avait tant marqué.

C’était le temps, le bon vieux temps où les responsables administratifs et politiques avaient l’obligation de rendre compte de leur gestion régulièrement à l’opinion nationale.Devant caméras et micros, en direct, ils devaient se soumettre au feu roulant des questions des journalistes. Dossiers en tête ! Gare aux incompétents et aux incapables !

Le respect de l’âge

En 1984, j’intégrais donc la rédaction du Sahel. Abdoulaye n’était pas là. Il avait quitté le journal, appelé par le devoir pour servir comme Conseiller à l’information au Cabinet du Président du Conseil National de Développement (CND), institution nouvelle devant préparer le retour du Niger à une vie constitutionnelle normale.

Et je continuais de loin à m’intéresser à cette plume qui signait régulièrement dans le « Bulletin du CND », la revue de la nouvelle institution politique du Niger. C’est probablement lors d’une couverture des activités du CND que j’allais enfin tomber sur Abdoulaye Mamoudou. Voilà qu’un jour de janvier 1989, je suis nommé Conseiller en communication du Président du CND, pour remplacer… Abdoulaye Mamoudou.

Et depuis, le respect de l’âge, imposé par la tradition, fait qu’il est devenu pour moi Béré. Tout simplement.

Depuis lors nous avons cheminé ensemble, chacun appelé à contribuer à l’édification du secteur de la communication au Niger, et ce à différents niveaux de responsabilité.

Béré, tu avais été de tous les combats, même aux pires moments où la liberté de la presse a été soumise à rudes épreuves. Surtout à ces moments là !

Tu avais été un précurseur au sens pionnier et noble du vocable. Tu avais été un ardent défenseur de la liberté de la presse au Niger. Tu avais été un grand et digne serviteur de l’Etat. Partout où tu étais passé, tu avais laissé les traces indélébiles de ton engagement et de ton professionnalisme, refusant la médiocrité et l’amateurisme.

Ta rigueur n’avait eu d’égales que ton humilité et ta bonhomie légendaire qui te faisaient passer souvent pour anonyme alors que tu détenais en toi les clés de la marche du secteur, comme Directeur national de la Communication, comme Directeur général de l’ONEP mais surtout comme Conseiller technique avisé de plusieurs ministres successifs de la communication,des ministres issus de partis politiques, voire de régimes politiques différents.

Les différents présidents de la CENI, où tu avais pendant de longues années représenté le ministère de la communication, retiennent certainement de toi l’image parfaite de ce professionnel accompli, détestant les compromissions. Ta maîtrise des questions électorales ont fait de toi l’un des experts nigériens les plus côtés en la matière sur le plan international, questions sur lesquelles tu avais d’ailleurs consacré tout un livre. C’est tout dire !

Tous sont unanimes, tes chefs et collaborateurs, pour reconnaitre et louer ta loyauté, ta compétence et ta disponibilité, même dans le désaccord. Car tu avais une haute conscience de ta mission. Tu savais écouter ton interlocuteur ;tu savais le convaincre dans le strict respect des divergencesd’avis et d’opinions.

L’intérêt général, ou plutôt sa préservation et sa défense, ont été tes chevaux de bataille. Je t’avais suffisamment vu à l’œuvre pour affirmer face à l’opinion ton professionnalisme vrai et ton humanisme avéré.

A la presse nigérienne, tu avais tout donné ; à ton pays, tu avais consenti tous les sacrifices, sans jamais rien demander en retour. Car effectivement, tu ne savais pas monnayer tes services. Tu refusais de le faire, par probité morale et par conviction. Le devoir de mémoire et le sens de la gratitude imposent à la presse nigérienne de s’inspirer de ton action, car tu as été pour elle un modèle et un exemple.

Abdoulaye, le Niger, ton pays que tu as tant aimé et servi, te saurait un jour gré de lui avoir donné sa Politique nationale de communication pour le développement (PNCD), convaincuque tu étais en tant que Directeur national de la communication, que ce secteur essentiel du développement national avait besoin de boussole et de repères, tout comme il devait se donner des objectifs et des ambitions.

Je te vois encore, et moi te secondant, t’investir corps et âme dans la préparation des Etats généraux de la communication,où pendant presque six mois, tu avais su mobiliser toutes les compétences de secteur et organiser leurs contributions individuelles et collectives à la réussite de ce grand rassemblement de mars 2010 qui devait doter le pays de textes législatifs progressistes voire d’avant-garde. Et tout cet investissement, ce don de soi, ce sacrifice, tu les consentais sans jamais rien exiger, sans même en tirer gloriole.

Confiance réciproque

Béré, j’ai eu le privilège rare pour un journaliste de présider aux destinées de l’instance de régulation du secteur de la communication. Pendant quatre longues années, nous avions travaillé au quotidien dans le même collège, et cela à un moment où les défis étaient de tous les instants, rudes et implacables. Je t’avais assurément observé, fréquenté constamment. Je revoyais, comme dans un film, ces moments épiques passés ensemble, sans moyens autres que notre seule volonté de servir la nation et notre détermination à réussir la mission à nous confiée.

Ensemble, et contre l’ordre établi, contre vents et marrées, nous avions conduit le processus d’élargissement de l’espace audiovisuel au Niger de même que celui du champ des libertés de presse et d’opinion. C’est ainsi que notre pays, avant bien de pays africains, avait vu naitre et se développer plusieurs chaines de radio et de télévision privées, et même, pari insensé dans le contexte de l’époque, plusieurs radios communautaires disséminées aux quatre coins du pays.

Je te revoyais encore gérer, avec feu le Doyen Hima Adamoudit Dama Dama, le dossier délicat et brûlant de l’accès des candidats aux élections politiques générales de 1999.

Je m’incline encore devant l’imagination fertile et l’inspiration féconde qui avaient été les tiennes pour nous voir réunir dans notre salle de conférence l’ensemble des représentants des candidats à ces élections et établir avec eux, avec chacun d’entre eux, une relation de confiance réciproque et sereine ;ce qui nous avait permis, malgré l’importance des enjeux et la gravité des suspicions initiales, de convenir ensemble des règles du jeu, c’est-à-dire les conditions et les modalités d’accès aux médias tant publics que privés. Et c’est ensemble,et au quotidien, que nous suivions et évaluions la mise en œuvre du dispositif convenu de commun accord.

Et au bout du compte, l’action a été salutaire et couronnée de succès. Aucune contestation, mais des témoignages de satisfaction unanimement exprimés.

Je te revois encore en cette matinée de mai 2011 officiant avec solennité et prestance la cérémonie d’ouverture du Colloque international sur l’exercice de la liberté de presse en Afrique que nous avions organisé ensemble.

Sur des théâtres régionaux et même internationaux, nous avions eu à représenter la presse nigérienne, à défendre l’exercice de la liberté d’opinion, à promouvoir le secteur de la régulation des médias au Niger.

C’est que l’équipe que nous formions refusait le militantismeservile et le zèle coupable, ou encore la manipulation béate des consciences. Elle s’était véritablement imprégnée et pénétrée de sa mission de service public qui devrait la mettre au dessus des partis pris pour se situer au seul niveau de l’intérêt général. On se savait en mission commandée et on entendait collectivement s’assumer.

Béré, je te savais atteint par la maladie depuis quelques années. Par ton courage, tu avais su affronter les épreuves et afficher une farouche détermination à te battre jusqu’au bout. Tu t’investissais, et beaucoup, peut-être un peu trop au regard de ton état de santé !

Doyen du groupe

Il y a deux ans encore, tu me conviais, en compagnie de notre jeune frère Amadou Harouna Yayé, à mener une étude de consultation pour l’élaboration d’une stratégie de communication au profit d’une structure de la place. L’exercice a été des plus maîtrisés et surtout des plus réussis de par ton sens de la gestion des hommes.

Chef d’équipe et doyen du groupe, tu te refusais de dicter, mais de suggérer. Tu t’avais fait le devoir de ne pas imposer tes vues, mais d’orienter l’action. Dans une ambiance toute fraternelle et décontractée. Tu avais le sens du mot juste et du compromis, écartant l’affrontement inutile pour privilégier la conciliation conviviale et la complémentarité constructive.

Tu refusais jusqu’à la gestion des honoraires, me laissant délibérément le soin de le faire à ta place, tant tu ne voudrais pas te compromettre pour un sou, optant pour une transparence des plus limpides.

Béré, ainsi tu es parti… Tu laisses assurément une famille inconsolable et de nombreux amis l’âme en peine. En m’inclinant pieusement devant ta mémoire, je présente mes condoléances émues à ton épouse Mariama et à vos enfants aujourd’hui privés de l’affection d’un mari prévenant et d’un père disponible.

Béré, repose en paix et que la terre nigérienne, une terre que tu avais tant aimée, te soit légère. Que Dieu t’accueille dans son Paradis éternel. Amen !

SoitAboubakari Kio Koudizé
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